Agriculture: terreau fertile pour la détresse

Par Emelie Bernier 10:11 AM - 16 novembre 2017
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En matière de détresse psychologique chez les agriculteurs, les statistiques sont accablantes. « Cinquante et un pourcent (51 %) des producteurs agricoles présentent une détresse psychologique élevée, alors que ce degré de détresse rejoint 20 % de la population québécoise.»*
Les causes de ce mal-être sont nombreuses et souvent incontrôlables. Les aléas de la météo, la bureaucratie de plus en plus complexe, les difficultés financières, la charge de travail quotidienne élevée, l’impossibilité de prendre un répit et le stress lié au travail avec du « vivant » n’en sont que quelques-unes.
De plus, les agriculteurs consultent moins que la moyenne, explique Mélanie Gourde, qui a sondé 52 agriculteurs charlevoisiens dans le cadre de ses études sur le sujet. « Les agriculteurs sont peu nombreux à demander de l’aide, mais ils tissent un lien de confiance plus rapidement lorsque les intervenants psychosociaux connaissent la réalité agricole et ses particularités », a réalisé Mélanie Gourde durant ses recherches. Les « travailleurs de rang » sont une ressource de plus en plus estimée, mais ceux-ci sont encore trop peu nombreux.
Afin de prévenir l’irréparable, l’Union des producteurs agricoles s’est allié avec l’Association québécoise de prévention du suicide pour adapter la formation Sentinelle au milieu agricole. À terme, on souhaite former plus de 600 personnes sur le territoire québécois. La formation est d’abord offerte aux personnes qui sont régulièrement en contact avec les agriculteurs dans le cadre de leur travail : vétérinaires, inséminateurs, contrôleurs laitiers, conseillers en production, mais également aux responsables locaux et régionaux du dossier santé psychologique dans le réseau UPA. Leur présence aux premières lignes pourrait leur permettre de détecter les signes de détresse.
Gabrielle Cadieux-Gagnon, qui a vu ses parents donner tout ce qu’ils avaient à leur ferme parfois au péril de leur santé, souhaiterait pour sa part qu’en plus du réseau de sentinelles soit instauré un système de répit pour les agriculteurs. « De la même manière qu’il y a des répits pour les parents d’enfants malades, je pense qu’en offrant aux agriculteurs de prendre la relève pour quelques jours, de temps en temps, on préviendrait bien des maux », avance-t-elle. Ce service est disponible dans d’autres régions, comme à la maison de répit de l’organisme Au cœur des familles agricoles en Montérégie, mais pas encore dans Charlevoix.
Dans Charlevoix, le comité d’action concertée en qualité de vie agricole (CACQVA), fondé l’an dernier, souhaite établir un plan d’action suite à une cueillette de données actuellement en cours à laquelle les agriculteurs peuvent encore contribuer en répondant au sondage en ligne au goo.gl/Bu3jZs.
Les personnes intéressées par la formation Agir en sentinelle- déclinaison agricole peuvent contacter le Centre de prévention du suicide de Charlevoix au 418 665-0096.
L’organisme Au cœur des familles agricoles peut offrir un service d’écoute et d’intervention téléphonique pour tous 1 450 768-6995. Le Centre de prévention du suicide de Charlevoix offre un soutien de première ligne aux personnes aux prises avec des pensées suicidaires ou aux proches inquiets du lundi au vendredi de 8 h 30 à 16 h3 0 alors que la ligne 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) est disponible le soir, la nuit et les fins de semaine.
*(Lafleur & Allard, 2006 cités dans Lebeau &Viens, 2012).

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