Fiasco SAAQclic : « Il y avait beaucoup de nervosité et d’anxiété », dit Konrad Sioui

Par Caroline Plante, La Presse Canadienne 2:01 PM - 16 mai 2025
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L'ex-président du C.A. de la SAAQ, Konrad Sioui, à Québec le 17 octobre 2019. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

À son arrivée comme président du C.A. de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) en 2021, Konrad Sioui sent qu’« il y a beaucoup de nervosité et d’anxiété ».

Il comprend que son rôle sera de rassembler, en utilisant la « pensée circulaire », c’est-à-dire en favorisant le travail d’équipe et en s’assurant que « tout le monde se sente partie prenante ». 

Konrad Sioui admet qu’il ne sait pas grand-chose du virage numérique qui est déjà bien entamé à la SAAQ. Il dit avoir « appris sur le tas ».

« Il a fallu que j’apprenne et que j’assimile beaucoup d’informations », a-t-il déclaré vendredi à la commission Gallant chargée d’enquêter sur le fiasco SAAQclic.

La PDG de l’époque, Nathalie Tremblay, lui aurait conseillé de prendre le temps de bien « écouter » et « assimiler », même s’il reconnaît être arrivé à une « étape critique » du projet.

Lorsque Mme Tremblay part à la retraite, « le politique nomme son homme » et la remplace, en novembre 2021, par un candidat de l’externe, Denis Marsolais. Cette décision passe très mal à la SAAQ.

« Lui aussi, il arrivait d’une autre planète, a déploré M. Sioui. Il a fallu qu’il apprenne et pendant ce temps, le temps s’écoulait. Il y a eu comme un vide. Ça a été un chemin de croix. »

« Le politique a imposé (M. Marsolais). On ne s’est pas bien sentis. On n’était pas heureux de ça. (…) On aurait eu besoin de continuité », a-t-il ajouté.

Le déploiement raté de SAAQclic a provoqué en 2023 des files monstres devant les succursales. Il pourrait coûter plus de 1,1 milliard d’ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le Vérificateur général (VG).

Bonnardel « très préoccupé » dès 2021

Dès septembre 2021, le ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel, est « très préoccupé » par l’état des finances à la SAAQ.

Il convoque à son bureau la PDG Tremblay, le président Sioui, le vice-président des technologies de l’information, Karl Malenfant et la garde rapprochée du ministre du Numérique, Éric Caire, entre autres.

M. Sioui est impressionné par le ministre Bonnardel, qui remplit « très bien » son rôle de ministre, selon lui, en mettant son poing sur la table et en exigeant des suivis mensuels.

« C’était du sérieux », a-t-il raconté. Ces suivis ont-ils réellement été faits tous les mois ? M. Sioui ne le sait pas. 

À cette époque, M. Sioui parle régulièrement au chef de cabinet et à l’attaché politique de M. Bonnardel. Le virage numérique est régulièrement à l’ordre du jour, dit-il.

Mais les choses changent du tout au tout lorsque Geneviève Guilbault succède à M. Bonnardel en octobre 2022. 

« Ça a coupé complètement », a affirmé l’ex-président du C.A. « Pas de son, pas d’images », a résumé le commissaire Gallant. « Rien avant février 2023 », a confirmé M. Sioui.

Mme Guilbault préfère s’entretenir avec M. Marsolais, qu’elle connaît bien pour avoir déjà travaillé avec lui, selon le témoignage de l’ancien grand chef de Wendake.

Aucun lien avec l’élection, dit Sioui 

En juin 2022, M. Sioui est mis au courant qu’il manque 222 millions $ pour pouvoir finir le projet numérique. Le C.A. décide de ne pas donner de « chèque en blanc » et demande des précisions.

Deux mois plus tard, en septembre, la SAAQ propose au C.A. de morceler le 222 millions $. Résultat : le premier avenant n’apparaît pas dans le système électronique d’appel d’offres du gouvernement (SEAO).

Publier le montant au complet dans le SEAO aurait induit « un risque médiatique et politique élevé », selon ce qui est rapporté au VG.

Interrogé vendredi à savoir si l’option du morcellement avait été retenue en raison du contexte électoral, M. Sioui a répondu : « Aucunement ». Le but, a-t-il dit, était de faire des suivis plus serrés. 

« Ça n’a rien à voir avec les élections », a-t-il renchéri.

Par ailleurs, la commission a appris vendredi que le C.A. a envisagé de démissionner en bloc après la débâcle de l’hiver 2023. « On ne se sentait pas respectés suffisamment », a déclaré M. Sioui.

Les membres du C.A. ont finalement décidé d’écrire une lettre au premier ministre François Legault le 16 mars 2023, lettre qui est restée sans réponse.

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