Parc éolien: le(s) problème(s) avec Des Neiges-Charlevoix

Par Emelie Bernier 10:55 AM - 20 février 2025 Initiative de journalisme local
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Cynthia Jobin lors de sa présentation à la commission d'enquête le 19 février.

La citoyenne charlevoisienne Cynthia Jobin a livré la dernière présentation des audiences de la commission d’enquête du BAPE. Nerveuse, la bachelière en environnement a toutefois livré son message avec aplomb, malgré l’émotion qui risquait à tout moment de prendre le pas. Cette région, elle l’a choisie. Et comme plusieurs de ses compatriotes, c’est d’abord pour le mode de vie « rando, boulot, dodo » vanté sur les pancartes tapissées sur le territoire.

« S’installer dans le cratère, c’est faire preuve d’humilité. Pis de respect pour le territoire. C’est ça que je vous demande. Pas tout arrêter. Juste bien faire les choses. C’est important pour nous », a-t-elle lancé d’entrée de jeu.

Depuis que le projet éolien Des Neiges-secteur Charlevoix est en branle, les « écologues » comme Cynthia Jobin sont sur un pied d’alerte. Elle-même ne compte plus les heures écumées à dépouiller les documents, avis, analyses et autres études souvent arides sur le projet. Mais elle y tenait, pour étoffer son argumentaire.  

« J’ai eu la chance de patrouiller dans l’arrière-pays. Je comprends à quel point c’est important pour les gens. Je vois les pêcheurs, les skieurs et c’est spécial à quel point les gens utilisent le territoire comme leur cour arrière en en prenant soin, de génération en génération. C’est pour ça que je me suis investie », indique-t-elle.

Selon elle, le principal problème avec Des Neiges-Charlevoix est « l’incohérence ». « C’est complètement incohérent avec tout ce qu’on fait comme travail pour assurer l’intégrité de notre patrimoine naturel. Y’a du monde qu’on paie, et cher, pour qu’on sache comment gérer notre environnement et c’est comme si on “bypassait” tout ça.»

Dans son mémoire, Mme Jobin insiste sur les risques que pose la fragmentation du territoire pour les espèces menacées ou vulnérables, mais également sur les « services » rendus par la biodiversité, évoquant la baisse de biomasse, les perturbations du cycle de l’eau, l’imperméabilisation du milieu, la sédimentation des cours d’eau… Des enjeux soulevés dans plusieurs mémoires, d’ailleurs.

« Sur la seigneurie de Beaupré, il y a 3 765 km de chemins forestiers. C’est peut-être beaucoup, mais ça donne du jeu pour restaurer aux bonnes places», a également noté Mme Jobin dans sa présentation, soulignant que le Québec compte 486 000 km de chemins forestiers, « assez pour faire 12 fois le tour de la planète ».

Elle fait confiance au processus du BAPE.

Cynthia Jobin a mis en ligne la page Instagram Soulèvements du cratère.

« La commission, je le pense, va faire de bonnes recommandations. Mais l’entité qui prend la décision est le gouvernement du Québec et j’espère qu’il va prendre la bonne, ce qui demande beaucoup de courage politique. S’il n’en a pas, il se met à risque », estime-t-elle par ailleurs, soulevant certains enjeux légaux.

« La loi québécoise sur les espèces menacées et vulnérables dit en gros qu’il faut protéger nos espèces à statut, éviter leur déclin et éviter leur perte d’habitat. Ici, on a une société d’État, Hydro-Québec, comme initiateur, qui est responsable de la manière que le projet va se faire et qui est lié par la loi qui protège nos espèces à statut. » 

Contourner des lois environnementales pour décarboner le Québec est très risqué, selon Mme Jobin. « Ça envoie le message que la protection du territoire est optionnelle quand on fait la transition, et ça, c’est dangereux. Ça pourrait créer un précédent juridique inquiétant, surtout dans un contexte de projet de loi 81 qui pousse pour accélérer le processus environnemental des projets de transition. »

L’avenir dira quelle sera la décision du conseil des ministres.

« Ce n’est pas un no go absolu! Personne ne dit ça ici, mais il va falloir être plus tight que ça », conclut Mme Jobin.

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Martin Bouchard
Martin Bouchard
1 mois il y a

Merci pour votre précieuse implication citoyenne! Vos propos sont tout à fait cohérents au contraire du développement incohérent comme vous dites de notre territoire. Je suis parfaitement d’accord avec plusieurs intervenants qui ont exigé un moratoire sur ce projet et un BAPE générique sur la filière éolienne au Québec.

François Lessard
François Lessard
1 mois il y a

L’incohérence est née en même temps que l’opportunisme d’affaire d’un gouvernement bien loin d’être environnementaliste qui s’est soudainement drapé de vert en voyant la belle occasion offerte par l’émergence des énergies renouvelables. C’est démesuré et irréfléchi à l’exemple de ce qui se déroule maintenant sur le Séminaire.

Thérèse Lamy
Thérèse Lamy
1 mois il y a
Répondre à  François Lessard

la séance publique du BAPE n’a fait qu’ajouter à la nécessité d’un moratoire sur ce projet d’éoliennes. Il est temps que l’on réfléchisse à une approche du territoire qui mise davantage sur la connectivité écologique qui permet aux divers écosystèmes d’être reliés les uns aux autres.
d’accord pour un BAPE générique.

Bernard Garand
Bernard Garand
27 jours il y a

J’ai assisté à la rencontre du 18 février 2025 en soirée et je dois vs dire que j’ai vus des citoyens citoyennes préparés et engagés avec de bonne réflexion et de la documentation à l’appuie j’espère que le Gvt va,tenir compte des RÉFLEXIONS DES CITOYENS POUR CE PROJET.

Pierre Pouliot
Pierre Pouliot
27 jours il y a

Et que dire, en parlant d’acceptabilité sociale et de la façon de mesurer celle-ci, de l’impossibilité de trouver des moyens autres que l’approche référendaire régionale pour valider un processus décisionnel basé sur la compréhension d’un projet établi autant par des opposants potentiels que par des citoyens favorables. Cessons de ne voir que les valeurs monétaires et les revenus de redevances de toutes sortes, lesquels n’existaient aucunement il y peu de temps. Regardons plutôt les valeurs paysagères perdues ou modifiées à jamais. La valeur économique et sociale des paysages du Saguenay–Lac-Saint-Jean est chiffrée de 158 à 351 milliards de dollars, selon une étude commandée par Tourisme Saguenay-Lac-Saint-Jean. À combien se chiffre celle de Charlevoix? Pourquoi les populations ne seraient-elles pas en mesure de porter un jugement éclairé suite à des projets convenablement expliqués par un nombre suffisant de rencontres et de consultations, consultations qui, d’ailleurs, nous sont souvent présentées trop tôt dans le projet, alors qu’une foule de détails arrivent par la suite pouvant modifier l’opinion publique.Consultation souvent unique régie à l’intérieur d’un cadre réglementaire qui n’oblige à plus pour ne valider souvent que l’unique règle légalement requise. Oublions les sondages biaisés qui sont la plupart du temps orientés par ceux… Lire la suite »