Un héron nocturne, le Bihoreau gris

Par Michel Paul Côté 6:00 AM - 19 mai 2024
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On le voit peu durant le jour car il préfère chasser la nuit. C’est pourquoi les observateurs ne l’aperçoivent que rarement. Pourtant, il est bien présent dans Charlevoix. Il suffit de savoir où et quand le chercher.

Jusqu’à tout récemment, on l’appelait Bihoreau à couronne noire, nom qui avait remplacé le nom « Héron Bihoreau ».  Il en va ainsi des noms d’oiseaux… Un peu ennuyant, on y perd son latin, mais ça fait vendre des guides… Les experts vous diront que, justement, les noms scientifiques latins ne changent pas. NYCTICORAX NYCTICORAX! Un nom latin qui est composé de deux mots grecs : NUX et CORAX. Cela signifie : corbeau de nuit. Il suffit d’entendre son cri, un couac qui ressemble étrangement à celui du corbeau, pour comprendre l’origine de son nom.

Le jour, il se perche discrètement sur une branche d’arbre, à l’abri des regards, immobile et pensif. Il sort au crépuscule, et est actif jusqu’à l’aube. Il croise sur son chemin ses cousins hérons qui se retirent pour la nuit. Il affectionne les endroits retirés, près de l’eau, et se confond avec la végétation. Mais il ne demeure pas toujours caché. Il se nourrit de petits poissons, de grenouilles, de crustacés, et doit sortir des quenouilles pour atteindre ses proies. C’est à ce moment, en soirée ou au petit matin, qu’on l’aperçoit. Il se déplace lentement, et peut demeurer immobile de longues minutes. Comme tous les hérons, c’est un pêcheur précis, redoutable, patient.

Le corbeau de nuit est facile à identifier, une fois qu’on l’a trouvé et qu’il se trouve dans le viseur de nos jumelles…. Pêcheur habile, il est discret et se cache dans les herbes hautes. Mais on peut, avec un peu de patience, l’observer au crépuscule et à l’aube, alors qu’il est actif.

En l’observant, on remarque immédiatement l’absence de cou, contrairement aux autres hérons. D’une hauteur d’environ 65 cm, sa silhouette est caractéristique : le dos est vouté, la couronne et le dos sont noirs, les yeux perçants sont d’un rouge sang. Avec un peu de chance, on apercevra les deux plumes blanches situées à l’arrière de la nuque, fines et longues, qui flottent souvent au vent. Les ailes, ainsi que le robuste bec, sont gris, la poitrine blanche, les pattes jaunes. Somme toute, un très bel oiseau. Mais la rencontre d’un bihoreau est plus que l’observation d’un bel oiseau. Sa démarche, sa discrétion, ses habitudes nocturnes, tout cela rend l’expérience unique. On retient son souffle, on évite tout mouvement pouvant l’effrayer, et on pénètre dans son monde grâce aux jumelles. Parfois l’observation ne dure que quelques secondes, parfois quelques minutes. Chose certaine, le souvenir de la rencontre sera permanent.

Ce héron de nuit nous arrive assez tôt au printemps, et demeure chez nous jusqu’à la fin de l’automne. Son aire de distribution principale est surtout aux États-Unis, un peu dans le Sud des prairies canadiennes, et chez nous au Québec. Il affectionne les rives du fleuve Saint-Laurent jusqu’à Baie Comeau / Matane, le long de la rivière Saguenay jusqu’au lac Saint-Jean, et le long de la rivière Outaouais. Lors de deux recensements effectués par Québec Oiseaux en 1987 puis en 2013, on ne nota qu’environ 30 confirmations de nidification, et 124 nidifications probables. C’est peu, mais cela est fort probablement dû au fait qu’il s’agit d’un oiseau nocturne fort discret. Son nid est assez rudimentaire, quelques branches camouflées dans les roseaux, ou encore perché très haut dans un arbre lointain. Cela rend les confirmations de nidification difficiles à obtenir…

Dans Charlevoix, comme à l’habitude, nous sommes choyés car on y observe le « corbeau de nuit » assez facilement. Quelques baies, à marée basse, permettent de le découvrir : Baie-des-Rochers, Port-au-Persil, Cap-aux-Oies, Baie-Saint-Paul.

Mais si vous souhaitez maximiser vos chances d’admirer le bihoreau, c’est à l’Isle-aux-Coudres qu’il faut aller. L’île représente le site le plus riche de tout Charlevoix pour l’observation des oiseaux, et le bihoreau n’y fait pas exception. L’espèce y est abondante sur l’île : halte des Piliers, parc de la Pointe du Bout d’en Bas, au milieu de l’île sur les anciennes tourbières, chemin de l’Îlet, quai de Saint-Louis. Il suffit de faire le tour de l’île, lentement, en voiture ou à vélo, au crépuscule ou à l’aube. Il est probable que votre tournée vous permettra d’observer plusieurs espèces de hérons, de canards, et souvent la grande aigrette.

Bonnes observations.

oiseauxcharlevoix@gmail.com

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