Travailleurs étrangers du Club Med : les témoignages chocs se multiplient

Une résistance face aux conditions de travail s'organise chez plusieurs travailleurs étrangers du Club Med, pour la plupart Mexicains. Photo courtoisie
Intimidation, racisme, discrimination, insécurité… du point de vue de plusieurs travailleurs étrangers, le prix d’un séjour au Club Med Québec Charlevoix est élevé pour les droits humains. Alors que la situation semble durer depuis plusieurs mois sans s’améliorer, une certaine résistance s’organise.
Plusieurs travailleurs ont témoigné de leurs conditions lors d’une rencontre virtuelle organisée le 2 décembre par Latinos en Charlevoix, un regroupement de jeunes migrants latino-américains. Des représentants d’organismes ou d’élus locaux, de défense des droits et même le Consulat du Mexique à Montréal étaient présents.
Les témoignages ont été faits sous le couvert de l’anonymat, caméras fermées, par craintes de représailles. Selon Dulce Vivar, militante des droits humains et membre de Latinos en Charlevoix, le reportage de Radio-Canada paru le 28 novembre sur le sujet a « créé une panique chez les travailleurs ». Malgré cela, pas moins de cinq employés ont accepté de témoigner.
Andrea* a expliqué en espagnol que lors de la signature de son contrat, on lui avait mentionné que les heures supplémentaires seraient optionnelles. Mais rendue sur place, elle a été contrainte d’en faire. Elle aurait été menacée de non-renouvellement de son emploi ou de travailler trois semaines sans salaire si elle refusait.
Eduardo* est revenu sur les disparités salariales entre travailleurs canadiens et mexicains, payés respectivement 20,50 $ et 15,55 $ de l’heure pour le même travail. « Je ne demande pas plus, je ne demande que ce qui est juste », a-t-il déclaré. Il a également mentionné le cas d’une personne à l’aise en français qui a commencé à gagner un salaire « local », mais dont l’administration a baissé le salaire quand elle s’est rendu compte qu’il était Mexicain.
Luis* a témoigné sur leurs conditions de logement : « les chambres sont très petites ou partagées entre plus de 20 personnes. Dans certains logements, il n’y a pas d’accès à une quelconque cuisine ou à un réfrigérateur. Certains de mes collègues ont été déplacés d’un logement à l’autre sans préavis. »
« Nous n’avons pas le bon matériel de travail pour notre sécurité, nous avons signé des formations qui n’ont jamais été données. J’ai souffert d’allergies aux mains, de maux de tête et même de maladies respiratoires dues à l’inhalation de produits chimiques de nettoyage », a-t-il ajouté.
« Nous sommes privés de soutien syndical et de ressources humaines depuis plus de six mois », déplore Andrea*, qui aurait signalé ces abus à plusieurs reprises.
Face à ce présumé silence de l’employeur et du syndicat, plusieurs travailleurs se sont tournés vers Latinos en Charlevoix, dont la vocation initiale est plutôt d’organiser des activités de socialisation entre travailleurs immigrants.

La santé mentale des travailleurs en jeu
Plusieurs membres du regroupement ont décidé d’agir pour faire avancer le dossier. Suite au reportage de Radio-Canada, un sondage anonyme a été réalisé auprès des membres pour corroborer les informations qui s’y trouvaient.
Trente-six personnes y ont répondu en seulement cinq jours. Trente-trois d’entre elles confirmaient la différence de salaire entre les migrants et les natifs. Le logement était considéré inadéquat par 28 répondants. Et 27 encore affirmaient subir une détérioration mentale due à l’environnement de travail.
Selon Dulce Vivar, il n’est pas habituel chez les Mexicains de parler de santé mentale parce que ce n’est pas un enjeu qui est vraiment conscient. Mais le sondage révèle que 25 personnes sur 36 considèrent leur état mental allant de moyen à très mauvais.
La moyenne d’âge des travailleurs en question est de 27 ans. La plupart sont scolarisés et même titulaires d’un baccalauréat. Ils sont détenteurs d’un permis de travail fermé, donc liés à un seul employeur au Canada.
« Beaucoup d’entre eux aimeraient changer de travail, mais veulent rester dans Charlevoix. Ils aiment les valeurs québécoises », confirme Mme Vivar.
Elle espère que la prise de conscience actuelle mettra de la pression sur le syndicat des travailleurs, qui est légalement responsable de traiter leurs plaintes et revendications.
« Notre travail a la même valeur que celui des autres, nous travaillons souvent plus que les autres. Nous exigeons que la loi soit appliquée, nous exigeons un traitement digne », de conclure Eduardo*.
Club Med se défend
Au moment d’écrire ces lignes, Club Med Québec Charlevoix n’avait pas commenté nos informations.
Le vice-président des opérations en Amérique du Nord, Olivier Rozier, a toutefois affirmé à Radio-Canada que « la nationalité des employés ne teinte pas leur salaire » et que « chacun est libre de faire des heures supplémentaires ».
Il a également mentionné que « le Club Med travaille actuellement avec le syndicat qui représente les employés et un cabinet extérieur afin d’évacuer tout sujet et situation de discrimination salariale. »
*Ces noms ont été changés pour protéger l’identité des personnes ayant témoigné.
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