Diane Girard, un bon coeur sur toute la ligne

Par Emelie Bernier 4:00 PM - 2 juin 2022
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Mme Girard prend la pose avec sa fille Sandra.

Diane Girard s’est mise sur son 31. Des amies sont venues l’aider à se maquiller, à se coiffer, à choisir sa tenue et à se préparer. Ce n’est pas tous les jours qu’on sort à l’Assemblée nationale…

En fait, dans le cas de Diane Girard, on pourrait même dire « ce n’est pas tous les jours qu’on sort. » Point. Diane Girard est la proche aidante de sa fille Sandra. Sandra est « lourdement handicapée ». À 40 ans, elle a besoin d’aide pour tous les aspects de sa vie. Se lever, s’habiller, se nourrir, se déplacer, se laver, se coucher. Vivre.

Depuis cinq ans, Diane ne s’est pas éloignée de sa fille pour plus que quelques heures. Ah, il y a bien eu ce petit voyage à Ottawa, entre deux vagues pandémiques, pour aller visiter le frère de Sandra et ses deux enfants à Ottawa.

«Je suis partie le vendredi et la deuxième vague est arrivée. Ils ont tout fermé. Je n’ai même pas pu rester. Mon fils m’a ramenée le lendemain pour faire changer mon billet pour que je puisse revenir avant que les transports ferment… J’ai eu une nuit de congé. Ça faisait cinq ans sans vacances», explique Diane Girard. Elle n’est pas amère. L’amertume ne fait pas partie de son vocabulaire… Ou si peu. On y reviendra.

C’est à l’invitation de la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré Émilie Foster que Diane Girard s’est rendue à l’Assemblée nationale le 24 mai. La députée tenait à souligner l’empathie et la générosité de Mme Girard. Parce qu’elle s’occupe au quotidien et depuis quatre décennies de son enfant hypothéquée? Ça aurait pu être ça, mais non.

La présentation d’Émilie Foster résume bien pourquoi Diane Girard a été saluée. Pourquoi l’écrire autrement?
«Depuis le début de la pandémie, Mme Girard vit une drôle de situation. Plusieurs fois par jour, des citoyens qui tentent de rejoindre la ligne d’information sur la COVID 19 composent son numéro par erreur. Son numéro est à quelques chiffres prêts similaire de cette fameuse ligne. Plusieurs auraient trouvé cette situation agaçante.

Cela dit, Mme Girard n’est pas une femme comme les autres. Elle répond à ces appels, prend le temps de parler aux gens, les redirige vers les bonnes ressources, leur transmet les informations, et dans certains cas, se charge de prendre les rendez-vous pour la vaccination et le dépistage. Elle fait tout ça depuis deux ans tout en demeurant au chevet de sa fille lourdement handicapée. Elle le fait fièrement voyant ça comme une humble contribution à la lutte contre le virus. »
Voilà ce qui a valu à Mme Girard un petit voyage sur la colline parlementaire à Québec… et bien des émotions.
« J’ai été surprise quand on m’a appelée pour rencontrer Mme Émilie Foster… J’ai dit au monsieur au bout du fil : «écoute-moi bien, si c’est une blague, je la trouve pas drôle! Je ne pensais pas que c’était sérieux, il y en a, des tours qui se jouent au téléphone… » Mais ledit monsieur lui a assuré que tout cela était bien réel.

La belle aventure

Aller quelques heures à Québec peut sembler simplissime pour la plupart des gens, mais pour Diane, dont dépend sa fille Sandra pour à peu près tout, il s’agit d’un casse-tête. Et c’est là que le réseau entre en scène. «Ma sœur Johanne est venue coucher lundi soir. Anne-Marie Desjardins, l’intervenante qui vient régulièrement m’aider, a donné un coup de pouce. Mes voisines aussi. J’avais toute une équipe! Une m’a apporté des boucles d’oreilles, l’autre a vérifié si mes cheveux étaient beaux, mes amies m’ont aidée avec ma tenue… Tout le monde m’a accompagnée là-dedans! », lance Diane Girard, reconnaissante. Puis elle est partie à Québec. Au parlement, Émilie Foster lui a rendu hommage. Et les applaudissements ont fusé.

Diane Girard avec la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré Émilie Foster. Source: Facebook de la députée.

