Le chemin de fer, l’environnement et les oiseaux…

Par Michel Paul Côté 8:50 AM - 22 janvier 2025
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Il est inhabituel de commenter un élément d’actualité, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un sujet qui divise la communauté.

Toutefois, la SHEC (Société d’Horticulture, d’Écologie et d’Ornithologie de Charlevoix) dont je suis un administrateur et président du volet Ornithologie, connaît assez bien l’environnement que représente le chemin de fer qui s’étend de Québec jusqu’à La Malbaie.

Tout en demeurant neutre dans ce débat, il est toutefois opportun de partager nos constats afin que ces derniers puissent  être pris en compte dans les discussions.

Charlevoix est un immense territoire avec environ 120 kilomètres de rive donnant sur le Saint-Laurent.  C’est beaucoup. Pourtant l’accès au fleuve est extrêmement limité. Les municipalités ont un quai, La Malbaie offre une piste cyclable et piétonnière, Baie St-Paul et St-Irénée ont une plage.

Quiconque souhaite se rapprocher du fleuve rencontre un obstacle de taille entre la Petite-Rivière-St-François et La Malbaie: le chemin de fer, secteur d’accès interdit et dangereux. Quant à elle, la ville de Québec permet de longer le fleuve de pont à pont, c’est-à-dire du pont de Québec jusqu’au pont de l’île d’Orléans, soit 18 kilomètres. Il est difficile de circuler en vélo ou à pied sur cette merveilleuse piste les week-ends tellement elle est populaire.

Les rives du fleuve dans Charlevoix représentent un milieu fragile, avec de nombreux milieux humides et battures dont les oiseaux ont besoin pour s’établir, se reproduire.

Malheureusement notre chemin de fer n’est pas différent des autres un peu partout en Amérique. Construits il y a fort longtemps, la voie ferrée pollue notre environnement, beaucoup. La créosote contenue dans bois servant à supporter les rails contamine les sols et les eaux. Elle libère des hydrocarbures aromatiques polycycliques très toxiques (HAP).

Les HAP affectent gravement les écosystèmes aquatiques et l’environnement des oiseaux et poissons.

Il suffit de se promener ‘illégalement’ sur le chemin de fer pour constater la pollution. Il y a environ 10 ans, l’entreprise des chemins de fer de Charlevoix s’était engagée à ramasser les innombrables pièces de bois qui jonchent les fossés longeant le chemin de fer. Rien ne fut fait. L’eau de ruissellement est d’une couleur innommable et se déverse sur la rive puis dans le fleuve. Un désastre écologique désolant dont personne n’assume ou n’assumera la responsabilité. Il suffit d’observer les ‘pouponnières’ d’eiders qui suivent les parents en juin, se déplaçant dans une eau polluée, se nourrissant d’éléments probablement toxiques, et se déplaçant entre les rochers couverts d’un résidu visqueux.

Au niveau de la végétation entourant le chemin de fer, elle constitue un paradis pour les oiseaux, particulièrement en période de migration. Ce sont par milliers qu’en mai les oiseaux migrateurs traversent le fleuve pour se réfugier dans les premiers arbres qu’ils atteignent sur la rive nord. Mais cela, vous ne le verrez jamais.

Il serait responsable de la part des intervenants concernés que notre nature soit prise en compte. Il y a un coût considérable à polluer l’environnement qui pourrait être soustrait dans le calcul des retombées économiques du train de Charlevoix.  Et ce coût ne cesse d’augmenter. Le train de Charlevoix n’a pas causé ce désastre, qui remonte à bien avant son arrivée. Mais il en assure la continuité.

Finalement, ce matin je lisais un article nous informant des retombées économiques  du groupe Massif et du club Med à l’économie de Charlevoix. Je suis certain que ces chiffres sont un reflet assez précis de la réalité.  Merci à ces groupes.

Mon ancienne vie m’a permis de réaliser bien des études de retombées économiques. Dans le cas du train, il faut un peu analyser  où vont ces retombées incrémentales. Sûrement nos producteurs de Saveurs Charlevoix. Probablement le Casino. Probablement quelques commerçants à Baie St-Paul. Difficile de savoir.

Les municipalités le long du parcours profitent-elles de la présence du train? La Papeterie Saint-Gilles a-t-elle un achalandage et des ventes supplémentaires? Les auberges et restaurants profitent-ils de cet afflux de visiteurs d’un jour? Y a-t-il plus de clients au Sainti ou chez Ginette à St-Irénée? Peut-être….

Mais comparons cela au potentiel de retombées économiques du projet de piste pédestre et cyclable, et ski de fond l’hiver. Les retombées documentées de la piste du P’tit Train du nord dans les Laurentides sont considérables. Auberges, restaurants, casse-croûtes, boutiques de souvenir, la liste est longue des nouvelles entreprises qui  ont profité de cet afflux de visiteurs tout au cours de l’année. Il en va de même avec la Véloroute des Bleuets, le parc linéaire du Petit Témis, de la route des champs, du parc de l’Estriade, de la piste du canal Soulanges, etc. La liste est très longue et les retombées sont très positives pour les industries locales..

