Une Charlevoisienne explore l’interconnexion entre la nature et nos émotions

Par Alexis Tanguay 11:37 AM - 7 août 2022
Temps de lecture :

L’artiste est à l’œuvre dans son atelier de la Glacière, au Domaine Forget.

Pour sa 40e édition, le Symposium d’art contemporain intègre cette année une figure locale au sein de sa rotation d’artistes de réputation internationale.

Résidente de Baie-Saint-Paul, Marilyne Busque-Dubois est avant tout poétesse, mais intègre son art lyrique à des œuvres visuelles. Elle réalisera tout au long du mois une installation intitulée Nous serons des fossiles, qui s’interroge sur l’héritage de nos états d’âmes collectifs partagés sur les réseaux sociaux, dont les traces seront préservées sur le web pour la postérité. Alexis Tanguay, journaliste au Charlevoisien l’a rencontrée pour mieux comprendre son processus de création.

AT : Qu’est-ce que cette première participation au Symposium représente pour toi?

MBD : Ça représente pour moi un gros jalon dans ma carrière, d’autant plus qu’en tant qu’artiste littéraire, je ne pensais pas que le symposium serait un jour pour moi. C’est en quelque sorte une consécration de la part du milieu artistique, qui me soulage de mon « syndrome de l’imposteur », puisque j’ai maintenant l’impression de faire partie de toute une communauté d’artistes contemporains.

En plus, la formule d’un symposium permet de rencontrer des gens qui s’intéressent à ma démarche artistique, pas seulement au résultat final comme c’est souvent le cas dans une exposition. Ça me laisse toujours étonnée de croiser des gens du public qui veulent savoir ce qui se passe dans ma tête. On a rarement la chance d’entrer dans l’atelier de l’artiste pour voir son cheminement de création.

AT : En tant qu’artiste lyrique, qu’est-ce qui t’a amené à intégrer les arts visuels dans ta démarche de création?

MBD : Je cherchais avant tout de nouvelles façons de présenter mes textes, de les faire sortir de la page. C’est pour moi une manière de rejoindre un plus vaste public puisque j’ai l’impression que les Québécois ne s’intéressent plus beaucoup à la lecture. Même des gens de mon entourage n’ont jamais lu mes publications! J’aime prendre les mots et les lancers sur les murs pour attirer le regard. L’intégration de ma poésie dans des lieux publics moins élitistes, comme les parcs de la SÉPAQ par exemple, est aussi une manière de démocratiser la poésie.

AT : Que peux-tu me dire de l’œuvre que tu comptes réaliser au cours du Symposium?

MBD : Le thème de cette année est l’interconnectivité. Il y a bien sur l’interconnexion issue des technologies de l’information, ce qui m’a incité à m’interroger sur ma propre utilisation du numérique. Mais dans ma démarche artistique inspirée du territoire, je suis aussi fascinée par l’interconnexion entre nos états émotionnels et la nature qui nous entoure. Nos émotions teintent notre perception du monde naturel : le bruit de la pluie qui tombe sur un lac peut avoir un sens particulier si on est triste, par exemple. Et inversement, l’observation de la nature peut susciter chez nous des états d’âme. En rédigeant mon dernier recueil Carnet brûlé du monde qui crie, je me suis immersée dans une forêt complétement brûlée et pleine de suie, et je suis devenue moi-même complètement brûlée et pleine de suie.

Mon installation au symposium représentera une cascade remplie de poésie, qui signifie à la fois l’environnement naturel et flot de l’information. J’invite le public de Charlevoix à me transmettre des photos de leurs observations naturelles au quotidien en s’inscrivant sur la plateforme web gratuite INaturalist. Tout ce qui y sera photographié dans les limites de Charlevoix me sera accessible, et inspirera les poèmes de l’installation. Mais j’invite surtout les gens à me transmettre par message leurs émotions au moment de ces observations. Parce que tout ce qu’on laisse sur Internet n’est jamais complètement effacé, les archéologues de demain auront accès non seulement aux objets qu’on laisse derrière, mais à toute la richesse du ressenti.

Pendant toute la durée du symposium, vous pouvez rencontrer Marilyne Busque-Dubois du mercredi au dimanche en après-midi, à la Glacière du Domaine Forget. Une présentation spéciale de son installation est prévue le 19 août à 16h30 au même endroit.

Partager cet article