«Je n’oublierais jamais ce moment! C’est toute une expérience qu’on vit seulement une fois dans notre vie. Je suis tellement reconnaissante d’avoir été remerciée pour quelque chose que j’ai fait naturellement, sans me poser de questions. Si c’était à refaire, je le referais » dit-elle.

Parce que son numéro n’a que deux chiffres de différence avec celui de la ligne Info-Covid, elle a reçu plus de 200 appels depuis le début de la pandémie. Et ça continue. «Il y a le quatrième vaccin qui est commencé. Des fois, je viens de m’assoir, ça fait cinq minutes et le téléphone sonne. Ça marque toujours numéro inconnu et je me dis c’est peut-être mon fils, une urgence… Alors je réponds ! »

Même si elle précise d’emblée que le numéro est erroné, plusieurs interlocuteurs demeurent accrochés au bout du fil. «Les gens me demandent si je peux les aider. On pense que ce sont des personnes âgées, mais il y a des jeunes aussi. Je les aide. J’ai tellement fait de téléphones pour prendre des rendez-vous de vaccination… Si j’avais un dollar pour chaque appel, je serais riche! » rigole-t-elle.

Diane Girard, ici avec sa fille Sandra, tenait à avoir une photo avec le maire de La Malbaie, MichelCouturier. Celui-ci s’est empressé d’acquiescer à sa demande. «Je suis content que la députée Émilie Foster ait eu la délicatesse de souligner le travail dans l’ombre de Mme Girard, une citoyenne que je connais bien», a lancé le maire.

Mais pourquoi ne pas simplement raccrocher?

« Chez nous, on était une très grosse famille de 12 enfants et j’ai toujours vu mon père et ma mère aider les voisins, les voisines. On a été élevé dans cette génération-là, à aider sans rien demander en retour. Avec ma fille handicapée lourdement, j’ai appris à faire mes choses par moi-même sans rien demander sauf si je suis vraiment mal prise. Je me dis que ceux qui me demandent de l’aide, c’est parce qu’ils en ont besoin », poursuit Diane.
Si elle répond toujours de bon cœur, Diane ne cache pas avoir hâte de « passer à un autre appel ». «C’est quasiment une ligne d’entraide! Je vais être honnête, j’ai un peu hâte que ça finisse. J’ai ma fille, je reste à la maison et je m’occupe d’elle. Des fois, la ligne sonne et les gens se mettent à parler longtemps. Je dois leur dire que je suis occupée. Ils me disent « ça nous a fait plaisir de parler avec vous ». Il y a des personnes qui sont seules, qui ont besoin de parler à quelqu’un. C’est un petit cinq minutes qui fait du bien… »

Elle espère que son attitude en inspirera d’autres. « Si beaucoup de gens voient ce que j’ai fait, peut-être que ça donnera l’envie à d’autres d’aider? Juste prendre le temps de parler à une personne âgée, ça peut faire toute la différence …»

Pas d’amertume, mais …

Si heureuse soit-elle d’avoir vécu cette journée de rêve dans la capitale, Diane Girard ne peut s’empêcher de remarquer que sa vie quotidienne ainsi que celle de milliers de proches aidants mériteraient également les applaudissements, voire les encouragements. «Je vais être franche. J’ai adoré être récompensée pour avoir aidé les gens qui en avaient besoin et je ne l’oublierai jamais, mais j’aurais aimé être reconnue comme proche aidante », dit-elle simplement.
Tient-on trop pour acquis les milliers de parents qui, comme elle, s’occupent de leurs enfants à temps plein, avec une dévotion et une abnégation sans borne?

« Durant la pandémie, ils ont aidé tout le monde, les personnes âgées, les travailleurs, c’est correct, mais jamais ils ont dit « on va aider les aidants naturels » qui en ont vraiment besoin », dit-elle. Elle pense à sa vie dédiée à Sandra, oui, mais aussi à celle de sa sœur qui prend soin de leur mère et à celles de nombreux amis.

Diane n’est pas amère ou si peu. «Je suis sur l’aide sociale parce que je ne peux pas travailler. Le budget arrive serré … Si j’étais famille d’accueil pour ma fille, je serais vraiment mieux rémunérée. On est toujours obligée de se battre pour avoir de l’aide, du répit … Mais c’est mon enfant, je l’aime. Tant et aussi longtemps que j’en aurai la force, je vais m’en occuper. »

Mme Girard, chapeau bas. Tout ça vaut bien plus que des médailles et des certificats.

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