SAAQclic: l’ex-patron informatique accusé d’avoir «bullshité» la haute direction

Le juge Denis Gallant de la Commission d'enquête sur la gestion de la modernisation des systèmes informatiques de la Société de l'assurance automobile (SAAQ) attend le début de l'enquête publique sur l'échec de la plateforme SAAQclic, à Montréal, le jeudi 24 avril 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi Christinne Muschi
La haute direction de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a été «bullshitée» par son patron informatique au moment où celui-ci défendait un extra de 222 millions $ pour le déploiement de la plateforme SAAQclic, selon un ex-vérificateur interne.
L’ancien directeur du département des auditeurs internes de la SAAQ, Daniel Pelletier, poursuivait mardi son témoignage à la commission Gallant, qui enquête sur les ratés du virage numérique de la société d’État.
M. Pelletier a révélé que le bureau du ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel, a été mis au courant en juin 2022 de dépassements de coûts à venir de 222 millions $.
Nouvellement en poste comme PDG de la SAAQ, Denis Marsolais avait convié une rencontre avec un représentant du cabinet du ministre afin d’annoncer cet extra qui représentait 50 % du coût du contrat initial avec les fournisseurs. Le vice-président aux technologies de l’information de la société d’État de l’époque, Karl Malenfant, était aussi présent.
La rencontre aurait mal tourné, selon ce qu’apprend M. Pelletier. «Ça avait brassé dans le bureau du ministre», affirme-t-il.
M. Pelletier dit avoir pourtant prévenu M. Marsolais que la présentation d’un tel extra passerait mal au cabinet du ministre et qu’«il va faire chaud». Puisque ce dernier croit que le contrat avec le consortium est plafonné à 458 millions $, comme le lui rapporte la haute direction de la SAAQ, affirme M. Pelletier.
M. Pelletier remettait en question les justifications de M. Malenfant, responsable du projet SAAQclic, pour défendre les dépenses supplémentaires au contrat. Les ajouts suggérés n’en étaient pas dans les faits, selon lui.
M. Pelletier a relaté ce qu’il avait dit à M. Marsolais à la suite de sa rencontre avec le bureau du ministre: «Denis, tu te fais bullshiter» par Karl Malenfant. «Je lui avais dit ça comme ça. Une espèce de cri du coeur», a indiqué M. Pelletier au commissaire Denis Gallant.
M. Marsolais a perdu son poste en avril 2023 dans la foulée du déploiement raté de SAAQclic, qui avait provoqué des files monstres devant les succursales. Le projet de modernisation technologique de la SAAQ pourrait coûter minimalement plus de 1,1 milliard $ d’ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le vérificateur général.
Une offre finale modifiée
L’offre finale des firmes responsables du développement de la plateforme SAAQclic soulevait déjà des préoccupations, quelques semaines avant sa signature.
Le comité de sélection pour l’appel d’offres suggérait de revoir ou clarifier certains points au contrat, avant sa signature avec l’alliance LGS-IBM-SAP en mars 2017.
Parmi les préoccupations, figure le nombre d’heures pour l’intégration technologique qui avait été réduit de 730 000 par rapport à l’offre initiale. Trois ans plus tard, le consortium calculera que le projet nécessitera finalement 2 millions d’heures plutôt que 877 000.
«Quelque part en 2020, on était en train de discuter pour en remettre tout près d’un million de plus», a rappelé M. Pelletier.
En 2017, l’équipe de M. Pelletier n’avait pas été mise au courant des modifications apportées. Mais, alors qu’il surveillait le processus d’appel d’offres, l’ancien directeur se souvient que certains membres du comité de sélection étaient «restés surpris» en découvrant le contenu de la deuxième soumission.
Le taux horaire «très élevé» des consultants «pour la réserve de travaux complémentaires» constituait aussi un point à vérifier par rapport à la proposition initiale. Il passait de 89 $ à 256 $. «Pour les mêmes travaux, le compétiteur proposait un taux horaire de 151 $», évoquait le comité de sélection.
Celui-ci soulevait également que l’implantation des services pour la livraison des permis et immatriculation sur la plateforme se ferait «sans simulation».
«Ça sous-entendait qu’il n’y avait pas de simulations préalables, pas de tests. On comprend aujourd’hui que ça aurait été sûrement utile», a souligné M. Pelletier au commissaire Denis Gallant.
M. Pelletier doit se faire contre-interroger mercredi matin.
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