Trois ans après son ouverture, le Club Med Québec Charlevoix profite-t-il à la région qui l’a accueilli? Y a-t-il des retombées directes ou collatérales pour la communauté de Charlevoix? Difficile de répondre à cette question, tant les données ne sont pas évidentes à obtenir.
Petite-Rivière-Saint-François se développe
La municipalité qui accueille le Club Med en obtient des avantages financiers indéniables. Depuis 2022, il rapporte plus de 780 000 $ annuellement en taxes municipales à Petite-Rivière-Saint-François.
Tout cet argent offre une grande marge de manœuvre à la municipalité, mais celle-ci a aussi des besoins et des projets majeurs à réaliser : la construction d’un centre récréatif, d’un nouveau garage pour les travaux publics, la réfection de l’hôtel de ville et projets de logements locatifs abordables.
Car si elle veut demeurer attractive, la municipalité de quelque 1 200 habitants doit améliorer son offre de services. « On a de gros projets sur la table et beaucoup de services à rendre à notre population », indiquait le maire Jean-Guy Bouchard.
Des travailleurs qui consomment ici
Club Med ne communique pas de chiffres exacts sur le nombre de ses employés, ni même sur ceux qui sont des travailleurs étrangers temporaires. La grande majorité d’entre eux proviennent du Mexique et logent à Maison Mère Baie-Saint-Paul, dont le contrat avec Club Med prévoit une capacité d’accueil de 200 lits.
Les conditions de logement ont eu plutôt mauvaise presse, si bien qu’en début d’année, Club Med a bonifié son entente avec Maison Mère à 3,6 M$ sur deux ans afin que l’établissement améliore ses équipements et ses services pour les travailleurs mexicains.
« L’amélioration locative est une de nos préoccupations. On a recruté du personnel hispanophone pour aider à l’intégration des travailleurs. On organise des activités mixées avec des gens locaux. Ça a vraiment changé leur qualité de vie », plaide la directrice générale par intérim de Maison Mère.
Josette Tremblay croit à l’apport de cette main-d’œuvre étrangère à l’économie locale. « C’est 200 personnes qui achètent de la nourriture, des vêtements, des voitures pour certains. Ils font le choix de venir un an, deux ans et certains veulent s’y établir. »
Les épiciers locaux, comme Maxi et Super C, confirment son point de vue. « On le ressent énormément. On a beaucoup plus axé sur des produits d’Amérique latine, c’est rendu un must », confie le directeur du Maxi de Baie-Saint-Paul, Stéphane Véronneau.
L’impact sur le chiffre d’affaires n’est toutefois pas évident. « La bannière Maxi est en hausse, mais c’est peut-être le contexte économique parce que nos prix sont moins chers qu’ailleurs », note M. Véronneau.
Même son de cloche du côté de l’Épicerie du village PRSF. « Il y a un impact, absolument. Les clients qui arrêtent sont surtout des employés. Ça ne fait pas une grande différence sur le chiffre d’affaires, mais ça aide. C’est un gros joueur, je prends tout ce qui passe! », lance avec humour la propriétaire, Lison Harrisson.
Impacts variables sur les fournisseurs locaux
Club Med a affirmé au Charlevoisien que « 65 % de ses fournisseurs proviennent de la province de Québec, avec une majorité située dans la région de la Capitale-Nationale, en particulier dans Charlevoix ».
Le géant du tourisme a profité de l’été pour mettre en valeur les produits locaux charlevoisiens, en plus de s’approvisionner dans la région pour 30 % de sa nourriture. À l’année, l’impact sur les producteurs locaux est très variable.
« L’été, on a des bonnes commandes, environ 2 000 à 3 000 $ aux deux semaines. Ça fait 40 000 $ par année, ce n’est pas négligeable. On vend principalement de la charcuterie séchée et des pâtés. C’est un de nos plus gros clients en restauration. Ça permet aux clients du Club Med de découvrir des produits de la région », indique Elsa Girard, co-propriétaire des Viandes Bio de Charlevoix.
