Sauvetage en forêt : Les secouristes terrestres ont aussi des limites

Par Dave Kidd 11:59 AM - 17 août 2022
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Alain Gravel avoue que les interventions en milieu isolé sont de plus en plus complexes.

Une femme de 60 ans qui a demandé de l’aide pour être évacuée d’un sentier sur le territoire de la zec des Martres , au nord de Saint-Urbain, s’en est sortie d’elle-même. Il ne manquait pas de pompiers, ni de paramédicaux ou de policiers. La limite des secours terrestres a simplement été atteinte et le seul hélicoptère disponible partait de la base de Trenton en Ontario.

L’histoire s’est déroulée le samedi 6 août et elle s’est heureusement bien terminée. La sexagénaire a été en mesure de sortir de la forêt par ses propres moyens. Elle a été conduite par ambulance à l’hôpital après avoir passé cinq heures dans le bois.


L’appel est entré au Service sécurité incendie de Baie-Saint-Paul vers 16h30. « Au départ, on parlait d’une femme victime d’un coup de chaleur et qui avait des nausées. Plus tard, des douleurs thoraciques et dans le bras gauche sont apparues. L’urgence n’était plus la même », commente Alain Gravel, directeur du SSI de Baie-Saint-Paul.


La randonneuse se trouvait sur un sentier entre les monts du lac l’Empêche et du Four à 7-8 kilomètres de l’entrée de la zec située le long de la route 381. Les secouristes ont été en mesure de communiquer avec elle via les ondes cellulaires pendant un certain temps.


«Avec les informations qu’on avait obtenues du service ambulancier, il fallait procéder rapidement. C’était trop loin pour envoyer huit pompiers à pied la chercher », soutient le directeur du service incendie responsable de l’équipe TNO.


C’est alors que les pompiers demandent l’intervention de l’hélicoptère de la Sûreté du Québec. Les deux appareils ne sont pas disponibles. Héli Charlevoix non plus. Les Forces armées canadiennes ont été appelées en renfort, comme cela est prévu dans le protocole en pareille situation. Un appareil de Bagotville décolle, mais il est détourné vers une autre mission, a confié un intervenant qui n’est pas autorisé à parler aux médias.


Le temps passe et finalement, un hélico de la base de Trenton en Ontario décolle pour venir évacuer la dame. Pendant qu’elle vole à son secours, la randonneuse arrive et se présente aux ambulanciers qui la prennent en charge pour la conduire à l’hôpital.


La randonneuse n’était pas enregistrée à la Traversée de Charlevoix qui gère le sentier en question. L’organisation n’a jamais eu connaissance de ce qui s’était passé. « Nous avons un plan d’urgence détaillé. Il a été fourni aux pompiers et à la SQ. Nous sommes en mesure de les supporter si nécessaire. C’est aussi la responsabilité des randonneurs d’avoir un plan et des ressources si un incident se produit », indique François Tessier, coordonnateur.

Un air de déjà-vu

En septembre 2020, les pompiers avaient marché 31 km pour réaliser un sauvetage. Depuis, ils s’en tiennent à leur mandat qui est « de conduire les paramédicaux au chevet de la victime. On en fait souvent un peu plus, mais on ne marche pas plus de 2 km. En fin de semaine dernière, nous avons simplement respecté ce qui est indiqué dans le schéma de couverture de risques en sécurité incendie», indique Alain Gravel pour qui il est hors de question de mettre en danger les membres de son équipe.


« Est-ce que ça va nous prendre un hélicoptère », lance avec ironie le chef Gravel. « TNO pour territoires non organisés. Ils portent vraiment bien leur nom », a déclaré un secouriste ,sous le couvert de l’anonymat, qui aurait bien aimé que les choses se déroulent plus rondement.


« On ne se lance pas la balle entre services d’urgence. Je ne pointe pas non plus les gestionnaires de territoires. Je ne veux pas non plus freiner les développements touristiques ou d’activités dans la nature. Cependant, les marcheurs pourraient être avisés que dépassé tel secteur, les secours peuvent être long à arriver. Des sentiers parallèles pour VTT, comme celui au Mont-du- Lac-des-Cygnes, pourraient être aménagés ce qui réduirait les délais pour intervenir », affirme Alain Gravel.


Il rappelle que le gouvernement du Québec a donné des moyens aux MRC de s’équiper pour faire des évacuations en milieu isolé, mais « que les randonneurs se rendent de plus en plus loin dans des secteurs accessibles seulement à pied ou par la voie des airs ».


« À la Traversée de Charlevoix, on conseille les randonneurs en fonction de leurs habiletés. Des numéros de téléphone sont aussi donnés. Cependant, quand les gens ne sont pas enregistrés on ne peut pas le savoir », souligne François Tessier sans parler spécifiquement de ce qui est survenu la fin de semaine dernière.


Des intervenants d’urgence qui ont voyagé se demandent encore pourquoi au Québec, les randonneurs ne signent pas de décharge ou encore avoir une assurance pour des services héliportés lorsqu’ils s’aventurent en milieu isolé.


Dans les deux dernières années, le nombre d’opérations de recherche et sauvetage a explosé sur le territoire de la Sûreté du Québec.

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