Mon « nouveau » Domaine

Par Dave Kidd 5:00 AM - 25 juin 2024
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Photos fournies pour le Domaine Forget . Crédit Go-Xplore.

Ce n’est pas ma tasse de thé d’écrire sur la musique classique et le Domaine Forget. Je suis plus dans mon élément dans le bruit des sirènes des véhicules d’urgence.

J’ai vu l’institution changer et devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Je n’ai pas assisté à un seul concert du Festival international. Je suis plus team métal que classique. Je n’apprends rien à personne.

Toutefois, j’ai écouté des spectacles de groupes rock avec des orchestres philharmoniques d’un peu partout dans le monde. Mon contact avec le classique commence et s’arrête pas mal là. J’oubliais: Canon de Pachelbel qui a joué dans une couple de mariages auxquels j’ai assisté. À la blague, le morceau a quasiment été plus long que l’union, mais ce n’est pas le propos.

N’écoutant que mon désir de démystifier le Domaine, j’ai demandé une entrevue avec Ginette Gauthier. Un peu tout le monde avait la mâchoire décrochée quand je leur ai soumis la demande. La dernière fois que j’ai écrit sur le Domaine, c’était pour la découverte d’ossements dans l’église. On était un peu loin de Yannick Nézet-Séguin.

Le moment tant attendu arrive. Je ne fais pas de cachettes à Ginette Gauthier : je ne veux pas parler de la programmation. Je veux savoir pourquoi on devrait assister à un concert. C’est ça le but de l’entretien.

On a jasé facilement une bonne heure. L’actuelle directrice générale -je n’écris pas ça pour la vieillir- a assisté à toutes les grandes étapes de transformation du Domaine Forget. Si une personne peut m’inciter à la découverte, c’est bien elle.

Elle lance dans l’échange qu’environ 20 % de l’assistance aux concerts sont des gens de la région. « Il y en avait peu pendant des années. » Je comprends alors que je ne suis pas le seul intimidé par les lieux. On est intimidé parce que la musique classique a été longtemps considérée comme un divertissement pour les riches. T’as pas de BMW ou de Mercedes, tu n’écoutes pas de classique. Point barre. Un méchant préjugé que j’entretenais.

La réalité est bien différente. Le Domaine s’est ouvert sur la communauté. « On veut que tout le monde se sente bien », soutient Ginette Gauthier. Le nouveau directeur artistique, Mathieu Lussier, amène un air de jeunesse et active la curiosité des gens. Les spectateurs ont été de bons ambassadeurs », continue-t-elle.

Tout est une question d’ouverture. Ce n’est pas en allant à un seul concert que je pourrais échanger avec un maestro et paraitre bien brillant. De toute façon le maestro ne s’attend pas à ça. Lui il veut expliquer et faire vivre ce qu’il interprète. Je suis certain que s’il veut une conversation de haut niveau sur son art, il pigera dans sa liste de sommités !

L’autre affaire qui est bien importante à ne pas perdre de vue, c’est qu’on n’est pas obligé de tout aimer. Petit parallèle ici avec le Festif! qui ouvre le sentier de la découverte musicale dans un horizon différent de celui du Domaine Forget. C’est pareil. On y va. On écoute et on se fait une idée.

« Ce qu’on ne connait pas nous effraie », glisse aussi Ginette Gauthier. Elle exprime parfaitement bien l’hésitation envers le classique. Heureusement, le Domaine a fait un travail colossal de démocratisation en multipliant les activités sur son site, à l’église de Saint-Irénee et en sortant sur le territoire. Les portes sont grandes ouvertes. On a juste à entrer.

J’ai regardé le prix des billets. Ils sont inversement proportionnels à la qualité des artistes qui montent sur la scène de la salle de concert. « L’expérience est de sentir une connexion avec les artistes. J’ai vu des gens sortis les yeux dans l’eau et être trop émus pour parler », dit-elle. Côté sensation forte, avouez que ça frappe. C’est ça qu’on recherche en assistant à un concert ou à un spectacle : de l’émotion. On ne va pas là pour commenter la tenue vestimentaire ou la coiffure d’un artiste. On veut tripper.

La superficie de la salle « à dimension humaine », précise la DG, rend les grandes rencontres intenses. « La complicité est tellement forte que les spectateurs embarquent », ajoute-t-elle. Pas besoin d’être un mélomane averti pour savourer l’enthousiasme entre deux grands noms qui se retrouvent à Saint-Irénée.

D’ailleurs des professeurs choisissent de venir au Domaine Forget parce qu’ils pourront jouer avec un autre musicien avec qui le courant passe bien. Saint-Irénée est donc un lieu de rencontre prisé par des musiciens de partout dans le monde. C’est un peu « le G7 » des virtuoses. On peut s’enorgueillir d’avoir ça dans notre cour.

Est-ce que j’assisterai à un concert cet été ? Je l’ignore. Ce que je sais par exemple, c’est que je me suis donné le goût d’y aller. J’ai le goût parce que le Domaine Forget n’est pas une « maison hantée » avec un code à réciter pour y entrer. C’est une institution qui s’est rapprochée de nous. Je ne peux quand même pas me sauver d’elle.