Tandis que le Canada répliquait par de nouveaux droits de douane aux assauts tarifaires du président américain Donald Trump, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a expliqué que l’heure est grave pour la «souveraineté» même du Canada.
«On est dans une bataille existentielle. (…) Ce n’est pas juste une question économique. C’est ultimement l’avenir de notre pays qui est en jeu», a déclaré, mercredi, la cheffe de la diplomatie canadienne, lors d’un point de presse à Ottawa.
Mme Joly a appelé les Canadiens à demeurer unis face aux Américains qu’elle estime être divisés. Le peuple américain est d’ailleurs le «grand allié» du Canada pour mettre de la pression sur l’administration Trump, a-t-elle noté.
«Pression maximale, diplomatie efficace», a dit la ministre en guise de résumé de l’approche canadienne.
Mme Joly a également prévenu le secrétaire d’État américain Marco Rubio, qu’elle doit accueillir dans Charlevoix plus tard mercredi pour une rencontre des ministres des Affaires étrangères du G7, qu’il devra être respectueux.
«Vous arrivez dans notre pays, vous respectez notre coutume, et bien entendu notre souveraineté», a-t-elle envoyé. Le Canada juge d’ailleurs «irrespectueux» que son voisin répète ad nauseam vouloir en faire son 51e État.
À ses côtés, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a noté que c’est «l’un des moments les plus sérieux dans l’histoire du Canada» qui est en train de se jouer.
Le ministre a insisté que le climat d’incertitude doit cesser, et qu’il est dommageable pour les travailleurs, les industries et la compétitivité de l’Amérique du Nord.
Le premier ministre désigné Mark Carney a quant à lui rencontré des travailleurs de l’acier dans une usine de Hamilton, en Ontario.
Dans une brève allocution malgré le bruit parfois assourdissant, M. Carney, qui portait un casque, une oreillette et une veste orange, les a assurés de son appui.
Celui qui sera assermenté premier ministre dans les prochains jours a dit être disposé à s’asseoir avec le président américain «au moment opportun dans une situation où il y a du respect pour la souveraineté canadienne».
«Nous serons tous en meilleure posture lorsque le plus grand partenariat économique et sécuritaire au monde sera renouvelé, relancé. C’est possible», a-t-il ajouté.
La loi du plus fort
Le ministre Champagne se rendra jeudi à Washington avec le ministre des Finances, Dominic LeBlanc, pour rejoindre le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, à l’occasion d’une réunion avec le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick.
M. Ford a suspendu, mardi, sa décision d’imposer une surtaxe de 25 % sur les exportations d’électricité de sa province vers près de 1,5 million de foyers dans les États du Michigan, de New York et du Minnesota, qu’il avait annoncée quelques heures plus tôt, après que M. Lutnick lui a tendu «une branche d’olivier» en l’invitant à le rencontrer.
Plus tôt mardi, le président Trump avait déclaré qu’il riposterait en doublant les droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens, une menace qui a été levée lorsque les Ontariens ont reculé.
Mercredi matin, le président Trump a déclaré aux journalistes qu’il entend facturer des droits de douane réciproques. «Peu importe ce que c’est. S’ils nous facturent 25 %, 20 %, 10 %, 2 % ou 200 %, c’est ce qu’on leur facture», a-t-il déclaré.
«On a eu un problème avec l’Ontario, et ils ont laissé tomber. Quand je leur ai fait savoir ce qu’on allait faire, ils ont immédiatement abandonné», a poursuivi le chef d’État américain.
Sur les ondes de Fox News, son attachée de presse, Karoline Leavitt, a signalé que «le Canada» a démontré par le recul de l’Ontario qu’il n’était pas prêt à «jouer dans la cour des grands avec le président Trump».
Et en entrevue sur la chaîne Fox Business, le secrétaire Lutnick a pour sa part affirmé que l’Ontario pensait pouvoir affronter le président américain. «Mais on sait qu’on ne peut pas affronter Donald Trump. (…) Il ne se laissera pas faire», a dit le secrétaire.
Le ministre Champagne a indiqué qu’il compte, lors de la rencontre à Washington, attirer l’attention sur le message qu’envoient les marchés boursiers. «Regardez la capitalisation boursière depuis les dernières semaines», a-t-il lancé devant les journalistes.
«Dans le secteur de l’automobile, de la façon dont on est intégrés maintenant, il ne s’agit que de quelques jours avant que les chaînes n’arrêtent des deux côtés de la frontière, a poursuivi M. Champagne. C’est excessivement sérieux!»
Et pour être clair, le Canada n’entend pas débuter lors de cette rencontre une renégociation de l’accord de libre-échange avec son voisin du sud, a-t-on précisé à plusieurs reprises.
M. Champagne a également affirmé que le «plus grand pouvoir» des Canadiens est leur pouvoir d’achat. «Nous pouvons acheter local. Nous pouvons acheter canadien», a-t-il dit.
Nouveaux droits de douane, nouvelle réplique
Le ministre LeBlanc, qui répondait également aux questions, a annoncé que, dès jeudi, le Canada imposera des droits de douane de 25 % sur 29,8 milliards $ d’importations américaines, dont 12,6 milliards $ sur l’acier et 3,0 milliards $ sur l’aluminium.
M. LeBlanc a expliqué qu’il s’agit d’une riposte aux droits de douane de 25 % «injustifiés, injustes et franchement déraisonnables» imposés dès mercredi sur l’acier et l’aluminium par l’administration de Donald Trump.
Les droits canadiens s’ajoutent aux droits de douane de 25 % imposés par le Canada sur 30 milliards $ d’importations en provenance des États-Unis plus tôt ce mois-ci.
Le Canada maintient son approche «dollar pour dollar», a insisté le ministre LeBlanc, prévenant au passage que de nouveaux droits de douane pourraient être ajoutés.
En ce qui concerne les exportations d’énergie vers les États-Unis – que le Canada considère comme sa reine dans cette partie d’échecs, pour reprendre l’expression du premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador –, la ministre Joly a réitéré que «tout est sur la table».
Mais il n’est pas «intelligent» de renoncer à des options, a ajouté M. Champagne, une référence à peine voilée aux commentaires de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, qui exclut de mettre des freins aux exportations de pétrole ou de gaz de sa province.
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