Les sociétés pétrolières et gazières devront diminuer leurs émissions de GES du tiers
Le ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, s'exprime lors d'une conférence de presse, le mercredi 2 octobre 2024, à Ottawa. M. Guilbeault annoncera lundi une réglementation pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre l'industrie pétrolière et gazière. LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld
Les producteurs de pétrole et de gaz au Canada devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’environ le tiers au cours des huit prochaines années en vertu d’une nouvelle réglementation publiée lundi par le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault.
La réglementation, qui n’est encore qu’à l’état de projet et qui a environ deux ans de retard sur le calendrier, pourrait affecter davantage les relations entre Ottawa et le gouvernement de l’Alberta, qui a récemment lancé une campagne publicitaire de 7 millions $ pour «supprimer le plafond».
Pour les libéraux, la réglementation remplit une promesse électorale de 2021 visant à forcer le secteur de l’énergie à faire sa part dans la lutte contre les changements climatiques.
En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Guilbeault a dit que tout le monde devait «faire sa juste part».
Le ministre doit tenir une conférence de presse lundi après-midi avec son collègue des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, pour dévoiler les détails du plan.
M. Guilbeault a souligné que l’industrie pétrolière et gazière est une source majeure d’émissions, mais qu’elle a fait moins que la plupart des autres secteurs pour les réduire dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.
«Je pense que la plupart des Canadiens – même ceux qui ne sont pas mes plus grands admirateurs – conviendraient qu’il n’est pas acceptable qu’un secteur ne fasse pas sa part, et c’est principalement l’objectif de ce règlement», a-t-il expliqué.
Les opérations pétrolières et gazières en amont, y compris la production et le raffinage, ont contribué à environ 31 % des émissions totales du Canada en 2022.
Le règlement propose de forcer les émissions des opérations pétrolières et gazières en amont à diminuer de 35 % par rapport à 2019, entre 2030 et 2032.
Les émissions du secteur ont déjà diminué de 7 % entre 2019 et 2022 – l’année la plus récente pour laquelle des statistiques sont disponibles – avec des niveaux de production similaires.
La production inchangée, selon Ottawa
M. Guilbeault est conscient qu’il y aura des réactions négatives, mais il dit être déterminé à atteindre les objectifs climatiques des libéraux. Le gouvernement est également catégorique sur le fait que le règlement peut être mis en œuvre avec la technologie existante, sans réduire la production.
Selon M. Guilbeault, les modèles fédéraux montrent que, même avec la réglementation, la production de pétrole et de gaz augmentera toujours de 16 % d’ici 2032, par rapport à 2019.
Le ministre plaide que la réduction des émissions du secteur pétrolier canadien est la seule façon pour le pétrole canadien de rester compétitif dans un monde qui recherche de plus en plus l’option la plus verte disponible.
«Dans un monde où les émissions de carbone sont limitées, les gens qui continueront à demander du pétrole demanderont du pétrole à faible émission, a-t-il indiqué. Et si nos entreprises et notre secteur pétrolier et gazier ne font pas les investissements nécessaires pour y parvenir, ils ne pourront pas être compétitifs dans ce monde.»
Le plafond ne dicte pas ce que les entreprises doivent faire pour atteindre l’objectif, mais M. Guilbeault a noté que la modélisation suggère qu’environ la moitié des réductions proviendra de la réduction des émissions de méthane. Ces réductions se produisent déjà, car les producteurs de pétrole installent des équipements pour empêcher les fuites de méthane qui étaient une source majeure d’émissions.
Le reste sera réparti entre diverses technologies, notamment la capture et le stockage du carbone. Ottawa devrait dépenser environ 12,5 milliards $ en crédits d’impôt pour encourager et aider les entreprises à investir dans ces systèmes qui piègent le dioxyde de carbone et le renvoient dans le stockage souterrain.
Les grandes lignes de la politique ont été décrites il y a près d’un an lorsque M. Guilbeault a publié un «cadre» pour le plan, qui promettait de forcer les émissions de la production pétrolière et gazière en amont à baisser jusqu’à ce qu’elles soient entre 35 et 38 % inférieures en 2030 à celles de 2019.
Le projet de règlement, qui sera ouvert aux commentaires du public jusqu’en janvier 2025, a finalement choisi l’extrémité inférieure de cette fourchette. Le ministre Guilbeault affirme que cette décision a été prise après de longues discussions sur ce qu’il était possible de réglementer sans forcer la baisse de la production.
Des impacts attendus en Alberta
La production devrait être au cœur du débat lorsque la réglementation sera publiée lundi. Plusieurs études économiques basées sur le plan-cadre de décembre 2023 ont indiqué que la seule façon d’atteindre les objectifs est de réduire la production.
Le Conference Board du Canada a déclaré en mars que la production globale de pétrole et de gaz augmenterait d’environ 14 % sans plafond d’émissions et de 1,6 % avec un plafond d’émissions. L’organisme a prédit que les recettes publiques, notamment en Alberta, seraient bien moindres en conséquence.
Il a également prévu que la croissance de l’emploi serait plus lente, avec un impact plus important en Alberta.
Goldy Hyder, président du Conseil canadien des affaires, a soutenu dans un communiqué avant l’entrée en vigueur de la réglementation sur les émissions que l’imposition d’un plafond était une mauvaise décision pour le pays.
Selon lui, le plafond nuirait à l’économie, restreindrait le commerce transfrontalier de l’énergie avec les États-Unis et rendrait la politique climatique «encore plus incohérente et non compétitive».
La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a promis de lutter contre la limitation des émissions, affirmant que cela porterait un «coup dévastateur» à l’économie de sa province et à l’emploi.
La fin de semaine dernière, les membres du Parti conservateur uni au pouvoir de Mme Smith ont voté massivement en faveur d’une résolution visant à abandonner les plans de la province pour réduire les émissions et à déclarer le dioxyde de carbone comme un élément essentiel et non comme un polluant.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a également promis de supprimer la réglementation sur les plafonds d’émissions.
Une «victoire» pour Guilbeault
La réglementation ne sera pas finalisée avant des mois et il est possible que les prochaines élections fédérales aient lieu avant qu’elle ne soit réellement en vigueur.
Pour Steven Guilbeault, la mise en œuvre de cette réglementation dans une lutte contre les changements climatiques qui, selon lui, est devenue si politiquement chargée que même les progressistes vacillent, semble être une chose à célébrer.
«À notre époque, où le changement climatique est pris dans cette guerre culturelle que nous observons dans de nombreuses régions du monde, pouvoir continuer à faire avancer des politiques progressistes pour lutter contre le changement climatique est en soi une grande victoire», a-t-il avancé.
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