Le propriétaire d’À chacun son pain, Jean-Christophe Lamontagne, est aussi content que l’on découvre ses produits, mais apporte des nuances. « Ça représente 100 pains par semaine sur 40 000. C’est peut-être 10 % du pain acheté par Club Med. Être disponible via un distributeur a facilité. Comme Le Massif, ils sont portés à acheter de gros groupes. »
Une entreprise de Baie-Saint-Paul a davantage profité de ce gros joueur dans la région : A. Tremblay & Frères, en charge de l’entretien technique du bâtiment pour « tout problème électrique, de plomberie ou de réfrigération. Cinq employés travaillent à temps plein ou partiel pour y assurer une présence continue », explique Yolène Simard, responsable des ressources humaines et des communications.
L’entreprise travaille au Club Med depuis trois ans et vient de renouveler son contrat pour le même terme. « Ça a un impact important, il a fallu embaucher. Club Med veut bien servir sa clientèle, ils ont une approche très préventive. Ça fait une belle différence sur le chiffre d’affaires, c’est l’un de nos plus gros clients », ajoute Mme Simard.
Un secteur touristique encore en appétit
La taxe sur l’hébergement (TSH) payée par le plus grand hôtel de Charlevoix rapporte certainement à l’industrie touristique locale, mais « il est impossible pour l’association touristique régionale de chiffrer la contribution du Club Med Québec Charlevoix », concède son directeur général.
Mitchell Dion explique que « la façon dont est perçue la taxe sur l’hébergement ne permet pas de savoir le montant accordé par une entreprise ». Si l’augmentation des revenus de la TSH est bien réelle, « la hausse du coût de la vie » en est aussi une cause importante.
De nombreux acteurs touristiques s’entendent sur le fait que le Club Med attire une clientèle internationale qui ne viendrait pas autrement et que Charlevoix profite de cette visibilité dans son ensemble.
La Galerie d’art Charlevoix, à Baie-Saint-Paul, en est un bon exemple. Son propriétaire, Everist Prokofiev, reçoit « une majorité de visiteurs provenant des États-Unis. Il en vient aussi de l’Europe et du Canada ». Selon le galeriste, le Club Med n’est pas étranger à cette manne internationale.
Mais de manière générale, l’impact sur les entreprises touristiques se fait encore timide. Rappelons que Club Med offre un modèle de vacances basé sur le tout inclus : la montagne est à deux pas et de nombreuses activités sont proposées sur place.
Le complexe hôtelier propose toutefois de plus en plus d’activités extérieures en partenariat avec des entreprises locales : golf, randonnée à cheval, kayak de rivière, observation de la faune… Mais les effets sont encore minimes.
« Ce n’est pas plus que 10 % de notre clientèle, ça ne fait pas une grosse différence », estime Virginie Provencher, des Montagnards de Charlevoix.
Même son du côté du Domaine du Pic-Bois, où sont organisées de l’observation d’ours noirs et de la pêche hivernale. « C’est marginal. Il faut comprendre que pour eux c’est dispendieux à cause du coût du transport, qui prend une heure », explique Antoine Lambert, gestionnaire de la pourvoirie.
La question du transport est aussi soulevée par Antoine Neyron, co-propriétaire du Club de golf Baie-Saint-Paul. « Ils ont compris qu’il faut promouvoir les activités extérieures, mais il n’y a pas de transport collectif. »
Le club a reçu une centaine de golfeurs provenant du Club Med en 2024. « C’est une première année, ce n’est pas encore beaucoup. J’ai semé une graine pour 500 à 1 000 golfeurs. La survie du golf passe par la clientèle touristique », affirme le propriétaire, dont le club a investi dans des équipements et un espace d’enseignement afin de pouvoir bien accueillir cette clientèle.
La présidente de l’Association des Gens d’affaires de Baie-Saint-Paul, Lydie Guay, croit aussi à l’importance de sortir les touristes du Club Med. « Les commerçants me disent que la saison s’est rallongée, surtout les fins de semaine. S’il y a une liaison plus régulière, l’impact va vraiment avoir des répercussions plus importantes. »
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