Pour les avoir fréquentés, je peux affirmer que toutes ces pistes constituent un environnement d’exception pour le retour et l’établissement des oiseaux, et pour permettre aux citoyens de profiter de la nature de façon sécuritaire.

Chez nous, donner l’accès au fleuve aux générations à venir, et en même temps développer une infrastructure durable de tourisme de plein air n’est peut-être pas un mauvais scénario.

Il faudrait faire une étude de retombées économiques et comparer les chiffres à ceux du Train de Charlevoix.. Ainsi nos élus, à tous les niveaux,  pourront prendre les meilleures décisions, qui vont dans l’intérêt de notre environnement et de notre population.

Bonnes observations.

Michel Paul Côté

oiseauxcharlevoix@gmail.com

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Bertrand Dion
Bertrand Dion
3 mois il y a

Accuser la créosote dans les traverses de chemin de fer d’être la source de la pollution qui détruit l’environnement et l’habitat des espèces d’oiseaux fréquentant le rivage du St-Laurent entre Cap-Tourmente et La Malbaie est assez tordu merci. De plus, accuser tous les chemins de fer du monde d’être une source abominable de pollution, c’est pousser le raisonnement vers le délire. Alors, pour certains ornithologues allumés il faudrait éliminer tous les chemins de fer du monde. Malheureusement, ça ne sauverait rien du tout, pire, ça ajouterait de manière exponentielle de la pollution et du saccage environnemental en envoyant tout le transport, biens et personnes, vers les routes. Résultat: plus d’asphalte, plus de pneus, plus d’autos, plus de camions, plus de moteurs, plus de pétrole et tutti quanti. La pollution de l’environnement…nous sommes TOUS responsables. Toutes nos actions contribuent à cette dégradation de la nature. Prendre son auto pour aller aux oiseaux, pour aller s’acheter la lunette d’approche, pour aller faire du vélo, s’acheter ses vêtements de plein air, eux-mêmes majoritairement constitués de textiles issus de la pétrochimie, s’acheter un vélo avec ses pneus en caoutchouc, ses jantes en aluminium, sa chaine en acier, son lubrifiant à base de pétrole, sa… Lire la suite »

Michel Paul Cote
Michel Paul Cote
3 mois il y a
Répondre à  Bertrand Dion

Délire, pas certain. Les chemins de fer non utilisés sont transformé en infrastructures touristiques qui génèrent des retombées économiques locales intéressantes. C’est fait partout en Amérique du Nord.
C’est une invitation à une réflexion.
Merci de votre commentaire.
M

Bertrand Dion
Bertrand Dion
3 mois il y a
Répondre à  Michel Paul Cote

Elles le sont seulement si toute possibilité d’opération marchandises ou voyageurs devient impossible. Malgré tout ce qui se dit sur l’avenir du train, tout n’a pas été analysé dans le cas des marchandises. Croyez-moi. Après plus de 50 ans de documentation du milieu ferroviaire, il faut d’abord songer à ramener des clients sur la voie ferrée avant de penser à la démanteler. La piste cyclable sur ce parcours fait certes rêver bien des gens, mais je crois qu’il s’agit plus pour le moment d’une sorte de phantasme. Je fais du vélo, je fais de la photo, de l’ornithologie, j’accompagne des groupes comme guide dans la région depuis plus de 40ans. Mais je fais aussi de la recherche sur les chemin de fer et je souhaite faire comprendre à tous que le rail n’est pas le moyen de transport exclusif du 19e siècle. Il est et devra être celui du 21e. Donc, je maintien qu’enlever le rail pour une piste cyclable est une mauvaise décision du point de vue écologique. Pour la créosote…avez-vous pensé à tous les poteaux de téléphone partout dans le paysage. Oui, il faut sortir des hydrocarbures, mais ça se fera graduellement, de la même manière qu’on a… Lire la suite »

Michel Paul Cote
Michel Paul Cote
3 mois il y a
Répondre à  Bertrand Dion

Je suis d’accord avec vous. Si le train est rentable, utilisé de manière responsable, et génère des bénéfices pour la population et les entreprises de Charlevoix, il devrait demeurer et continuer à améliorer son offre. Il semble toutefois que ce n’est pas le cas.
Même si le chemin de fer a généré des retombées économiques lors de ses premières années d’opération, il semble que ce n’est plus le cas.
Le but de la chronique est de générer une discussion concernant des scénarios de développement alternatifset porteurs.
Pour ce qui est des poteaux d’hydro Québec, j’espère que vous admettrez que notre société d’état ne les laisse pas pourrir dans les fossés le long des routes. Je vous invite à marcher l’été entre St-Irénée et Cap aux Oies afin de constater ce dont je parle. C’est désolant, il y a place à amélioration
Très bonne journée.

