«Il ne faut jamais dire jamais», dit Trump à Carney au sujet du 51e État

Par Michel Saba et Émilie Bergeron, La Presse Canadienne 4:04 PM - 6 mai 2025
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Le président américain Donald Trump rencontrant mardi le premier ministre Mark Carney dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, à Washington. ASSOCIATED PRESS/Evan Vucci

Le premier ministre Mark Carney a été chaleureusement accueilli mardi dans le Bureau ovale par le président des États-Unis, Donald Trump, qui a vanté ses compétences même s’il lui a répondu qu’«il ne faut jamais dire jamais» face à son rejet de l’idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

«Le Canada n’est pas à vendre et ne le sera jamais», a dit M. Carney devant les médias, après qu’un journaliste a soulevé la question de l’annexion du Canada souhaitée par M. Trump.

Le premier ministre a fait appel à l’expérience de M. Trump dans le monde immobilier pour défendre la souveraineté du Canada. «Comme vous le savez de l’immobilier, il y a des places qui ne sont jamais à vendre», a-t-il déclaré.

M. Trump a répondu «c’est vrai», mais a plus tard ajouté qu’«il ne faut jamais dire jamais». Au même moment, M. Carney a mimé «jamais, jamais».

Or, de façon générale, le président américain a évité de faire un long plaidoyer pour l’annexion du Canada.

Il a indiqué que ce dossier ne ferait pas partie des points discutés durant la rencontre entre les deux hommes, la toute première depuis que M. Carney est premier ministre.

M. Trump a tout de même pris soin de signaler qu’il croyait toujours que ce serait bénéfique que le Canada soit annexé aux États-Unis. «Mais il faut être deux pour danser le tango», a-t-il dit.

Les deux hommes avaient d’abord échangé une poignée de main solennelle à l’arrivée à la Maison-Blanche de M. Carney, échangeant quelques sourires devant les caméras.

Le président américain a passé le plus clair du temps devant les médias à louanger M. Carney, le félicitant abondamment pour sa victoire électorale, il y a à peine une semaine. 

M. Trump a dit,au cours de déclarations dans le Bureau ovale devant la presse qui ont duré plus d’une demi-heure, qu’il croit avoir «beaucoup de choses en commun» avec M. Carney. «Nous avons plusieurs éléments difficiles à aborder, mais ça ira», a-t-il soutenu au sujet de cette première rencontre depuis que M. Carney est premier ministre.

Quelques minutes avant la réunion des deux dirigeants, M. Trump a déclaré sur le réseau Truth Social qu’il avait hâte de rencontrer M. Carney avant de répéter ses doléances.

«Je veux vraiment travailler avec lui, mais je ne peux pas comprendre une simple VÉRITÉ – Pourquoi les États-Unis subventionnent le Canada par 200 milliards de dollars par année, en plus de leur donner une protection militaire GRATUITE et plusieurs autres choses?» a-t-il lancé, réitérant son affirmation trompeuse.

Il a également réaffirmé que, à son avis, les États-Unis n’ont besoin de rien du Canada, mentionnant le bois d’œuvre et l’énergie. 

La rencontre de mardi à Washington fait suite à deux appels téléphoniques entre les deux hommes.

Elle survient aussi en plein milieu d’une guerre tarifaire déclenchée par l’imposition de droits de douane américains. M. Trump a aussi irrité Ottawa en répétant à profusion l’idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

M. Carney a fait son arrivée vers midi à la Maison-Blanche. Selon une liste fournie par le bureau de M. Carney, le premier ministre était accompagné, durant la rencontre avec M. Trump, de plusieurs ministres, de ses proches conseillers et de l’ambassadrice canadienne Kirsten Hillman.

M. Trump, de son côté, devait être accompagné de l’ambassadeur américain au Canada, Pete Hoekstra, du vice-président J. D. Vance et du secrétaire d’État Marco Rubio, entre autres.

Éviter les dérapages

Pour le directeur de l’Observatoire sur les États-Unis à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM, Frédérick Gagnon, le principal défi de M. Carney, du moins sur le plan de la forme, était d’éviter «les dérapages» de son hôte particulièrement imprévisible.

En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Gagnon a rappelé la visite du président ukrainien, il y a deux mois, qui avait tourné à la catastrophe après un échange acrimonieux où les deux hommes avaient levé le ton en argumentant devant les caméras du monde entier. Volodymyr Zelensky avait ensuite été invité à prendre la porte, et une conférence de presse conjointe avait été annulée.

Selon la ministre des Relations internationales du Québec, Martine Biron, «c’est une bonne première rencontre» qu’a eue M. Carney.

«Il était préparé, alors c’est le début de quelque chose», a dit celle qui s’est entretenue avec la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, sur la menace de M. Trump d’imposer des droits de douane sur les films produits à l’étranger

Elle a assuré que Mme Joly est une «alliée» pour riposter sur ce front. «Je sais que ça doit faire partie des discussions en coulisses», a-t-elle ajouté.

M. Carney, qui est à Washington depuis lundi avec le ministre du Commerce, Dominic LeBlanc, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, avait affirmé s’attendre à des discussions «difficiles, mais constructives» avec M. Trump.

Une fois les médias ont quitté le Bureau ovale, MM Trump et Carney ont tenu leur rencontre durant plus de deux heures.

Donald Trump a imposé des droits de douane à l’échelle de l’économie canadienne en mars, avant de les réduire partiellement quelques jours plus tard sur les importations conformes aux règles de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Le Canada a également été touché par des droits de douane sur l’acier, l’aluminium et l’automobile.

Vendredi, lors de sa première conférence de presse depuis les élections, le premier ministre Carney a tout fait pour baisser les attentes face à la rencontre. Il a prévenu que de la «fumée blanche» ne se dégagera pas du 1600 Pennsylvania Avenue, une référence à la méthode employée par le Vatican pour annoncer qu’un nouveau pape a été choisi.

M. Trump a quant à lui révélé lundi qu’il ignore pourquoi le premier ministre canadien est en ville. «Je ne sais pas exactement ce qu’il souhaite aborder avec moi, mais je suppose qu’il souhaite conclure un accord», a-t-il dit lorsqu’interrogé sur ses attentes.

M. Carney, un ancien gouverneur des banques centrales du Canada et d’Angleterre, a passé l’essentiel de sa campagne électorale à plaider qu’il était la meilleure personne pour négocier avec M. Trump.

Outre leur entretien de mardi, les deux hommes devraient se recroiser dans à peine quelques semaines de l’autre côté de la frontière, alors que le Canada sera l’hôte du sommet du G7, un événement qui doit se tenir à Kananaskis, en Alberta.

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