Il n’y a plus de lait de vache canadienne dans le fromage 1608, dont l’image de marque est justement un dessin d’une représentante de cette rare race patrimoniale. Le dernier troupeau, celui de la Ferme Hengil de Saint-Hilarion, a quitté la région il y a quelques mois déjà, au moment même où des avancées scientifiques significatives confirment l’unicité de cet animal emblématique.
La Terre de chez nous l’a annoncé en premier, puis la nouvelle a été reprise par les Coops de l’information il y a quelques jours. Mario Duchesne, de l’Association de mise en valeur de la race bovine Canadienne (AVRBC), déplore que ses animaux chouchous y soient décrits comme « difficiles » par certains et souhaite rétablir les faits.
« Je pense qu’on mélange un tempérament nerveux à un tempérament de vigilance d’une vache rustique. Elles sont parties d’un système de traite à la stale, d’un environnement stable. Outre le voyage, il y a eu le changement de régie pour la stabulation libre en salon de traite. Sur 50 bêtes, 13 sont décédées, mais ce n’est pas un problème de race, c’est un problème de rusticité. Si tu changes leur habitude, elles deviennent en alerte. On ne peut pas juger de la race avec cet événement-là », affirme Mario Duchesne.
Il qualifie la Canadienne de « race à part, plus proche d’un animal sauvage », ce que confirment de récentes avancées en génomique.
« La Canadienne n’est pas consanguine, elle a la plus haute diversité génétique de toutes les races et aucune parenté proche de toutes les races laitières et de boucherie, elle en est aussi loin que le zébu l’est! On ne savait pas ça!», indique celui qui s’intéresse de près à l’animal depuis les années 2010.
Steve Tremblay, de la Ferme Hengil, a bien tenté de trouver un repreneur dans Charlevoix, mais la Laiterie Charlevoix ne pouvait assurer la continuité de l’entente qui la liait au producteur, soit un prix d’achat plus élevé pour ce lait singulier.
« Ils ont le droit de dire « on ne veut plus payer ça », mais ça a viré que la Canadienne n’est pas une bonne vache et ce n’est pas la bonne chose à dire. On le sait qu’elle n’est pas conventionnelle, elle ne compétitionnera jamais la Jersey ou la Holstein, mais ce n’est pas vrai que le lait n’est pas différent. Ça vient nuire à la race et ça, ça m’insulte », lance Mario Duchesne.
Le fait que la vache est moins rentable est su et connu. « On le sait que ça prend une prime, une valeur ajoutée pour que ce soit intéressant. La laiterie a été bon joueur pendant des années, mais là, ça finit en queue de poisson. On les comprend, on ne les blâme pas, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne trouvent plus ça intéressant qu’il ne peut pas y avoir des modèles d’affaires rentables», ajoute M. Duchesne.
La Ferme Phylum, de Lévis, qui a acquis le troupeau de M. Tremblay tente le pari. Une jeune entreprise de l’Outaouais mise aussi sur la vache canadienne. La fromagerie Pied-de-vent, aux Iles- de-la-Madeleine, est reconnue pour la qualité de ses fromages, faits à partir du lait de cette vache qui a permis aux premiers colons de survivre aux rudes hivers québécois.
«Aujourd’hui, les chercheurs s’y intéressent. L’Université Laval, l’Université McGill se penchent sur son cas. On veut la positionner dans l’agriculture régénérative. Elle doit être un peu plus rentable, conformée. On va le faire différemment, mais la Canadienne peut être rentable dans sa marginalité! », conclut ce fervent défenseur du patrimoine agricole national.
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