Photographier ou ne pas photographier: là est la question

Par Michel Paul Côté 2:21 PM - 1 mars 2023
Temps de lecture :

La photographie est une belle passion qui est bien différente de l’observation des oiseaux. Ça requiert beaucoup de détermination, d’habileté technique, de planification et, bien sûr, un investissement non négligeable en équipement. La satisfaction que procure cette activité est considérable.

Il est de plus en plus fréquent de rencontrer des observateurs d’oiseaux qui se tournent vers la photographie afin d’élargir leur expérience avec nos amis ailés. Avec l’arrivée il y a 20 ans de la photographie numérique, et grâce à la grande disponibilité des appareils que l’on retrouve dans toutes les gammes de prix, il n’est pas surprenant que ce passe-temps de plus en plus populaire devienne une véritable passion pour plusieurs observateurs d’oiseaux.

Personnellement, j’ai toujours photographié les oiseaux. J’ai fait la transition vers le numérique il y a 15 ans, un peu à contrecœur car je n’ai pu réutiliser la plupart de l’équipement accumulé depuis 40 ans. De plus, la courbe d’apprentissage du nouvel environnement numérique semblait abrupte…


Force est de constater que le problème ne venait pas de la nouvelle technologie, mais des appréhensions non fondées de l’utilisateur… Au cours des années, l’arsenal photographique s’est élargi au niveau des lentilles, des boîtiers, trépieds, flash, sacs de transport, etc, etc, etc.


En 2023, l’heure est au bilan. La photographie d’oiseaux est-elle compatible avec l’observation des oiseaux ? La question peut paraître surprenante, et la réponse n’est pas simple.


L’observation des oiseaux représente la liberté de se promener un peu partout, jumelles au cou, d’explorer, de flâner, de socialiser avec les observateurs qui nous accompagnent. L’observation est également synonyme de spontanéité, de surprise. On roule en voiture, on aperçoit un quai et un vol de goélands, on arrête et on va rapidement jeter un coup d’œil en s’emparant de la paire de jumelles rangée dans le coffre à gant. Peu de temps après, on est de retour sur la route, satisfait de cette courte halte « aviaire » qui nous a permis d’observer un balbuzard en train de pêcher, juste au bout du quai. Rien de compliqué, rien de planifié, uniquement du plaisir.


Puis un jour, on se dit qu’on aimerait bien photographier ce balbuzard en train de chasser. C’est bien de raconter notre observation aux membres de la famille, aux amis, aux collègues au travail, au préposé à la caisse populaire… mais ce serait tellement mieux de pouvoir leur montrer. Après tout, une image vaut 1000 mots…


C’est à ce moment que la spontanéité en prend pour son rhume.


On rassemble l’équipement : boîtier, téléobjectifs, trépied, sac contenant différents accessoires, sac de transport, petit banc pliable, vêtements adaptés aux conditions météo incertaines, petit lunch, bouteille d’eau, lotion solaire, lotion anti moustique…


Puis on vérifie l’heure de marée. Marée trop haute, le balbuzard sera absent. Marée trop basse, il sera trop loin…


Puis on vérifie la météo…


Et l’heure d’observation sera importante pour obtenir les meilleures conditions d’éclairage : soleil éclairant de l’arrière, idéalement le matin ou en fin de journée pour ne pas avoir des ombres trop prononcées…


Une fois sur place, on s’installe sur le petit banc inconfortable, grosse lentille et trépied bien stables, et on observe le ciel. Pas de balbuzard en vue. Il viendra, c’est certain. Attente. Il y a bien des parulines dans le boisé derrière, et quelques bruants qui chantent au loin, et même un potentiel cardinal qui fait entendre son chant caractéristique, mais on est venu pour le balbuzard…


Et pas question de laisser son équipement sans surveillance le temps d’une tournée dans le boisé.


Après 2 heures, le balbuzard se montre. Bravo, l’attente valait la peine! Il est loin, très loin, mais s’approchera sûrement. Malheureusement la marée est montée, et après 30 minutes le rapace choisit de s’éloigner. Déception.


On vérifie la table des marées et la météo pour le lendemain. Si tout se passe bien, après trois jours d’affût, le cliché tant souhaité est capturé sur la carte mémoire de la caméra. En fait, on a pris 268 clichés de l’oiseau. Trois sont bons, un est excellent.


L’impression de la photo apporte beaucoup de satisfaction. En format 11 x 14, c’est beau, très beau. L’œil du balbuzard est clair, perçant. Le poisson capturé est bien visible. La famille est impressionnée, les amis aussi.


À la question « quels autres oiseaux as-tu vu pendant trois jours au quai? », la réponse est évasive. « Je ne suis pas allé au quai pour observer les oiseaux, mais pour photographier le balbuzard. »


Pourquoi cette histoire, tant de fois vécue par tous les photographes d’oiseaux? Parce que la photographie d’oiseau est une activité passionnante, qui apporte son lot de défis et beaucoup de satisfaction.


Mais c’est une activité différente de l’observation. Personnellement, je fais de moins en moins de photographie d’oiseaux, préférant me promener les jumelles au cou.


Mais je garde précieusement mon équipement car, occasionnellement, je vais m’évader pour aller à la chasse photographique. Les chasseurs comprendront. On observe pendant 50 semaines, on chasse pendant 2 semaines. Les deux activités forment un tout, se complètent, pour notre grand plaisir. Bonnes observations.

Partager cet article