La CAQ et un de ses députés éclaboussés dans un rapport de la commissaire à l’éthique

Par Patrice Bergeron, La Presse Canadienne 3:57 PM - 6 novembre 2024
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LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Le député caquiste et deuxième vice-président de l'Assemblée nationale, Sylvain Lévesque, en compagnie du premier ministre François Legault et du secrétaire général de l'Assemblée, Siegfried Peters, le 18 octobre 2022.

Un rapport de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale entache à la fois la Coalition avenir Québec (CAQ) et son député de Chauveau, Sylvain Lévesque.

Ce dernier a démissionné de son poste de deuxième vice-président de l’Assemblée mercredi, après avoir trompé la commissaire Ariane Mignolet et tenté d’entraver son travail, selon les conclusions de l’enquête. 

Les élus de la CAQ n’écartent pas de l’exclure du caucus lors de leur réunion prévue mercredi soir.

Le rapport déposé mercredi matin recommande à l’Assemblée de formuler une réprimande, une décision qui devrait être prise jeudi, alors que le chef conservateur Éric Duhaime demande sa démission.  

Qui plus est, la commissaire Ariane Mignolet révèle que la CAQ consigne des données sur les citoyens qui s’adressent au bureau de circonscription dans une liste qui détermine le niveau de sympathie de l’électeur.

«Le seul fait d’avoir accès à ces informations peut donner l’apparence d’une influence partisane sur le traitement d’un dossier», a déploré la commissaire dans son rapport. 

L’enquête portait à l’origine sur des révélations de Radio-Canada, selon lesquelles une employée du bureau de Chauveau avait proposé à une citoyenne qui voulait faire cheminer son dossier de payer un billet à un cocktail de financement de la CAQ pour rencontrer le ministre des Finances.

Mme Mignolet insiste sur le fait que rien ne peut justifier une invitation à participer à une activité partisane, moyennant une contribution financière, présentée comme une occasion de discuter d’un dossier pour lequel le citoyen a demandé l’assistance d’un bureau de circonscription.

Mais selon la commissaire, «bien que la preuve recueillie révèle une utilisation suffisamment significative des ressources de l’État par l’attachée politique du député, soit la masse salariale du personnel du bureau de circonscription, à des fins qui ne sont pas liées à l’exercice de la charge, elle démontre que le député n’a pas permis cette utilisation», peut-on lire.

Toutefois, la commissaire conclut que M. Lévesque a trompé ou tenter de tromper et entraver la commissaire dans l’exercice de ses fonctions, ce qui constitue des infractions au Code d’éthique. 

«Le fait pour une députée ou un député de tenter de tromper ou d’entraver le Commissaire dans l’exercice de ses fonctions l’empêche de jouer pleinement et efficacement le rôle d’enquête conféré par le Code», écrit la commissaire. 

«Une telle déconsidération du rôle du Commissaire a également pour effet de miner significativement la confiance du public envers l’Assemblée nationale et, plus largement, envers les institutions démocratiques.»

En janvier 2023, une citoyenne a adressé une requête au député pour demander des changements au ministre des Finances. 

M. Lévesque a assuré que la requête allait être acheminée au ministre, mais elle ne l’a pas été.

Le député a assuré qu’elle l’avait été puis a camouflé que le dossier de la citoyenne avait été fermé en avril 2023. 

Il a finalement transmis avec son adresse de courriel personnelle le texte de la citoyenne à la directrice de cabinet du ministre en février 2024 et a ensuite effacé les traces du courriel, pour éviter une demande d’accès à l’information.

Il a laissé entendre qu’il a agi dans la «panique» pour «se protéger» et éviter l’engouement médiatique, rapporte la commissaire. 

«De manière consciente et assumée, il a choisi de ne pas communiquer les informations exactes concernant les circonstances entourant la transmission du texte rédigé par la citoyenne au cabinet du ministre», conclut la commissaire. 

«De surcroît, le député a fait montre d’une collaboration partielle et insuffisante au cours de l’enquête», souligne-t-elle. 

«Le député banalise toujours les répercussions de sa conduite», lit-on. 

«Il ne semble pas réaliser qu’elle a non seulement nui à l’enquête, mais qu’elle a aussi — et surtout — eu pour effet de déconsidérer l’institution du commissaire. En effet, malgré ses excuses ciblées, le député n’a reconnu ses erreurs que partiellement.»

La commissaire demande une réprimande, compte tenu que la conduite de M. Lévesque en cours d’enquête «est de nature à affecter négativement la confiance de la population envers l’Assemblée nationale et ses membres».

M. Lévesque a présenté sa démission au poste de deuxième vice-président dans une lettre mercredi et il a renoncé à son droit de réplique. 

Quant à la banque de données du parti, la Coaliste, la commissaire déplore que les membres du personnel des élus caquiste et les députés eux-mêmes aient accès dans leur bureau à des données «identifiant le niveau de sympathie de chaque électeur pour le parti ainsi qu’à d’autres renseignements de nature partisane».

Ainsi, les mots «sympathisant», «adversaire» et «non pointé» sont dans des cases dans le dossier de chaque électeur. Le personnel détient donc ces renseignements quand un citoyen s’adresse à lui. 

«Cette situation dénote un mélange des genres qui contribue à rendre floue la séparation entre les activités partisanes et les activités liées à l’exercice de la charge de député», regrette la commissaire, en rappelant que chaque citoyen a droit à l’assistance du député, sans égard à ses opinions politiques. 

M. Lévesque a été élu pour la première fois en 2012. Après une défaite en 2014, il est revenu à l’Assemblée nationale en 2018. En 2022, après avoir battu le chef conservateur Éric Duhaime dans Chauveau, il a été promu deuxième vice-président de l’Assemblée nationale.

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