Détresse psychologique chez les travailleurs Mexicains du Club Med

Par Jean-Baptiste Levêque 7:00 AM - 28 février 2023
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Dulce Vivar, militante des droits humains, se porte à la défense de ses compatriotes Mexicains. Photo courtoisie

La situation ne s’améliore pas pour les travailleurs étrangers du Club Med Québec Charlevoix. Si leur syndicat affirme vouloir bonifier leurs conditions, l’état psychologique de nombreux travailleurs se détériore de jour en jour.

En décembre 2022, plusieurs d’entre eux, tous Mexicains, témoignaient de leurs mauvaises conditions de travail au Club Med. Iniquité salariale, discrimination, heures supplémentaires obligatoires, mauvaises conditions de logement… les motifs de plainte étaient nombreux.

Comme ces travailleurs ont un permis de travail fermé lié à un seul employeur, une quinzaine d’entre eux ont décidé de faire une demande de permis ouvert à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Il fallait se déclarer « travailleur vulnérable » et démontrer que l’on subissait de la violence au travail.

Trois demandes ont été complétées et ont finalement été refusées. « Les employés concernés se sentent frustrés, tristes et délaissés. Selon IRCC, ce qu’ils vivent n’est pas de la violence », se désole Dulce Vivar, membre de Latinos en Charlevoix, un regroupement qui vient en aide aux travailleurs.

La décision d’IRCC est incompréhensible pour Mme Vivar, car des preuves de violence verbale et psychologique étaient fournies. De plus, la demande d’un autre travailleur, qui ne vivait pas directement de la violence, avait selon elle été acceptée quelques mois plus tôt.

Dix autres personnes sont à 70 % de leur processus de demande. Dulce Vivar ne peut pas confirmer s’ils iront jusqu’au bout. Car le découragement est bien présent au sein des travailleurs. Leur porte-parole va même plus loin. Selon elle, leur état psychologique est de pire en pire.

C’est ce qu’a confirmé également Alejandro* au Charlevoisien. « J’avais des problèmes dans ma tête, je me mettais à crier sans raison. »

L’homme dans la vingtaine affirme avoir vécu une « privatisation » de sa vie en travaillant au Club Med, dont plusieurs mois à 50 % des effectifs nécessaires. « Je n’avais pas de vie en dehors du travail. Je ne pouvais plus penser à moi-même. Je n’ai pas parlé à ma famille pendant quatre mois. »

Plusieurs Mexicains se plaignent de leurs conditions de logement.
Des chambres exiguës et des commodités inadéquates contribuent au mal-être de nombre d’entre eux.

Alejandro* a fini par démissionner et a pu rentrer au Mexique, où il confirme aller mieux et cherche à nouveau du travail. Mais tous ne peuvent pas en dire autant.

Un autre démissionnaire, Eduardo*, est resté au Canada et se retrouve en situation de précarité. Selon certaines personnes en contact avec lui, il est dans un état psychologique fragile. Une source travaillant en milieu communautaire confirme qu’il est loin d’être le seul à se retrouver dans une telle situation après avoir travaillé au Club Med.

« Je venais travailler ici pour une vie meilleure. C’est l’inverse qui est arrivé », explique de son côté Alejandro*.

Le syndicat à la défense des travailleurs

Le syndicat des employés du Club Med, Teamsters Canada, affirme prendre « très au sérieux » les allégations des Mexicains sur leurs conditions de travail. Catherine Cosgrove, directrice aux communications et affaires publiques, « invite toute personne qui aurait vécu une situation semblable à communiquer avec leur représentant syndical. Le processus est entièrement confidentiel. »

Elle confirme également que le « processus sur l’équité salariale devrait être complété d’ici quelques semaines. »

Le Charlevoisien a demandé au Club Med de commenter la situation et si l’entreprise considère qu’il y a un « choc culturel » entre les travailleurs étrangers et son fonctionnement. Nous n’avons pas encore reçu de réponse.

*Ces prénoms sont fictifs. Tous les travailleurs à qui nous avons parlé souhaitent rester anonymes, par peur de représailles.

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