Jean McEwen au MAC : cerner l’artiste… et le père

Par Jean-Baptiste Levêque 9:00 AM - 21 juillet 2023
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Jérémie McEwen a parlé de son père et de ses oeuvres à l'occasion de l'exposition « Jean McEwen - Couleurs en jeu ».

De l’aveu d’un visiteur du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, certaines œuvres de Jean McEwen qui y sont exposées semblent difficiles à cerner. De passage au musée pour parler de cette grande figure de l’art abstrait, Jérémie McEwen a partagé ce sentiment pour son propre père.

Le 15 juillet, en après-midi, l’écrivain, chroniqueur et professeur de philosophie se tenait devant une trentaine de personnes au Musée d’art contemporain. « Je m’attendais plutôt à 5-6 personnes », confiait-il avec gratitude.

Il a lu à l’assistance une lettre à son père, Jean, décédé en 1999, alors que Jérémie McEwen n’avait que 18 ans. « L’absence de mon père est paradoxale. Tous les jours, il est sur mes murs », confie celui qui possède plusieurs tableaux de l’artiste.

L’écrivain avoue avoir vécu une crise d’adolescence sur le tard. « Je t’ai détesté pour ton absence. Pourquoi as-tu eu un enfant à 57 ans? », questionne le cinquième et dernier né d’un père deux fois marié.

« Je n’ai pas besoin de tableaux valant des milliers de dollars ni d’un nom renommé, mais d’un père présent. Je t’aime, mais je n’arrive plus à te toucher à l’intérieur de moi-même », lisait-il encore.

Si le père est parti trop vite, le peintre est demeuré un mystère pour son propre fils. « J’ai peine à faire le lien entre mon père et le peintre. J’ai peur de ne pas comprendre cette partie de lui. »

Le seul dialogue véritable que Jérémie McEwen a eu avec son père sur son travail, c’était durant la création des Poèmes barbares, cette série de tableaux peints en 1998, peu avant le départ du peintre.

Jérémie McEwen a parlé des œuvres chargées de couleurs de son père.

L’auteur n’a pas abandonné pour autant sa quête de réconciliation avec son père. En 2021, il publie Pays barbare, un essai où, par l’intermédiaire de sa relation à son père, il critique le conservatisme québécois porté au pouvoir en 2018. Une forme d’exutoire peut-être, mais le lien est rétabli.

Jérémie McEwen peut maintenant parler de son père avec amour et aussi mieux comprendre son œuvre. « Pour apprécier un de ses tableaux, il faut s’en approcher très près… et même le toucher », explique-t-il aux visiteurs du Musée.

« Être fils de… c’est impossible de ne pas vouloir créer », avoue enfin l’auteur de huit livres. Et il précise avoir commencé à vraiment écrire quand son propre fils est né. L’exposition « Jean McEwen – Couleurs en jeu », qui célèbre le 100e anniversaire de naissance du peintre, est en cours jusqu’au 5 novembre.