La pauvre culture

Par Jacques Saint-Gelais Tremblay 10:08 AM - 6 février 2025 Ex directeur du Musée d’art contemporain de BSP et des festivals folkloriques.
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L'auteur de cette lettre d'opinion a dirigé le Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul. Photo archives

Le débat sur le manque d’argent dans la culture au Québec n’est pas nouveau. Il est récurrent, ne pas le reconnaître ce serait faire preuve d’un déni, que dis-je, d’un aveuglement volontaire. Les organismes culturels s’accommodent par période d’une certaine stabilité dans les subventions, autrement dit on accepte sans trop se plaindre du peu reçu de peur de perdre le peu que l’on veut bien nous donner.

J’ai fait une grande partie de ma carrière dans le milieu artistique et le plus grand souvenir que j’en conserve est celui de l’énergie déployée dans la bataille des demandes de subventions et de la quête incessante de partenaires financiers susceptibles de s’intéresser à nos projets.

On a fait des travailleurs culturels et des artistes des quémandeurs sans jamais reconnaître qu’ils étaient d’importants pourvoyeurs de notre société. Et pourtant tous les partis politiques et leurs ministres de la culture que j’ai connus se sont plu à affirmer que nous étions les gardiens de notre identité, de notre différence. Parole, parole! Et pourtant lorsque la culture se porte bien c’est un signe d’une économie prospère, l’un ne va pas sans l’autre.

Je veux revenir pour mieux illustrer mon propos sur la fin par le présent gouvernement du Québec de la mesure d’aide créant une journée gratuite par mois dans les musées, laquelle consistait à verser une compensation financière en fonction du nombre de visiteurs accueillis.

J’étais alors en fonction comme directeur du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (MACBSP) et je m’étais inscrit contre cette décision de la ministre en 2018, et d’ailleurs je n’étais pas le seul.

Est-ce que cela a contribué à élargir nos publics, j’en doute. On a assisté à un déplacement de la clientèle déjà acquise. Cette mesure n’a fait qu’accroître la dépendance de ces institutions de l’État et a eu pour conséquences dans certains cas de réduire leurs efforts d’élargir leur public. C’était et je le pense encore une mesure contre-productive.

La plus grande partie de nos musées sont des organisations hybrides. À la fois institutionnelles et privées elles demeurent en vie grâce aux subventions et aux dons ou encore aux campagnes de financement tenues dans leurs régions respectives. C’est à chaque jour une bataille pour survivre.

Nous n’avions pas besoin d’une mesure pour nous asservir, mais d’une vision, celle d’un développement de nos institutions. Et pour y parvenir, ça prend de l’accompagnement et du soutien. Surtout, celui d’un gouvernement qui croit et enseigne à sa population l’importance de la culture et de ses institutions.

Jamais, je n’ai vu réduire l’appareil bureaucratique. Il n’est pas rare de voir plusieurs organismes  embaucher des ressources afin de les aider à remplir les formulaires devenus si compliqués que des fonctionnaires doivent réfléchir longuement avant de nous en expliquer le contenu.

Je ne leur en fais point de reproches. Ils sont eux aussi prisonniers d’un système et leur dévouement est souvent exemplaire. Mais qu’avons-nous donc besoin?

J’aurais le goût de répondre :

Du gros bon sens, celui d’une plus grande part du budget de l’État québécois et du courage d’un gouvernement à vendre l’idée à ses commettants qu’il s’agit d’un investissement, un de ceux qui nous empêche de devenir le 51e état américain.

Mais aussi de mesures favorisant le développement. Voilà ce qui doit nous animer comme société. Lorsqu’une organisation n’a pas de projets, elle n’existe plus. Il nous faut plus de crédits d’impôt susceptibles d’aider les créateurs de toutes sortes dans leurs aventures. Et pourquoi ne pas créer une banque de partenaires financiers comprenant des industriels et hommes d’affaires du Québec intéressés à soutenir des projets culturels? Ce ne sont là que quelques suggestions. Mais qui toutes traduisent un vouloir de vivre et non de mourir.

J’en reviens particulièrement aux musées qui possèdent des collections importantes et qui dorment dans leurs réserves… Faisons les circuler à travers le Québec. Devenons une terre de partage.

Faisons en sorte que notre grande production artistique soit accessible pour tous. Non seulement dans la grande ville, mais aussi dans notre ruralité. C’est ainsi que l’auditoire culturel grandira.

J’aurais pu écrire davantage, argumenter et user de statistiques. J’ai opté pour la simplicité des mots sans tomber dans l’extravagance. J’oserais dire et affirmer que si l’on veut bien croire en notre culture il faudrait peut-être redonner une plus grande place à notre langue française. Dans les années 70, nos artistes de la scène en étaient les gardiens, aujourd’hui disons qu’ils en sont souvent à peine les témoins. Pas tous heureusement, cessons d’avoir peur d’être!

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Michel Saint-Denis
Michel Saint-Denis
1 mois il y a

Bravo pour cette lettre d’opinion qui nous offre une occasion de relancer l’aide à la culture partout au Québec. C’est pendant la tempête de neige que je lis et relis cette remarquable lettre de monsieur Tremblay. IL est un innovateur et un éternel optimiste qui a des idées pour ouvrir les portes de la culture partout.. J’espère que les Québécois prendront la balle au vent et passeront à l’action rapidement. Merci et bravo pour cette initiative après vos années d’expériences dans le domaine de la CULTURE. CHAPEAU.