Tragédie des Éboulements : les mauvais souvenirs ne meurent jamais

Par Sylvain Desmeules 8:00 AM - 10 octobre 2022
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Photo : archives de la tragédie des Éboulements

Une belle journée d’automne que ce 13 octobre 1997, une journée parfaite pour une virée entre amis retraités à L’Isle-aux-Coudres. Mais une trop belle journée de l’Action de grâces pour mourir au bas d’une côte. Les mauvais souvenirs ne meurent jamais.

J’étais là, pour assister à la mort en direct. Arrivé quelques minutes après mon collègue de la radio, Louis Lacroix, je suis devenu témoin de la mort de 44 personnes parce que j’étais journaliste.


Depuis, l’accident de la Grande Côte des Éboulements occupe une triste place dans mon esprit, un vilain et macabre tableau qu’on ne peut plus détacher du mur de notre vie.


Vingt-cinq ans plus tard, je suis retourné sur les lieux de l’accident. Le ruisseau, le muret de béton, la voie ferrée, les herbes hautes, le vieux chemin, tout est encore là.


Les images appartiennent au passé, mais demeurent très nettes. Les sons aussi. J’entends encore l’agonie de ces gens de Saint-Bernard-de-Beauce. Un quart de siècle plus tard, l’insoutenable spectacle refait surface.

À lire, la chronique d’Emelie Bernier qui a rencontré des parents des victimes.


Sur place, plusieurs épitaphes de fortune sont posées au fond du ravin. Personne n’a eu envie de commémorer davantage le drame et c’est correct. Pourquoi vouloir faire plus pour se souvenir de la pire catastrophe routière de l’histoire du Canada? Les familles n’ont pas oublié, nous non plus, et c’est fort suffisant.


Je revois les rangées de corps recouverts de bâches jaunes et oranges. Je revois aussi les secouristes besogner méthodiquement pour extirper les malheureuses victimes. L’amas de ferraille s’est amalgamé aux âmes beauceronnes, sans que personne ne puisse se reprocher quoi que ce soit.


Néanmoins, en 1974, au même endroit, 13 personnes trouvaient la mort dans un accident d’autocar. Cette fois, on a refait -déplacer- la côte. Il le fallait bien.


Politiciens, familles des disparus, citoyens, coroner, le cortège a défilé par la suite. On s’est activé. Les enquêtes aussi, puis les travaux de 30 millions $.


«L’accident aurait pu être évité», dira-t-on, mais tous les accidents, aussi banals soient-ils sont évitables. Puis, le temps a fait de cet accident une éphéméride à souligner aux cinq ans, comme aujourd’hui. Mais le mauvais souvenir persiste.


Et à Saint-Bernard-de-Beauce et dans Charlevoix, le mauvais souvenir est tenace. Bizarrement, ce n’est pas un sujet de discussion chez nous ou presque. Les mauvais souvenirs, ça ne sert à rien de ruminer ça, mais personne n’a oublié.


La résidente du coin, le pompier volontaire, le policier dévoué, l’ambulancier, l’infirmière bénévole, tous ces gens qui ont vécu ce drame de l’intérieur se croisent encore aujourd’hui, sans y faire allusion, incluant l’auteur de ces lignes.


Cette journée aurait pu n’être que synonyme de bons et beaux souvenirs. Les insulaires auraient été fiers d’accueillir ces gentils touristes. Les travailleurs de première ligne auraient terminé à 16 h comme prévu en cette journée fériée. Les résidents auraient terminé le remisage d’automne dans la bonne humeur et j’aurais terminé le dessin avec mon premier enfant, âgé de 17 mois. Et ces Beaucerons seraient repartis chez eux, ivres de nos couleurs d’automne.


Mais les mauvais souvenirs ne meurent jamais.

Quelques rappels

Date : 13 octobre (lundi de l’Action de grâces)
Heure : 13 h 50
Passagers : 47 (plus le chauffeur)
Provenance : Saint-Bernard-de-Beauce
Raison : tourisme à L’Isle-aux-Coudres
Compagnie : Autobus Mercier
Décès : 44 personnes
Survivants : 4 personnes

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