La nature semble meilleure pour le cerveau que la ville

Par Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne 2:00 PM - 10 février 2024
Temps de lecture :

Photo Graham Hughes/La Presse Canadienne

Une balade en nature semble aiguiser le fonctionnement cérébral davantage qu’une balade en ville, indique une étude américaine.

Lors de cette expérience, dont les résultats sont dévoilés par le journal Scientific Reports, des chercheurs de l’Université de l’Utah ont demandé à leurs sujets d’effectuer des balades de distance et de durée comparables soit dans l’arborétum de l’établissement, soit sur le site du campus médical riche en asphalte.

Un électroencéphalogramme a ensuite montré qu’une promenade dans la nature avait illuminé les régions du cerveau liées au contrôle exécutif, qui influence la mémoire de travail, la prise de décision, la résolution de problèmes et la planification.

Les deux groupes ont aussi dû effectuer une tâche qui exigeait beaucoup de concentration (reculer par bonds de sept à partir de 1000) avant et après leur balade. Au retour de la randonnée, la performance du groupe nature était supérieure à celle du groupe asphalte, un signe que la balade dans un espace vert avait permis au cerveau de récupérer davantage.

Les auteurs de l’étude reconnaissent qu’il n’est pas possible d’attribuer les bienfaits observés directement à la nature. Il est ainsi possible, soulignent-ils, que ces bienfaits (dont la durée est inconnue) soient attribuables à l’exercice physique effectué. Ils avaient aussi demandé à leurs sujets de laisser leur téléphone cellulaire derrière eux avant de partir en randonnée, ce qui peut avoir accordé une pause salutaire à leur cerveau.

Cela étant dit, écrivent-ils, l’étude «a fait appel à des techniques électrophysiologiques sophistiquées pour obtenir des résultats intrigants selon lesquels une promenade dans la nature améliore certains processus de contrôle exécutif dans le cerveau, au-delà des bénéfices associés à l’exercice physique».

Multiples avantages

«L’étude démontre que cette espèce de ‘correction’ de la pratique mentale s’améliore beaucoup plus si vous passez du temps en forêt que si vous êtes au milieu d’un boulevard», a commenté le docteur François Reeves, un cardiologue d’intervention du CHUM qui s’intéresse de très près aux bienfaits de la nature pour la santé cardiovasculaire.

Le docteur Reeves et trois de ses collègues ― les docteurs Pierre Gosselin et Paul Poirier, et la vétérinaire Johanne Elsener ― sont à l’origine d’une lettre signée par 127 médecins québécois en 2019 qui demandait au gouvernement de la province «d’investir de façon urgente et substantielle dans le verdissement urbain pour protéger la santé et le bien-être de la population».

La lettre précise que, selon des «centaines d’études, un verdissement urbain optimal qui viserait 40 % de canopée plutôt que les 10 à 20 % actuels des quartiers centraux de nos villes, pourrait diminuer d’environ 39 % la prévalence du stress [et] de 40 % le risque d’embonpoint ou d’obésité».

On évoque aussi une réduction de la prévalence de la dépression, de l’autisme, du diabète, de l’hypertension artérielle, de l’asthme, de la mortalité cardiovasculaire, de la mortalité respiratoire, de la mortalité par cancer et de la mortalité générale prématurée; une diminution des symptômes du trouble de déficit d’attention et hyperactivité, de l’isolement social et de la criminalité; un ralentissement du déclin cognitif; et une augmentation des performances scolaires et de la productivité au travail.

La nouvelle étude s’inscrit donc dans la foulée des données scientifiques de plus en plus probantes qui témoignent de l’effet bénéfique d’un contact régulier avec la nature sur différentes facettes de la santé, qu’elle soit physique, mentale ou émotionnelle.

«On se rend compte que l’environnement a un impact très important sur la santé cardiaque», a cité en exemple le docteur Reeves.

Il pourra par exemple s’agir d’une exposition plus ou moins importante à la pollution atmosphérique, de l’accès à des aliments de qualité ou de la disponibilité d’espaces (verts ou autres) qui incitent à l’activité physique, a-t-il énuméré.

Il est d’ailleurs bien démontré, rappelle le docteur Reeves, que l’espérance de vie et la qualité de vie sont supérieures, et les degrés de maladie coronarienne moindres, dans les milieux verts que dans les milieux bétonnés.

Une gigantesque étude réalisée auprès de quelque 40 millions de Britanniques il y a plusieurs années avait ainsi révélé que la mortalité due à des causes cardiovasculaires était deux fois moindre dans les milieux verts, comparativement aux milieux urbains.

En d’autres termes, a dit le docteur Reeves, on parle d’une réduction de moitié de la différence de mortalité cardiovasculaire associée aux revenus socio-économiques, puisqu’on sait que les milieux bien nantis sont habituellement plus verts que les milieux plus pauvres.