L’envers d’une énergie verte: Un peu de mercure avec votre poisson?
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(Dossier, partie 3 de 4)
Modification de l’habitat des animaux, apport de mercure dans la chaîne alimentaire, impact sur les populations autochtones et allochtones usagères de la forêt : l’hydroélectricité, et son corollaire les barrages hydroélectriques, n’a pas une fiche environnementale parfaite.
S’il est un élément du tableau périodique dont le chercheur Marc Amyot connaît la plupart des secrets, c’est bien le mercure. Il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements mondiaux.
Son terrain de recherche, vaste, s’étend de l’Ontario au Bénin, en passant par le Nunavik, le Nunavut, le Québec, le Burkina Faso et les États-Unis. Il participe notamment au projet de mise en œuvre, par Hydro Québec, du premier barrage hydroélectrique construit sur le pergélisol, au Nunavik, une innovation prometteuse dans ce coin du monde assujetti à sa dépendance au mazout.
«Une des possibilités, dans certains types de barrage, c’est d’observer une hausse temporaire de sa concentration dans les poissons, surtout les grands poissons qui se trouvent dans le haut de la chaîne alimentaire. Pour les très grands barrages, la concentration va monter après l’ennoiement et redescendre éventuellement, mais cette courbe va s’étendre parfois jusque sur une trentaine d’années », ajoute-t-il.
La présence du mercure s’explique par la décomposition de la matière organique submergée (voir appoint ci-dessous).
Certaines personnes seront plus vulnérables au méthylmercure qui se retrouve dans la chair des grands poissons prédateurs, mais on ne devrait pas cesser de manger du poisson pour autant.
« On ne veut pas que le message soit que le poisson n’est pas bon pour la santé, parce que les bénéfices de cette source d’alimentation locale et traditionnelle supplantent les risques. Ce qu’on dit, c’est que certaines personnes, comme les femmes enceintes ou qui allaitent, par exemple, devraient leur préférer d’autres espèces», résume le chercheur.
Suivez le guide
De nombreux outils, disponibles via les sites web de Hydro Québec et du gouvernement québécois, permettent de s’y retrouver. La carte interactive du Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce est constellée d’une multitude de petits points bleus, chacun correspondant à un plan d’eau.
Des recommandations précises quant au nombre de repas à consommer par mois selon l’espèce et la taille (petit, moyen, gros) sont indiquées.
Nombre maximal de repas recommandé par mois
En aval immédiat réservoirs de La Romaine 1 et 2
Grand corégone 2
Omble de fontaine 2
Meunier noir 2
Grand brochet 1
Touladi 1
Réservoir Romaine 1 et Rivière Romaine
Grand corégone 8
Omble de fontaine 8
Meunier noir 4
Grand brochet 2
Touladi 2
*Extrait du Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce de Hydro-Québec, basé sur l’Organisation mondiale de la santé
Si les concentrations de mercure dans la faune halieutique peuvent être modifiées pendant des décennies par les grands barrages, les petites centrales, souvent dites « au fil de l’eau », ont en général peu ou pas d’effet. «Ce sera un effet court, parfois absent ou pas détectable », précise le chercheur.
La Fondation Rivières et son directeur, André Bélanger, nuance. « C’est exact, mais les petites centrales ont comme impact la destruction de milieux naturels de grande valeur, les chutes particulièrement», lance-t-il.
«Puisqu’il n’y a pas de réservoir, ça prend une pente très forte. On détruit littéralement une chute et un milieu naturel pour une production d’électricité relativement faible», indique-t-il.
Alors que la société d’État envisage de doubler sa production actuelle, André Bélanger rappelle que la Fondation Rivières ne s’oppose pas à l’idée de construire des barrage « lorsqu’ils sont justifiés ».
«Ils doivent répondre à un besoin en énergie qui ne puisse être comblé par d’autres moyens comme des économies d’énergie ou d’autres sources moins dommageables, ne pas entraîner de conséquences importantes sur des milieux naturels de grande valeur et être économiquement viables. »
Méthylmercure 101
«Il y a du mercure naturellement présent dans le sol et quand on l’inonde, on donne des conditions propices au développement de bactéries et à la transformation du mercure en méthylmercure. Cette méthylation va rendre le mercure plus facile à accumuler dans la chair des poissons et la concentration de méthylmercure va augmenter chaque fois qu’un prédateur mange une proie. Le méthylmercure monte alors dans le réseau alimentaire. Les poissons en haut du réseau auront davantage de méthylmercure. En grande quantité, ce n’est pas très bon pour la santé de certaines personnes. Ça peut affecter le système nerveux et le développement des enfants lorsqu’une femme enceinte va en manger par exemple. »
-Le chercheur Marc Amyot
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Nombre de cas d’empoissonnement au mercure répertorié depuis 40 ans au Québec par Hydro Québec.
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Des Innus floués par les barrages.
Des espèces plus à risques
La chair des espèces prédatrices comme le doré, le brochet (photo), la truite grise sont plus susceptibles de contenir du méthylmercure.
«La truite grise peut vivre très longtemps. Elle peut accumuler davantage de mercure. La portion de la population à risque serait mieux d’en manger peu, de privilégier de plus petites espèces ou des spécimens plus jeunes», indique le chercheur Marc Amyot.
Les effets des barrages sur la vie des humains qui vivent sur le territoire sont réels, selon Marc Amyot .
Il a été à même de les constater lors de ses séjours sur le terrain.
«D’un point de vue social, il y a des impacts. On change une rivière en lac. Forcément, ce n’est plus le même écosystème! Quelqu’un pêchait dans une rivière et se retrouve dans un très grand lac, un réservoir devra s’adapter parce que son territoire a été modifié», estime-t-il.
L’inquiétude qui pourrait tenailler les pêcheurs par rapport à la sécurité de leur alimentation n’est pas négligeable et justifie la nuance.
«Parfois, l’effet sur la santé n’est pas si important, mais la perception que les gens ont de leur nourriture sera modifiée. Il faut relativiser! De plus en plus, dans ma recherche, je regarde les bénéfices en même temps que les dangers», conclut M. Amyot.
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