Le Festif! selon Gran Talen

Par Emelie Bernier 5:00 AM - 20 juillet 2024 Initiative de journalisme local
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Mais qui donc est Gran Talen? Difficile à dire, puisque ce dernier n’est pas un être de chair et de sang. On connaît de ce sosie de Kid Rock le corps un peu frêle, un sévère penchant pour le Chemineaud, une passion sans bornes pour les sous-marins de 12 pouces de Subway et la prose volontairement salace, dont il faut saisir d’emblée toute l’ironie!  L’irrévérencieux Gran Talen n’est pas à prendre avec des pincettes, mais plutôt avec de grosses « vise-grip » un peu rouillées.

On a vu l’apparition de cette étrange bibitte médiatique lors du festival de la chanson de Tadoussac en 2014. « J’avais mis ma couverture en ligne sous forme de procès-verbal et Clément Turgeon est tombé là-dessus. Il n’avait aucune idée qui j’étais et m’avait offert de faire la même chose pour le Festif! Ç’a duré 5 ans! », confie celui qui, bien sûr, souhaite garder l’anonymat.

Durant 5 ans, les comptes-rendus provocants à faire syncoper les grenouilles de bénitier et suffoquer les bien-pensants ont été publiés sur Facebook et ont faire tordre de rire des milliers d’internautes capables de distinguer le vrai du faux.

« J’ai créé un personnage qui n’aimait pas la musique québécoise comme si un « red neck » débarquait dans un festival émergent de gauche!  Dans les procès-verbaux, je taquinais beaucoup les artistes et l’organisation. Ce n’est pas tout le monde qui saisissait l’humour derrière ça! Personnellement, je suis un trippeux de musique d’ici! »

Choquant, déplacé, grossier, impertinent, impoli, vulgaire, mal embouché : tous ces synonymes collent à la peau (ou au petit drap contour, pour les initiés) du fameux Gran. Mais l’individu qui se cache derrière le personnage est à 1000 lieux de ces épithètes.

Gran Talen a reçu des messages d’artistes, déçus de ses critiques trempées dans le vitriol et le Chemineaud. « Un jour, un artiste que j’adore et dont j’ai tous les disques m’a écrit pour me dire qu’il était triste de ce que j’avais écrit sur lui! », raconte-t-il. Crève-cœur de maintenir la ligne, mais il fallait garder la façade du personnage intact.

Depuis quelques temps, celle-ci se fissure, comme en témoignent quelques billets publiés sur sa page Facebook.

« Ça fait bizarre, mais Gran m’a habité pendant toutes ces années. Sa manière de voir le monde, de s’exprimer, de jouer avec les mots. Ses parents, son voisin jouisseur d’en haut, sa cousine complexée, son coloc… Je les voyais, je les entendais. Dans ma tête, ils existaient presque. Et je me suis attaché à eux, mais surtout à vous, qui commentiez, embarquiez dans le délire et nourrissiez le monstre. C’est ce qui rend le départ plus “motonneux”, disons », peut-on lire sur un post publié en décembre dernier.

Ce  « terrain de jeux littéraire », à la fois « exutoire » et « échappatoire » manquera à l’auteur, dont la plume est mûre pour de nouvelles aventures.

«Bon, je sais, c’était souvent brouillon, garroché, immature et pas « politically correct », mais j’ai essayé; je me suis commis, comme on dit. Ce que certains voyaient comme une simple page humoristique m’apparaissait plutôt comme un terrain de jeu littéraire, un lieu de rencontre imaginaire, un safe-space où la connerie pouvait côtoyer la sensibilité. Un endroit où il était possible de (se) décontaminer par l’humour, de rire, de pleurer, de réfléchir, d’exagérer et d’oublier le drame ambiant. J’ai presque tout publié ce qui me passait par la tête, sans trop faire de tri, sans trop me retenir (j’aurais peut-être dû) », écrit-il encore.

On se souviendra longtemps de ce hilllbilly en cavale dans les festivals, notamment grâce à un fanzine publié chez Hurlantes dans la collection Curiosités à 200 exemplaires, où Gran apparaît dans toute sa splendeur et sa connerie délibérée.

Pourquoi tuer cet avatar en pleine gloire?

«Pour la couverture des festivals, après 5 ans, j’avais une impression de tourner en rond, de refaire le même genre de trucs : Gran qui se dope, qui ne dort pas, qui gosse après Philippe Fehmiu… On ne veut pas trop se répéter non plus!»

Philippe Fehmiu est de ceux qui ont cherché beaucoup l’homme derrière l’amateur de 12 pouces et le courailleux tendance #metoo de filles « PDLC ».

« On saura éventuellement qui se cache derrière. Il est devenu une figure médiatique un peu malgré lui avec le coup de pouce  de gens comme Mathieu Dugal, Joël Martel, Fehmiu, même Fabien Cloutier, que je ne connaissais pas à l’époque… », raconte le demiurge qui a droit de vie et de mort sur l’imbécile heureux.

Peu après la pandémie,  Gran Talen a publié son premier roman, Journal de confinement bourgeois. Quand Marie-Louise Arsenault l’a invité à son talk show, Gran, et son « père », ont dû décliner.

«  L’équipe était prête à ce que je sois costumé, à filtrer ma voix…mais je ne pouvais tout simplement pas .»

Le roman a fait son chemin. Et inspiré la création de la fanzine sur les années de Gran au Festif!, un petit bijou caustique à souhait.

Est-ce que celui qui incarne ledit Gran a vraiment un fort penchant pour le caustique Chemineaud?

 « C’est dégueulasse!», s’esclaffe-t-il.

Chapdoula Hart, Gran!

La fanzine, s’il en reste, est disponible à boutique du Festif! On peut aussi contacter Gran via sa page Facebook pour la commander ou encore obtenir un exemplaire du Journal de confinement bourgeois.

Les images sont tirées du fanzine et le montage a été effectué par Julie Les Oiseaux.