Chronique : Le printemps est à nos portes, les corneilles sont arrivées

Par Michel Paul Côté 7:00 AM - 3 avril 2022
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La corneille est facilement reconnaissable, mais difficile d’approche.

Nous sommes tous familiers avec la corneille d’Amérique. Elle fait partie du paysage ornithologique québécois depuis toujours. Lorsque j’étais jeune, l’oiseau noir était abondamment chassé par les cultivateurs car l’espèce possède la fâcheuse habitude de dérober le maïs dans les champs, et de dévorer au passage les jeunes poussins qui s’aventurent un peu trop loin du poulailler.

Les légendes anciennes associaient souvent l’oiseau au mal, Disney et Hitchcock ont définitivement contribué à maintenir ces préjugés bien présents.


Son plumage, entièrement noir, avec l’œil et le bec également noirs, ont probablement prédestiné la corneille au rôle qu’elle occupe dans notre imaginaire.


Pourtant, la réalité est bien différente.


Elle nous revient vers la fin de mars, car une grande partie de la population migre pendant l’hiver vers le Sud des États-Unis et le Mexique. Son arrivée ne passe pas inaperçue.


La corneille se déplace en bande pendant la période de migration. Et le groupe est nombreux et très bruyant. Il est constitué d’un couple reproducteur, uni pour la vie, accompagné des rejetons des deux années précédentes, parfois de neveux et nièces. Le tout forme une équipe très bien rodée, où chaque individu se voit confier un rôle bien précis. Il y a l’éclaireur, le guet, ceux qui aident à construire le nid, ceux qui défendent le territoire. Tous contribuent à nourrir la femelle lors de la période de couvaison qui dure environ 18 jours.


Les petits, particulièrement laids, sont nourris grâce à un aller-retour incessant de tous les membres du groupe. Après quelques semaines, une fois les petits devenus autonomes, le groupe se disperse et devient très discret pendant l’été. C’est la période de la mue.


L’automne arrivé, les bandes se retrouvent, forment parfois d’immenses regroupements dans des dortoirs qui peuvent compter des dizaines de milliers d’individus, facilement observables. Puis, un matin d’automne, les corneilles nous ont quittés.


La corneille est intelligente, très intelligente. Elle a rapidement appris à se méfier de l’homme. Elle demeure très près, mais distante. Elle nous observe sans cesse, et n’hésite pas à fréquenter une mangeoire, un jardin, un dépotoir, lorsqu’elle juge que l’endroit est sécuritaire.


Les différents moyens inventés par l’homme pour faire fuir la corneille constituent une insulte à leur intelligence. La corneille, comme le faisait remarquer Claude Mélançon dans son bouquin Charmants Voisins, sait très exactement à qui appartenait chaque pièce de vêtement qui habille maintenant l’affreux et ridicule épouvantail installé au jardin…


Les études récentes ont démontré que la corneille est un des seuls animaux qui peut utiliser des «outils» pour arriver à ses fins, notamment prendre un petit bâton pour aller dégager de la nourriture coincée au fond d’un contenant.


Les corneilles élevées en captivité au temps des romains (maintenant strictement illégal) constituaient jadis des animaux de compagnie appréciés, attachants, fidèles, imitateurs, pouvant apprendre et répéter des mots, compter jusqu’à dix, avec un tempérament espiègle.


La corneille aime jouer. Un bout de bâton suffit à divertir la bande. Un oiseau s’envole avec le bâton, poursuivi par les frères et sœurs. Le bâton tombe au sol pour être aussitôt récupéré par un autre oiseau qui s’envole à son tour, puis le laisse retomber. Cela peut durer fort longtemps… Il suffit d’observer, à distance.


La corneille déteste les chouettes, buses et hiboux et leur livre un combat incessant. Les éclaireurs découvrent rapidement le Grand-Duc qui dort sous le couvert d’un grand conifère et le chassent sans pitié hors de leur territoire.


L’alimentation de la corneille est celle d’un rapace. Poisson, petits mammifères, oisillons, maïs, et évidemment carcasses le long de nos routes.


Ainsi, ce matin, une bande de corneilles s’est installée autour de la maison, comme à chaque printemps. Il s’agit sûrement de la même bande. Leurs cris étaient matinaux, très matinaux…! Mais le plaisir que l’observation de ces oiseaux intéressants me procurera pendant les prochaines semaines vaut bien quelques minutes de sommeil.


Bonnes observations.

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