Guerre tarifaire : l’Allemagne et l’Italie prudents dans leurs commentaires publics

Par Émilie Bergeron, La Presse Canadienne 1:45 PM - 13 mars 2025
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La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, au centre droit, prenant la parole, jeudi, en ouverture d'une session de travail des ministres des Affaires étrangères du G7, à La Malbaie, dans la région de Charlevoix, au Québec. De gauche à droite, on peut voir la chef des politiques étrangères pour l'Union européenne, Kaja Kallas, le ministre des Affaires étrangères de la France, Jean-Noël Barrot, celui du Royaume-Uni, David Lammy, celui du Japon, Iwaya Takeshi, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock et celui de l'Italie, Antonio Tajani. (Saul Loeb/Pool via AP)

Les ministres des Affaires étrangères de l’Italie et de l’Allemagne qui sont dans Charlevoix pour rencontrer leurs homologues du G7 ont été prudents, jeudi, dans leurs commentaires publics sur la guerre tarifaire entre le Canada et les États-Unis.

Le ministre italien Antonio Tajani a été bref dans sa réponse quand La Presse Canadienne lui a demandé, en anglais, pourquoi l’Italie n’avait pas commenté, jusqu’à présent, l’idée constamment véhiculée par le président des États-Unis, Donald Trump, que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

« Je pense que le Canada sera aussi le Canada dans le futur », s’est-il contenté de répondre en anglais quand la question lui a été posée dans cette langue.

Un peu plus tôt, la ministre allemande Annalena Baerbock a suggéré qu’il fallait demeurer calme dans le contexte de guerre tarifaire.

« Nous avons appris, tous ensemble, que, dans ces temps turbulents au niveau géopolitique (…) – particulièrement quand votre cœur bat vraiment (fort) –, il est important de demeurer calme », a-t-elle dit, également en anglais, aux journalistes.

Malgré ses commentaires mesurés, Mme Baerbock a soigneusement choisi la tenue qu’elle portait pour montrer sa solidarité envers le Canada.

Après sa mêlée de presse avec les journalistes, la ministre a publié sur la plateforme « X » une photo d’elle portant du blanc avec la haute représentante de l’Union européenne Kaja Kallas, qui elle, portait du rouge. Les deux femmes faisaient ainsi un clin d’œil aux couleurs du drapeau du Canada.

« Nous sommes derrière vous », a écrit Mme Baerbock en ajoutant un emoji de l’unifolié canadien et en identifiant, dans sa publication, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Mme Kallas a évité de répondre aux questions des journalistes à La Malbaie qui tentaient tant bien que mal de l’interroger. Les représentants de la presse entassés ont patiemment attendu qu’elle termine une entrevue avec le réseau américain CNN pour tenter leur chance.

Durant cet entretien, elle a soutenu qu’il « n’y a pas de gagnants dans les guerres commerciales ». « C’est très clair et nous voulons éviter cela », a-t-elle dit.

Elle a signalé que l’Union européenne était prête à répliquer à M. Trump si nécessaire, mais que, en attendant elle estimait qu’il ne fallait pas réagir à « chaque déclaration qui sort ».

Alors que le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, était en train de discuter avec ses vis-à-vis du G7, le président Trump multipliait les déclarations sur son réseau « Truth Social ».

« Les États-Unis n’ont pas le libre-échange. Nous avons ”l’échange stupide”. Le Monde Entier est en train de NOUS ARNAQUER », a-t-il écrit.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ne s’est pas adonné à une mêlée de presse pour l’instant, mais son collègue délégué du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a déclaré sur « X » que M. « Trump lance la surenchère dans la guerre commerciale qu’il a choisi de déclencher ».

« La France reste déterminée à riposter avec la Commission européenne et nos partenaires. Nous ne céderons pas aux menaces et protégerons toujours nos filières », a-t-il soutenu.

Mme Baerbock, M. Tajani, M. Barrot et M. Rubio ont rejoint les autres ministres des Affaires étrangères du Groupe des sept (G7) pour un portrait de famille.

La ministre Joly, qui est l’hôte de cette rencontre, était située au centre de la brochette de dignitaires réunis, pour l’occasion, dans le froid hivernal.

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio, de même que les représentants du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon et de l’Union européenne ont pris la pose pour les photographes agglutinés.

Le lieu choisi pour cette démonstration d’unité donnait une vue pittoresque sur le fleuve Saint-Laurent et les rayons de soleil, aveuglants, apportaient un peu de chaleur.

Les ministres sont réunis jusqu’à vendredi à La Malbaie pour préparer le terrain au prochain sommet des dirigeants du G7, qui est prévu en juin à Kananaskis, en Alberta.

Le Canada, qui assume la présidence du G7 cette année, souhaite faire de la question de la sécurité en Ukraine l’enjeu prioritaire. 

Des pourparlers pour un cessez-le-feu entre Moscou et Kyiv ont lieu depuis que l’Ukraine a déclaré être prête à cela dans le cas où la Russie acceptait certaines conditions.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, n’a pas voulu commenter. Le conseiller en affaires étrangères du président russe Vladimir Poutine, Yuri Ushakov, s’est plaint, dans des déclarations télévisées, qu’un cessez-le-feu accorderait « une pause temporaire à l’armée ukrainienne ».

Mme Kallas a laissé entendre, au cours de son entrevue accordée à CNN, qu’un accord conclu rapidement ne serait pas bénéfique pour l’Ukraine.

D’autres questions sont sur la table durant le réunion des ministres des Affaires étrangères du G7, a souligné Mme Joly en ouverture de la première session de travail de jeudi.

« On a du pain sur la planche », a-t-elle résumé en français, expliquant le sens de cette expression en anglais.

« Nous allons parler de l’Ukraine, du Moyen-Orient, de l’Indopacifique, de l’Afrique, d’Haïti, du Venezuela », a énuméré la ministre avant que les médias reçoivent l’instruction de quitter la pièce pour que la réunion puisse se poursuivre derrière les portes closes.

Durant cette brève déclaration devant la presse, Mme Joly n’a pas mentionné le climat tendu avec l’administration américaine de Donald Trump. La veille, elle a assuré qu’elle comptait soulever ce point dans « chaque réunion ».

« Je vais soulever l’enjeu des tarifs, pour coordonner notre réponse avec les Européens et pour mettre de la pression sur les Américains », avait-elle dit depuis Ottawa.

M. Rubio avait, de son côté, fait savoir qu’il ne s’attendait pas à ce que ce dossier soit abordé.

« Ce n’est pas ce dont nous allons parler au G7, et ce n’est pas ce dont nous allons parler durant notre séjour là-bas », a-t-il dit mercredi en s’adressant aux journalistes depuis l’Irlande.

Le secrétaire d’État américain était alors questionné sur l’opinion négative du gouvernement canadien à l’égard de la surtaxe que défend M. Trump, de même que l’indignation d’Ottawa face à l’idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

« Nous avons beaucoup d’autres choses sur lesquelles travailler », avait conclu M. Rubio.

Les ministres réunis à La Malbaie doivent, selon ce qui est prévu, tenir une conférence de presse vendredi en milieu de journée. Il n’était pas clair, jeudi, comment l’horaire de l’événement pourrait être changé en raison de la prestation de serment du premier ministre désigné, Mark Carney, et de son conseil des ministres.

Il est attendu que Mme Joly conserve ses fonctions de ministre des Affaires étrangères, mais il est possible qu’elle doive tout de même se rendre à Rideau Hall pour l’occasion. Ottawa se trouve à environ six heures de route de Charlevoix.

– Avec Dylan Robertson

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