Notre bandit masqué des neiges : le jaseur boréal

Par Michel Paul Côté 10:30 AM - 16 février 2023
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De la visite rare. On est tous assez familiers avec notre jaseur des cèdres, qui fréquente nos arbres fruitiers pendant tout l’été. Sagement, ce dernier nous quitte à la fin de l’été pour la chaleur et l’abondance de nourriture qu’offrent les États-Unis.

Le jaseur boréal se nourrit de petits fruits qui sont bien gelés sur les arbres. Les petits pommetiers garderont une bande de jaseurs plusieurs jours.

Il est donc surprenant, au plus fort des basses températures de janvier, de le voir réapparaître dans nos boisés.

Il n’est pas seul, il se déplace en bandes. Parfois cinq à six individus, parfois une centaine. En y regardant de plus près, quelque chose ne va pas… Le masque noir caractéristique est bien visible, mais les sous caudales, ces plumes sous la queue, généralement grises, sont couleur marron. Et en vol, on discerne clairement du jaune au bout des ailes, ainsi qu’une petite bande blanche? Vite le guide…

Il s’agit du jaseur boréal, le grand cousin. Il passe l’été dans les forêts du grand nord, et vient se réchauffer
chez nous en hiver.

En réalité, il vient nous visiter pour se nourrir, dévalisant rapidement tous les petits fruits gelés qu’il trouve dans nos arbres et arbustes enneigés. Les fruits de l’aubépine, du rosier sauvage, du sorbier, du sumac vinaigrier, du genévrier seront tous, tour à tour, découverts et engloutis par une bande de jaseurs boréals.

Il ressemble beaucoup à son cousin le jaseur des cèdres. Mais remarquez la couleur marron des plumes sous les ailes arrière, ainsi que la bande blanche sur le devant des ailes.

Si vous en apercevez près de votre propriété, offrez leur rapidement des morceaux de fruits congelés sur un plateau. Ils reviendront fort probablement pendant un jour ou deux, mais il n’y a pas de certitude.

En effet, les bandes de jaseurs boréals se déplacent beaucoup. Son ancienne appellation était le jaseur
bohème. C’est d’ailleurs toujours son nom en anglais : Bohemian Waxwing. La bande se déplace, toujours,
continuellement. Le bohème éternel.

Et même si l’oiseau est discret, la bande se déplace parfois en émettant des cris qui ressemblent à des sifflements.

C’est une race d’oiseaux circumpolaires, que l’on retrouve dans les forêts boréales du monde entier. Si vous consultez les guides d’oiseaux des années 1980-90, on y note que le jaseur boréal est un résident de
l’ouest du Canada. Depuis 10 ans, nous avons la confirmation de sa présence dans le nord du Québec. Mais le recensement est difficile, car il niche très au nord, là où les observateurs sont encore plus rares qu’eux. Quatorze observations lors du dernier recensement provincial de 2014, avec neuf nidifications
possibles et cinq probables. Ce n’est pas une invasion.

Mais l’hiver, c’est une autre histoire. On le retrouve maintenant régulièrement dans tout le sud de la province. Pourquoi a-t-il étendu autant son aire de dispersion? Abondance de nourriture, probablement favorisée par un phénomène de réchauffement climatique? Possiblement. L’hiver dernier, on rencontrait
de larges bandes dans les champs, le long des routes secondaires, en train de vider de ses fruits un sorbier. Baie-Saint-Paul, Les Éboulements, Saint-Irénée, Clermont. Cet hiver, leur arrivée chez nous tarde un peu. On en a vu récemment à Saint-Joseph-de-la-Rive.

Mais les mentions sont très nombreuses près des grands centres : Montréal, Québec, Saguenay, Rimouski, Sherbrooke, etc. C’est probablement parce que les observateurs y sont plus nombreux.

Alors lors de vos prochaines sorties sur les petites routes enneigées de Charlevoix, regardez s’il y a de l’action dans les buissons. Vous risquez de vous retrouver face à face avec le bandit masqué.

Et savourez le moment, c’est une observation d’exception!

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