Justin Trudeau «va prendre du temps pour réfléchir», dit le ministre Wilkinson

Par Émilie Bergeron et Michel Saba, La Presse Canadienne 9:13 PM - 17 décembre 2024
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Le premier ministre Justin Trudeau prononce un discours lors d'un événement des Fêtes du caucus national à Ottawa, le mardi 17 décembre 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Spencer Colby

Justin Trudeau prend un certain temps pour «réfléchir» après la fracassante démission de celle qui était la grande argentière du gouvernement fédéral, Chrystia Freeland, a indiqué le ministre de l’Énergie, Jonathan Wilkinson,au même moment où le nombre d’élus libéraux voulant le départ du premier ministre est grandissant.

«Je respecte le fait qu’il va prendre du temps pour réfléchir», a affirmé, mardi, M. Wilkinson, en entrevue avec La Presse Canadienne,sans préciser la durée de cette réflexion.

M. Wilkinson, qui était questionné sur le leadership de M. Trudeau à la tête de sa formation politique, qu’il dirige depuis 2012, a expliqué que «nous devons tous lui donner un peu de temps pour réfléchir».

S’adressant en soirée à des milliers d’employés politiques libéraux de partout au pays, réunis pour la traditionnelle «célébration des Fêtes» du caucus national, M. Trudeau a abordé du bout des lèvres la contestation de son leadership.

«Comme dans toutes les familles, parfois on a des chicanes dans le temps des Fêtes. Mais, comme dans la plupart des familles, on trouve une issue», leur a-t-il dit, en anglais, provoquant d’abord un silence, puis des applaudissements hésitants.

Dans son discours, M. Trudeau a principalement attaqué les conservateurs et les bloquistes, et vanté les valeurs libérales. Cela a donné droit à des applaudissements généralement nourris, mais loin d’être unanimes.

Quelques heures plus tôt, la Chambre a ajourné ses travaux jusqu’à la fin janvier, une motion du gouvernement ayant été appuyée par les bloquistes. M. Trudeau poursuivra donc, selon toute vraisemblance, sa réflexion sans se représenter aux Communes avant un peu plus d’un mois.

Le Bloc québécois a indiqué que la façon dont il s’est prononcé sur cette motion n’a aucun lien avec les difficultés de M. Trudeau et son gouvernement et que le vote du parti d’opposition n’est qu’une procédure de routine d’ajournement hâtif de la session parlementaire, comme il s’en produit fréquemment.

La grogne s’accentue

Une vingtaine de députés libéraux réclament depuis octobre que M. Trudeau tire sa révérence, mais de nouveaux élus dans leurs rangs ont indiqué publiquement, depuis lundi, qu’ils joignent leur voix à cet appel, comme le Franco-Ontarien Francis Drouin. 

En mêlée de presse alors qu’il entrait mardi dans l’édifice du Parlement, le premier député libéral à avoir demandé publiquement à M. Trudeau de quitter son poste de dirigeant d’État et de chef de parti, Wayne Long, a estimé, à voix haute, qu’«entre 40 et 50 élus» de sa formation politique veulent désormais la même chose que lui.

Quand un journaliste de La Presse Canadienne lui a demandé de clarifier combien de ministres étaient donc inclus dans son estimation, M. Long y est allé d’une autre approximation, répondant: «je dirais facilement cinq, au moins».

Le député de l’Île-du-Prince-Édouard Sean Casey, qui faisait aussi partie de la vingtaine de députés ayant signifié en octobre à M. Trudeau qu’il voulait son départ, s’est dit incapable de chiffrer les appuis à cette demande, à l’heure actuelle, au sein du caucus, bien que leur nombre soit en croissance.

À son avis, des élus attendent de savoir s’ils auront une place au cabinet pour délier leur langue. «De mon point de vue, le remaniement ministériel est retardé pour les garder hors de la liste» de ceux qui sont contre le leadership du premier ministre, a-t-il lâché en mêlée de presse.

