Quatre cent soixante-quatre secondes de gloire chez le médecin

Par Brigitte Lavoie 3:30 PM - 21 mai 2019
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Se rendre à Québec pour une consultation de moins de 10 minutes avec un médecin.

Est-ce que 4h30 de voiture et de viraillage tragico-trafic aller-retour à Québec pour 7 minutes 44 secondes de tête-à-tête avec un médecin spécialiste, c’est réaliste ? Une chose est sûre, ça épuise la patience et ça aiguise la somnolence. C’est moi ou de plus en plus, Québec est sur la route comme si c’était le village d’à côté ? Des rendez-vous avec des professionnels, des livraisons, des réunions, des commissions, des entraînements sportifs et des rendez-vous de 464 secondes chez le médecin, parce que tout ça n’existe plus ici et que la masse critique est à l’ouest.

Des médecins en orthopédie, en ophtalmologie, en gynécologie, en urologie, alouette qui venaient jadis une fois par mois à Baie-Saint-Paul ou à La Malbaie, rapatrient maintenant les patients charlevoisiens en ville pour des « rendez-vous de contrôle » via la 18e rue, le chemin Sainte-Foy, le boulevard Laurier et pourquoi pas Henri-IV congestionné. T’as beau maximiser le déplacement, te faire un lunch et un programme de ministre pour rentabiliser ta journée, c’est nécessairement agaçant. Et si tu n’as pas de voiture, que tu ne conduis pas en ville, que tu es à mobilité réduite, âgé, vraiment malade, anxieux ou que l’argent pour l’essence et le stationnement pose problème, ce rendez-vous est nécessairement désespérant. « Mais docteur, on n’aurait pas pu faire la consultation par vidéoconférence ? Genre Facetime… Vous ne m’avez même pas touchée ! »

Mauvais timing aussi désormais pour les femmes enceintes. Go to Québec pour l’échographie de routine. Finie la belle époque où ces examens se faisaient à l’Hôpital de La Malbaie par un radiologiste polyvalent, maintenant en voie d’extinction. Ce n’était pas parfait, mais la majorité des enfants de cette époque révolue roulent aujourd’hui gaiement à vélo…

Je ne sais pas où s’en va le CIUSSS de la Capitale-Nationale et nos services de santé dans notre région trop proche et trop loin de Québec. Trop proche pour laisser les patients chez eux et trop loin pour mettre les médecins sur l’autobus. Mais clairement, nous ne sommes pas arrivés à destination et nous roulons en pleine brume dans les Caps avec une série de panneaux d’avertissements sur les chantiers en cours. Et clairement, nous n’avons pas le droit à l’ambulance pour la recherche de solutions réalistes et économiques pour les patients. « Docteur, expliquez-moi pourquoi j’ai les cartes de quatre hôpitaux de Québec alors que je ne suis même pas malade et que j’habite à 150 kilomètres ? Saint-Sacrement, l’Enfant-Jésus, Saint-François-d’Assise et le CHUL. Bleu, turquoise, vert et rouge. L’arc-en-ciel du parcours en santé d’un Charlevoisien du XXIe siècle. »

Vendredi dernier, j’ai personnellement eu droit à mes 464 secondes de gloire chez un médecin spécial et gentil, à Québec. Je suis arrivée très en retard à mon rendez-vous. Je m’étais pourtant levée à l’aube, mais je me suis trompée de clinique (merci GPS !), il y avait du trafic (surprise !), j’ai cherché un %&I% de stationnement (payant !), j’ai poqué mon miroir de voiture (SOS !) et j’ai égaré ma carte d’assurance-maladie (et merde !). Malgré un sprint à en perdre mes souliers, le mal était fait et la secrétaire s’est pincé les lèvres en prenant mon nom. Moi aussi.

Sur la route 138 du retour, je me suis rendu compte que je n’avais pas payé mon stationnement… Et je ne sais pas comment j’ai fait ça. Je jure que je n’ai arraché aucune guérite, mais j’ai un billet de stationnement non payé sur mon tableau de bord!?! J’ai volé notre système de santé de 7 $ ! Ça ne paye même pas mon gaz…

« Docteur, je n’ai pas vraiment aimé ma journée… C’est normal de me sentir fatiguée au volant ?

Je vais m’arrêter 20 minutes pour me fermer les yeux, quelque part après la côte de la Miche. Ça serait vraiment la poisse totale de m’endormir au volant et de finir dans le décor d’une des Urgences de la Capitale-Nationale. Je suis quand même debout depuis 5 h ce matin… J’imagine que comme la médecine moderne et son système, j’ai aussi mes limites docteur. »

Cette chronique est la dernière de la saison. C’était un réel plaisir de vous écrire chaque semaine. J’ai beaucoup apprécié vos commentaires et les messages que vous m’avez écrits au fil des mois. Chaque fois, c’était un honneur de vous entendre et de vous lire. On se revoie donc à l’automne, le temps de faire le plein de nouveaux sujets. D’ailleurs, n’hésitez pas à me partager vos idées. Et continuez de lire votre journal local, c’est un repère d’informations d’ici et qui vous concernent. Je vous souhaite un bel été!

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