Claude Duchesne
Claude Duchesne
3 mois il y a
Répondre à  Bertrand Dion

“il faut d’abord songer à ramener des clients sur la voie ferrée”

Je croyais que c’était ce que CFC essayait de faire… sans succès.

Claude Duchesne
Claude Duchesne
3 mois il y a
Répondre à  Bertrand Dion

M Dion, faites quelques recherches et vous trouverez des études confirmant les dires de M. Côté. Je ne cite qu’une référence ici :

“… you should be aware of the following potential contaminants:
– Railroad ties, usually treated with chemicals such as creosote
– Coal ash and cinder containing lead and arsenic
– Spilled or leaked liquids such as oil, gasoline, cleaning solvents, etc.
– Herbicides
– Fossil fuel combustion products (PAHs)
– Roofing shingles (asbestos)…”

Michel Boucher
Michel Boucher
3 mois il y a
Répondre à  Bertrand Dion

Quand on n’est de mauvaise foi ….!!!

Renee-AnneTremblay
Renee-AnneTremblay
3 mois il y a

J’adore votre point de vue et je suis parfaitement en accord avec celui-ci.
En plus d’être en respect avec la nature, tous y profiterait; les citoyens comme les touristes.

Anne Jean
Anne Jean
3 mois il y a

Merci monsieur Côté pour cette opinion qui alimente grandement nos réflexions. Mais j’espèrerais que ces réflexions soient partagées entre nos élus qui doivent analyser le pour et le contre. Il ne s’agit pas de sauver pour sauver. Il s’agit d’être réaliste et de constater que ce qui se fait ailleurs est comme vous le dites beaucoup plus que ce que le train a apporté. Au début des opérations, étant une hôtelière nouvellement à la retraite qui peut vous en parler, le train générait un achalandage très appréciable. Tellement que nous avions une navette pour l’aller et retour, quai de Pointe-au-Pic, des voyageurs provenant de partout dans la province. La lune de miel a perduré environ deux ans pour notre établissement. Par la suite, des décisions marketing, toutes sortes de décisions, ont fait en sorte de privilégier des groupes et des établissements spécifiques à volume. Ce qui fait que le reste de notre environnement de Charlevoix est n’ont pu profiter de très peu de retombée économique et ainsi de suite pour les années suivantes. Je réponds non à votre opinion qui demande « qui a profité du train sur la côte ». Plus aucune rentabilité. Notre fameux train ne venait presque plus nous… Lire la suite »

Michel Paul Cote
Michel Paul Cote
3 mois il y a
Répondre à  Anne Jean

Merci pour votre commentaire. Apprécié, venant d’une hôtelière directement impliquée.
M

PAUL-ETIENNE -BOUCHARD
PAUL-ETIENNE -BOUCHARD
3 mois il y a

Merci Michel Paul de nous décrire avec précision les conséquences sur l’environnement de cette voie ferrée. J’ajouterais seulement qu’il ne faut pas oublier les personnes agressées quotidiennement par le sifflet du train.Pour moi l’arrêt des opérations du train de Charlevoix est le plus beau cadeau de Noel que je pouvais espérer et la réalisation progressive d’une piste cyclable un choix responsable, respectueux et payant.

Michel Paul Cote
Michel Paul Cote
3 mois il y a

Merci pour votre commentaire. Oui, le bruit incommode plusieurs citoyens, effectivement. Il nuit aussi à la nidification des faucons pèlerins à différents endroits le long du tracé.
Appréciez votre cadeau de Noël !

pascale lortie
pascale lortie
3 mois il y a

Je vis à Saint-Irénée depuis deux ans seulement et je sais pas grand chose de ce debat, mais je me suis toujours demande pourquoi ce chemin de fer ne servait pas au transport collectif regional. C’est dans l’air du temps, non ? Personnellement je serais enchantee de troquer ma voiture pour prendre le train 2- 3 fois par semaine et marcher quelques centaines de metres pour faire mes courses ou aller au resto a la Malbaie ou a BSP. En fait je pense que je sortirais plus souvent si un tel train existait. La route est pas evidente en hiver. Je suis sûre que je ne suis pas la seule. Il me semble que ce serait bon pour la stabilite economique de la region. Il faut avoir une vision d’ensemble et à long terme. Il n’y a pas que du bon dans le tourisme et c’est très instable. Et pensons à tous ceux qui n’ont pas de voiture! Il me semble que ca dynamiserait la région.

Claude Duchesne
Claude Duchesne
3 mois il y a

Très beau texte, merci! Vous nous rappelez que, dans ce débat, il ne faut pas seulement comparer les retombées économiques ($ piste vs $ train). Il faut aussi prendre note des avantages évidents sur l’environnement (faune, flore, son) et l’accès au fleuve que procure le retrait de la voie ferrée sous-utilisée.

J’ai moi-même observé des hydrocarbures sur les berges à BSP. C’est probablement là (sans en être certain) que se déversent les fossés qui longent la voie ferrée.