Hydro-Québec: un tarif différent pour les riches qui dépassent un certain seuil?

Par Stéphane Blais 6:00 PM - 8 février 2024 La Presse Canadienne
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Des pylônes de transmission d'Hydro Québec sont visibles à Montréal, le mercredi 30 août 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi

Les ménages les plus riches consomment en moyenne plus d’électricité que les autres. À un moment où Hydro-Québec tente d’accroître ses efforts en efficacité énergétique, les plus riches pourraient être appelés à payer plus pour leurs kilowattheures, lorsqu’ils dépassent un certain seuil.

Historiquement, les clients résidentiels d’Hydro-Québec paient moins qu’il en coûte au producteur d’électricité pour les alimenter. En revanche, les clients commerciaux paient plus. C’est ce qu’on appelle l’interfinancement.

Selon les données du rapport sur l’État de l’énergie 2024 publié jeudi, les clients industriels paient 105 % des coûts de leur consommation alors que les clients commerciaux paient 133 %. En comparaison, les clients résidentiels paient moins de 86 % du coût de l’énergie qu’ils consomment.

Toujours selon les données du rapport, ce sont les plus riches qui profitent le plus de l’interfinancement.

«La question qu’il faut se poser, c’est: est-ce que c’est normal que des ménages aux revenus élevés soient interfinancés par les PME du Québec?», a demandé Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, lors de la présentation du rapport jeudi.

L’État de l’énergie au Québec 2024 rapporte que les ménages ayant des revenus de plus de 150 000 $ ont consommé en moyenne plus de 25 000 kWh en 2022, alors que les ménages gagnant moins de 40 000 $ n’ont consommé que 13 000 kWh en moyenne.  

La «subvention» pour les revenus moins élevés équivalait à 164 $ en 2022, alors que celle pour les ménages aux revenus supérieurs équivalait à 319 $, selon le document.

Il faut se demander «s’il faut continuer à financer toutes les classes de consommateurs», car notre consommation d’énergie électrique «va aller en augmentant», a souligné Pierre-Olivier Pineau.

Des tarifs en fonction de la consommation

Selon Jean-Pierre Finet, analyste en régulation économique de l’énergie pour le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROÉE), il faut éviter de faire une tarification en fonction du revenu, mais plutôt mettre en place des tarifs en fonction de la consommation, en ajoutant un ou des paliers à la tarification.

Les 40 premiers kilowattheures par jour de consommation sont facturés aux alentours de 0,07 $ du kilowattheure et le reste des kilowattheures sont facturés à peu près à 0,10 $.

«On pourrait faire un autre palier à partir de 80 kilowattheures et plus par jour, pour ceux qui chauffent leur entrée de stationnement en hiver par exemple», a indiqué Jean-Pierre Finet.

Il estime qu’il pourrait également y avoir des paliers de tarifs différents l’été, un moment de l’année où le besoin en énergie baisse.

«On pourrait ajouter un autre palier à partir de 41 kilowattheures par jour», donc «ceux qui font chauffer leur piscine ou qui utilisent la climatisation à fond la caisse» seraient touchés «par ce plafond tarifaire».

Toutefois, a prévenu l’analyste, «si on fait une refonte tarifaire, il faut aussi accompagner cela avec un programme d’aide en efficacité énergétique pour améliorer la performance des bâtiments».

Des programmes ciblés pour «maisons imposantes»?

Lorsqu’il a présenté aux médias son Plan d’action 2035 en novembre dernier,  le  président-directeur général d’Hydro−Québec, Michael Sabia, avait indiqué que les clients résidentiels qui consomment beaucoup d’énergie pourraient avoir «des options tarifaires personnalisées» qui reflètent leur importante consommation.

«Nous irons plus loin dans l’effort de sensibilisation et d’encadrement de certaines catégories de clientèle, comme les propriétaires de maisons imposantes ou d’immeubles locatifs mal isolés et les entreprises de secteurs qui consomment beaucoup d’électricité», peut-on lire dans le plan d’Hydro-Québec.

Le PDG d’Hydro-Québec n’avait pas précisé lors de la présentation du plan de quelle façon les propriétaires de maisons imposantes pourraient voir leurs tarifs changer.

Dans la même conférence de presse, le vice-président Dave Rhéaume avait toutefois précisé qu’Hydro-Québec n’avait pas l’intention «d’interdire, mais plutôt d’inciter aux bons comportements».

«On peut imaginer envoyer des signaux» à «des propriétaires de maisons qui ont beaucoup d’équipements non essentiels», avait-il expliqué.

«Par exemple, une maison où il y a des véhicules électriques, un stationnement chauffant, un jacuzzi, est-ce qu’il y a des façons de donner des incitatifs pour que ces équipements-là n’aient pas un impact sur la pointe de demande en électricité? C’est le genre d’idée qu’on a», avait dit M. Rhéaume.

Lors de la présentation du plan à l’automne dernier, le PDG d’Hydro-Québec s’était engagé à ce que «les tarifs restent bas et abordables» et que les augmentations n’excèdent pas l’inflation ou 3 % pour la clientèle résidentielle.