Ce qui est clair à ses yeux, c’est qu’«il n’y a aucun indicateur» que M. Trudeau compte céder à la grogne. «Aucun, a tranché M. Casey. Dans ses actions, dans ses mots, dans ses gestes. Ils sont tous cohérents avec quelqu’un qui a complètement l’intention de rester là.»

Dans les couloirs, les voeux des Fêtes étaient parfois ponctués d’appels à la réflexion. «Tout le monde doit réfléchir» durant cette période, a noté le député ontarien Francesco Sorbara, tout en refusant de dire s’il a toujours confiance dans le premier ministre.

Son collègue Peter Fragiskatos s’est fait demander si M. Trudeau devrait rester chef. «J’attends qu’il réfléchisse. Je lui permets de réfléchir», a-t-il répété inlassablement en expliquant qu’il «doit cette courtoisie» à celui qui a dirigé le pays pendant neuf ans.

Les ministres Arif Virani (Justice), Ginette Petitpas-Taylor (Emploi), ou même l’habituellement très vocal Mark Holland (Santé), sont restés muets face aux questions.

M. Trudeau bénéficiait cependant de l’appui indéfectible de plusieurs libéraux. Le Britanno-Colombien Ron McKinnon a par exemple affirmé qu’il appuiera «jusqu’au bout» le premier ministre. «Il devrait rester à bord parce qu’il a fait un bon travail. (…) C’est un bon leader.» 

Le ministre Steven Guilbeault et la députée montréalaise Annie Koutrakis n’ont pas hésité une seconde à confirmer qu’ils sont dans le camp de M. Trudeau.

«Un gouvernement ridicule et faible»

Pendant ce temps, les chefs conservateur et bloquiste, Pierre Poilievre et Yves-François Blanchet, continuent de multiplier leurs appels à la tenue d’élections générales.

Ceux-ci ont un nouveau souffle depuis l’onde de choc déclenchée lundi par le départ de Mme Freeland de la tête du ministère des Finances. Celle qui était aussi vice-première ministre devait présenter sa mise à jour économique ce jour-là et a quitté le matin même en raison de désaccords avec M. Trudeau, du jamais vu si l’on se fie aux archives de la Bibliothèque du Parlement.

M. Poilievre a, de nouveau, imploré mardi le chef néo-démocrate Jagmeet Singh de renverser le gouvernement, lui reprochant de s’être opposé, la semaine dernière, à une motion conservatrice qui aurait permis de convier les électeurs aux urnes.

Le chef de l’opposition officielle a répété que le Canada a besoin d’un nouveau premier ministre pour faire face à la menace du président désigné des États-Unis, Donald Trump, d’imposer des tarifs de 25 % sur les importations canadiennes.

«M. Trump est en train de rire de nous autres parce que nous avons un gouvernement ridicule et faible», a-t-il dit depuis Mississauga, dans le grand Toronto. Selon lui, le Canada est même une risée mondiale.

M. Blanchet est aussi motivé, dans ses appels, par la réponse canadienne qu’il juge nécessaire face à la possible guerre tarifaire, même si son message est différent de celui de M. Poilievre.

«La première étape de ça, c’est d’avoir un Parlement avec un mandat qui soit à la fois stable et adéquatement durable. Et la seule source d’un tel Parlement, c’est l’électorat», a-t-il déclaré à Ottawa, dans le foyer des Communes.

Or, il ne voit pas comment une dissolution du Parlement pourrait avoir lieu avant janvier. «Les gens ne seront pas à l’écoute à partir du moment où on est à une semaine de Noël. Faut être réaliste. (…) Exiger une élection demain matin me semble peu réaliste», a résumé le chef bloquiste.

Lundi, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh affirmé qu’il voulait le départ de Justin Trudeau, mais a systématiquement refusé de s’avancer sur comment il pourrait contribuer à faire tomber son gouvernement.

– Avec des informations de Nick Murray

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