Présidente d’honneur du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, Françoise Sullivan tenait à être présente pour l’ouverture de l’événement, elle qui garde d’excellents souvenirs de son passage en tant qu’artiste en 2000. La dame, gracile, porte à merveille ses 100 ans, et tenait à dire aux artistes de la cohorte 2023 de profiter de chaque instant de l’événement dont ils se souviendront, tout comme elle, fort longtemps…
Toute menue et sobrement coquette, Françoise Sullivan nous accueille, la directrice du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul Gabrielle Bouchard et moi, dans sa chambre du Germain Charlevoix. Elle se remémore son symposium avec le sourire.
« C’était absolument charmant parce qu’on rencontrait d’autres artistes que peut-être on n’aurait pas rencontrés autrement. Je me souviens des échanges entre nous et du plaisir d’être ensemble pendant un mois. C’était très agréable, surtout les dîners le soir… J’ai gardé des liens avec des gens que j’ai connus ici! J’ai accepté (la présidence d’honneur) parce que ç’a été un beau moment de rencontre dans ma vie. Je pense que les artistes qui font le symposium s’en souviennent toute leur vie. »
Le travail en atelier dans l’aréna, sous les néons blafards et les questions inquisitrices du public, n’était pas toujours facile. « Oui, on se faisait interrompre parfois! Les gens voulaient nous parler, souvent juste au moment où on avait une inspiration! », rigole doucement Mme Sullivan.
L’âge de Riopelle
Contemporaine de Riopelle, elle a exactement le même âge de celui dont on souligne avec tambours et trompettes l’anniversaire. Tout le bruit autour des 100 ans du peintre est justifié, selon elle. « C’est tellement un grand artiste, Riopelle, vraiment! Ses œuvres sont magnifiques. Ça mérite toute cette attention! », dit celle qui le considérait comme un ami.

« Je rêvais de faire une danse dans la neige puis, un soir, je l’ai croisé dans une conférence. Il était à côté de moi. Nous discutons, comme ça, il me demande » qu’est-ce que tu as fait depuis deux ans « , parce qu’il était en France. Je lui raconte ce que je voulais faire, danser dans la neige. Il avait loué une maison à la campagne, c’était le temps de la naissance de sa fille Yseult, et il me dit » viens demain! « Viens demain? Mais qu’est-ce que je fais? Comment je me rends? Il me dit » il y a un autobus! « . J’ai mis les vêtements de pratique de danse, plus des chandails, des choses pour braver le temps et puis on l’a fait le surlendemain. Si j’ai fait cette danse, c’est dû à lui. Je lui dois ça! »
Avide d’explorer de nombreuses formes d’expression, Françoise Sullivan a mené, rappelons-le, à la fois une prolifique carrière de danseuse et d’artiste visuelle.
« On est une artiste visuelle ou on est une artiste sonore, ou on n’est pas un artiste, on est autre chose. Dans les arts visuels, il y a quelque chose qui se ressemble. Ce sont des rêves qu’on fait, des idées qu’on imagine et qu’on met en marche, qui quelquefois se réalisent, quelquefois ne se réalisent pas. J’ai exploré plusieurs formes d’art, mais toujours à partir de la même source », dit-elle de son beau débit tranquille. Elle peint d’ailleurs toujours activement.
« J’ai assez sauté d’une chose à l’autre même si c’était au fond la même chose… Je pense que si on continue le travail, on se sent plus jeune, on se sent capable. J’ai encore le goût de créer. » Une partie des œuvres de sa prochaine exposition au Musée des Beaux-Arts aura été réalisée en 2023.
La parole aux artistes
La signataire du Manifeste du refus global considère-t-elle que les artistes sont suffisamment entendus?
« On avait plus de place à l’époque. Aujourd’hui, on ne parle pas beaucoup des artistes. On n’a pas toute la place qu’on mérite, je pense. On est souvent oublié. On s’intéresse beaucoup plus aux sports! », glisse-t-elle en rigolant.
À 100 ans, Françoise Sullivan ne compte plus les gens aimés à qui elle a dû dire adieu. « Je n’ai plus beaucoup d’amis de mon âge, mais j’ai beaucoup d’amis qui ont plusieurs années de moins. Avec eux, je ne ressens pas mon âge. »
L’art contemporain lui plaît, souvent. « C’est selon l’intensité, la qualité des œuvres… J’aime par exemple beaucoup cette jeune artiste qui a exposé avec moi à Montréal au mois de mai. Les gens disaient comme ça allait bien ensemble… »
Heureux hasard, la « jeune artiste » en question, Josiane Lanthier participe cette année au Symposium qui se tient depuis 41 ans à Baie-Saint-Paul.
Des conseils pour ceux qui, comme Josiane Lanthier, créeront ainsi sous le regard inquisiteur des visiteurs?
« Chacun le fera selon ses instincts. Mon conseil est celui-là : suivre son instinct. »
Une présidente d’honneur toute désignée
La directrice du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul Gabrielle Bouchard se pince encore. Rencontrer Françoise Sullivan est un “privilège incroyable” pour la jeune directrice du MACBSP.
« Avec un thème comme l’identité, la personne tout indiquée comme présidente d’honneur était Françoise Sullivan puisqu’elle a participé à forger l’identité artistique québécoise. 2023 étant l’année de son centenaire, c’était un grand honneur pour nous de la recevoir ! », lance Gabrielle Bouchard, émue d’avoir pu côtoyer durant quelques jours ce monument de finesse.
Fort sollicitée en raison de son jubilé, Mme Sullivan ne s’est pourtant pas laissée prier.
« J’ai d’abord été surprise qu’elle ait accepté, mais elle a toujours eu une belle relation à Baie-Saint-Paul alors qu’elle a participé au Symposium en 2000 et a eu une exposition rétrospective en 2017. Elle était très heureuse de renouer avec la région », croit la directrice, ce que confirme la principale intéressée.
« Charlevoix tient une belle place dans le Québec et le Canada, c’est l’endroit qui ressemble le plus à Banff, à l’ouest, à ce qui se passe là-bas, les rencontres avec les artistes… Des idées importantes naissent de ces endroits! »
Elle salue d’ailleurs la nomination d’une trentenaire à la tête d’une institution comme le MAC BSP. Alors que Gabrielle Bouchard lui fait part de son intention de donner encore plus d’espace aux artistes, à la création et aux rencontres, notamment par le biais de résidences de création, Françoise Sullivan la regarde avec une attention respectueuse. « Je vous félicite! Vous avez la fougue de la jeunesse, ça se sent! »
Horizon
Horizon, des contenus marketing présentés par et pour nos annonceurs.