Et si on apprenait à cohabiter avec les rivières ?
Le quartier Saint-Joseph
Géographe et chercheuse en aménagement du territoire, Marilyne Gaudette estime que le Québec doit changer d’approche dans la gestion des inondations. De passage à Baie-Saint-Paul récemment, elle appelle à une transition « du réflexe de réaction à celui de la prévention », particulièrement dans les milieux patrimoniaux vulnérables comme celui de la rue Saint-Joseph.
Mme Gaudette détient un doctorat en études urbaines de l’UQAM, soutenu en juillet dernier, et travaille depuis plusieurs années comme professionnelle de recherche sur les enjeux d’aménagement liés aux inondations.
Elle vient aussi de fonder Convergences Villes et Eaux, une jeune entreprise qui accompagne les municipalités et les propriétaires dans leurs démarches d’adaptation aux risques naturels.
Lors d’un passage dans Charlevoix à l’automne, Marilyne Gaudette a profité de l’occasion pour visiter la rue Saint-Joseph, lourdement touchée par les inondations de mai 2023. Ce qu’elle y a vu l’a profondément marquée.
« C’est frappant de voir le contraste entre les terrains vacants et les maisons qui ont été rehaussées », observe-t-elle. « Certains propriétaires ont fait des efforts pour camoufler les fondations, mais pour plusieurs bâtiments patrimoniaux, ces interventions sont loin d’être simples. »
La géographe souligne qu’il serait souhaitable de s’inspirer d’initiatives comme celles d’Architecture sans frontières Québec, qui a produit des fiches d’adaptation pour les bâtiments exposés aux inondations. Selon elle, ce type d’outil pourrait être adapté spécifiquement au patrimoine bâti de régions comme Charlevoix.
« Au Québec, on agit trop souvent après coup », déplore-t-elle.
« On accorde des indemnisations et des subventions une fois la catastrophe survenue, alors qu’il faudrait plutôt encourager les adaptations préventives avant que les gens soient touchés. »
Préserver la mémoire et les villages
Mme Gaudette insiste sur l’importance de ne pas réduire le débat à des considérations techniques. « Le patrimoine, c’est porteur de mémoire et d’identité. Quand on perd une maison patrimoniale, c’est une partie de notre histoire collective qui disparaît », dit-elle.
Elle reconnaît les dilemmes vécus par les propriétaires. « Ces gens se retrouvent souvent pris entre leur attachement à leur demeure et la lourdeur des démarches administratives. L’adaptation des bâtiments patrimoniaux coûte plus cher et les programmes actuels ne suffisent pas. »
Elle plaide pour que Québec développe des programmes d’aide préventive, permettant aux citoyens d’adapter leur maison avant d’être frappés par une nouvelle crue. « Il faut aider les gens à rester en place, pas les pousser à la démolition ou à l’exode. »
Selon Mme Gaudette, les petites municipalités et les villages comme Baie-Saint-Paul, Sainte-Marie ou Saint-Raymond manquent souvent de ressources pour planifier efficacement l’adaptation.
La chercheuse note avec intérêt les efforts déjà amorcés localement. Elle a récemment échangé avec le directeur général de la Ville de Baie-Saint-Paul à l’occasion d’un colloque. Elle salue la tenue de consultations publiques sur la requalification des terrains vacants.
« Impliquer les citoyens, c’est un premier pas important. Ce sont eux qui vivent ces inondations au quotidien. Les inclure dans la réflexion, c’est construire des solutions durables. »
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