Immigration : un processus coûteux et complexe

Par Dave Kidd 10:28 AM - 2 novembre 2022
Temps de lecture :

Manon Vaillant et Angélique Lauzier du département Talent et culture du Fairmont le Manoir Richelieu.

Embaucher un travailleur étranger c’est loin d’être simple. Ça prend du temps, de la patience, de l’écoute et bien entendu de l’argent. La recherche du formulaire A-38 dans Les 12 travaux d’Astérix peut, à certains égards, bien résumer la situation.


Pour comprendre comment ça se passe concrètement dans la vie de tous les jours, Le Charelavoisien a rencontré Angélique Lauzier ,directrice adjointe du département Talent et culture du Fairmont Le Manoir Richelieu, mais aussi, et surtout consultante réglementée en immigration canadienne.


Avant de se tourner vers un travailleur d’un autre pays, le plus grand hôtel de Charlevoix doit d’abord démontrer qu’il a épuisé toutes ses options et que le bassin de travailleurs ne lui permet pas de pourvoir les postes disponibles.


Ensuite, il faut trouver le ou les travailleurs. Le processus débute par une entrevue d’embauche et ultimement une offre d’emploi est présentée au candidat. C’est ensuite que les démarches qui prennent des mois s’amorcent.


« Ici, on est chanceux. On a une belle expertise et une bonne connaissance dans le domaine », admet Angélique Lauzier. Tout se savoir ne rend pas les choses plus faciles pour autant. « Il n’y a pas de raccourci possible. On doit suivre le processus au complet. C’est la même chose pour toutes les entreprises du pays », poursuit-elle.


Rien qu’à voir l’épaisseur du dossier pour les neuf cuisiniers que l’hôtel veut embaucher, on comprend ce qu’est le recrutement à l’international. « C’est complexe. Ça prend du temps et souvent c’est assez cher ces démarches-là. À l’hôtel, on sait quels programmes nous conviennent », précise la directrice adjointe Talent et culture.


Une entreprise qui n’a pas de consultant réglementé en immigration canadienne fait affaire avec des consultants ou encore des avocats spécialisés dans le domaine. Une firme qui offrait justement ses services au Fairmont Le Manoir Richelieu chargeait 4 500 $ pour une Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) et pour le certificat d’acceptation du Québec (CAQ). Il faut ajouter à cela les frais gouvernementaux.


Les employeurs doivent en fait remplir des formulaires pour le Québec et le Canada. Au préalable, le candidat retenu est évalué en fonction de plusieurs critères plus personnels comme l’âge et la formation pour opter pour le bon programme pour demander un permis de travail. « Il existe plusieurs programmes selon les classifications d’emplois », poursuit-elle.


Le Québec a ses propres programmes en immigration et le Canada a aussi les siens. « Il faut toujours qu’on envoie tout en double. Dans certains cas, comme le programme Expérience internationale canadienne qui s’adresse aux 18-35 ans, on ne fait affaire qu’avec le fédéral. Dans ce cas, le Québec n’a pas à approuver». Le Canada s’occupe de volets sécurité, légal et de l’impact du candidat sur le système de santé. Le fédéral statue sur la personne à savoir si elle admissible à venir ici de façon temporaire ou permanente. « C’est le fédéral aussi qui valide l’EIMT. Est-ce que l’emploi offert aurait pu être comblé par un Canadien. Si la réponse est positive, la demande est alors rejetée », précise Angélique Lauzier.
Le Québec s’informe sur le candidat. Qui est-il, que fait-il, sa scolarité en lien avec le profil de l’emploi offert. « On doit absolument obtenir la validation des deux paliers de gouvernement pour continuer le processus », ajoute-t-elle.


Concrètement, avant de recruter à l’international, les postes doivent être affichés pendant un mois. Ensuite, les démarches outremer débutent.


Une fois les candidats trouvés, les délais de traitement varient selon tout ce qui peut se passer sur la planète. Une fois les documents pour l’EIMT et le CAQ envoyés, il peut s’écouler de deux à six mois. « C’est juste pour avoir la réponse si oui ou non nos demandes sont approuvées. Pendant tout ce temps-là, le candidat attend. Nous, on attend aussi. Une fois les approbations reçues, on valide l’intérêt du candidat. S’il est toujours prêt à embarquer dans l’aventure, on avance », résumé la directrice adjointe Talent et culture.


C’est à ce moment qu’on arrive à un autre carrefour. Le candidat réside-t-il dans un pays qui a des ententes avec le Canada ou pas pour être exempté de visa. S’ils sont exemptés, ça va plus vite. Dans le cas contraire, c’est un autre processus qui débute. Le candidat doit aller au bureau de son pays pour demander un visa. Cela a pour effet de retarder le départ de deux à sept mois. « On a un cas ici où une personne acceptée en 2020 n’est toujours pas arrivée parce qu’elle attend son visa », confie la consultante.


Fairmont Le Manoir Richelieu a cependant une bonne moyenne. Sur dix candidats qui devaient arriver cette année, deux se sont désistés. « C’est de la planification à très très long terme », convient Angélique Lauzier. « On commence les démarches à l’automne pour que les travailleurs arrivent l’été suivant », dit-elle également.


Le permis de travail qui est délivré est valide pour une durée de un à trois ans selon l’emploi occupé. « Chaque année, notre équipe doit reprendre le processus. Ce sont les mêmes délais et les mêmes coûts. C’est une spirale sans fin. Dans l’attente, on doit répondre à beaucoup de questions de la part des candidats. On n’a aucun pouvoir et c’est impossible pour nous de donner un délai », ajoute-t-elle.

Le Fairmont Le Manoir Richelieu a amorcé des démarches pour recruter 16 travailleurs étrangers pour l’été prochain.

Dans la cadre du programme Jeunes professionnels, une vingtaine de travailleurs de 18 à 35 ans ont été en mesure de travailler à l’hôtel l’été dernier.

Partager cet article