« C’est l’avenir, à pas de tortue »

15 mars 2012
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À l’âge où les parents voient leurs enfants s’envoler vers leur vie d’adulte, Isabelle* a dû accompagner le sien dans son diagnostic de schizophrénie. Entre le déni et la méfiance, les comportements destructeurs et les psychoses, l’amour et le dévouement des parents naviguent à travers de rudes tempêtes.

Enjoué et social, l’enfant d’Isabelle était aussi un joueur de tours et un premier de classe. De nature très anxieuse, il a vu sa vie basculer à l’adolescence. À l’âge où certaines expériences sont tentées, celle de la drogue provoquera chez lui des psychoses. Une consommation qui aura finalement pour effet de « déclencher » sa schizophrénie.

Alors que son enfant refuse le diagnostic et se désorganise de plus en plus, Isabelle est happée par une foule de questions. « Tu ne sais pas jusqu’où ça peut aller. Tu ne connais pas le degré. Tu espères tout le temps que les médecins se trompent. »

Pour son enfant, finis pour un temps les études et la routine habituelle des adolescents. Dans cette escalade du mal-être et de la souffrance psychique, la police et les ambulanciers doivent intervenir à certaines occasions.

« Il vient un moment où il n’y a plus de place dans ta tête où tu te sens bien », raconte Isabelle. « L’adolescence, c’est l’âge où on laisse partir nos enfants, où ils prennent de l’autonomie. La maladie mentale de son enfant, c’est le deuil des projets, de l’avenir qui se prépare. Il faut accepter de le prendre où il est rendu et l’accompagner. Il y a toujours beaucoup de questions dans notre tête, mais il faut y aller au jour le jour, et l’avenir, c’est à pas de tortue. L’enjeu, pour lui et pour nous, c’est d’accepter la réalité et d’y faire face. »

Progressivement, son enfant apprend à cheminer avec sa maladie. Ses proches doivent quant à eux vivre avec ce « petit secret de famille ». « Tu ne peux pas en parler librement, parce que ça lui appartient. Alors on fait avec et on l’aide du mieux qu’on peut. La schizophrénie est encore très méconnue. Et il y a beaucoup de gens qui souffrent de maladie mentale sans que ça soit écrit dans leur front. Ça se vit avec les proches et ce sont eux qui s’en aperçoivent. »

Des intervenants rencontrés sur sa route conseilleront à Isabelle de consulter La Marée. Le regroupement des familles et proches de personnes atteintes de maladie mentale sera « un soulagement extrême » pour elle et deviendra sa « bouée de sauvetage ». « On a démystifié ensemble la maladie, qui était inconnue pour moi. Et on a aussi fait le point sur ce qu’il faut faire et ne pas faire. J’ai dû ajuster mon attitude. » Ses rencontres avec les intervenants de l’organisme lui permettent de « recharger ses batteries » et de s’outiller pour faire face au quotidien et accompagner son enfant.

Isabelle n’a également que de bons mots pour les autres services dispensés dans la région. Elle souhaite cependant que Charlevoix puisse avoir une maison d’hébergement supervisée, notamment comme alternative aux besoins des personnes atteintes, mais également pour permettre aux familles aidantes de souffler un peu (voir autre texte).

« Vivre avec un proche atteint de maladie mentale, c’est vraiment au jour le jour. C’est difficile pour mon enfant d’avoir des rêves et de se projeter dans l’avenir. Mais il faut espérer quand même. Et ce sont les petites réussites qui lui donnent l’espoir de vivre autre chose », confit-elle. « Personnellement, je crois que ce n’est pas une bonne idée de s’isoler. Si j’avais à donner un truc, ce serait celui-là! Parce que c’est merveilleux de garder une bonne relation avec la personne atteinte, parce que de bons moments, il y en a encore. »

*Le nom a été changé afin de préserver l’anonymat.

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