L’ambulance a besoin de l’ambulance

Par Dave Kidd 12:05 PM - 29 mars 2022
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On ne peut plus prétendre que les paramédics de Charlevoix réclament de nouveaux horaires pour améliorer leurs conditions de travail. C’est tout leur système qui tombe en ruine au point que s’il devait appeler l’ambulance, je ne suis pas certain qu’il serait transporté!

Ça fait un bon moment que je couvre ce qui se passe dans le milieu ambulancier. Le préhospitalier, comme on dit au ministère de la Santé et des Services sociaux.


En début de carrière, j’éprouvais de l’émerveillement à écouter les paramédics relater ce qu’ils avaient accompli durant un appel. La complexité de leur travail me fascinait. J’en ai posé des questions sur ci et ça et « c’t’affaire-là ».


De l’admiration pour les récits concernant une réanimation réussie, j’en ai eu aussi. Ils sont formés et payés pour ça. Je vous l’accorde. Sauver une vie, on s’entend pour dire que c’est tout sauf banal.


J’ai pris aussi un malin plaisir à les taquiner en leur disant que « j’aurais bien aimé ça être payé pour dormir dans la cour du centre d’achat moi aussi ». Rassurez-vous, ils me le rendaient, et en bien pire selon les individus.


Ce n’est plus vraiment comme ça que ça se passe. Les hommes et les femmes qui revêtent l’uniforme avant de monter dans le camion jaune ne s’amusent plus beaucoup. Plus du tout dans certains cas. Ils ne négligent rien en termes de soins à leurs patients. Ce sont des professionnels. Disons que leur joie de vivre en a pris un coup.


Ça ne paraît pas lorsqu’ils interviennent. Jamais ils ne prendront la pression d’un patient en lui disant : «tout est beau pour vous, Monsieur, mais nous, on en arrache pas à peu près. Ça fait déjà 30 heures que je passe dans la boîte et je suis tanné!»


Une chance qu’ils ont encore la passion. Les problèmes auraient été encore bien plus grands.


Cette passion-là vient aussi avec des conjoints/conjointes qui sont des veufs/veuves de l’ambulance. Je ne connais pas grand monde qui aime annuler à la dernière minute une activité avec chéri (e) et les enfants. Une annulation, ça peut passer, mais quand à la maison on commence à parler de la cri… d’ambulance, ça finit par atteindre le moral.

Tout ce monde-là est payé. Bien payé après un certain nombre d’années. Même si le temps supplémentaire est presque devenu la norme, le temps et demi n’est pas tellement intéressant quand tu ne peux pas en profiter.

Note au ministre de la Santé et des Services sociaux : le service a été continu parce que les paramédics de Charlevoix ne voulaient pas qu’un camion ferme pour éviter d’avoir à vivre avec le fait qu’un de leur parent ou celui d’un de leurs amis ait besoin d’une ambulance sans l’avoir.


Ils ont préféré jouer avec leur santé pour éviter des souffrances à d’autres.


En d’autres mots, ils ont le cœur à bonne place. Il vient un moment donné où ça ne suffit plus. On l’a vu. Des véhicules sont demeurés dans les garages. En moins de trois semaines, trois ambulances sont ainsi restées clouées sur place.
« L’élastique a cassé », comme le rappelle le syndicat.


On a beau parler de critères, de politique, de dossiers, de données, de représentations et même d’élections pour régler la question des horaires de travail. C’est anormal un pareil labyrinthe lorsqu’on sait qu’au CIUSSS de la Capitale-Nationale, la personne aux finances connaît le montant versé en heures supplémentaires aux paramédics de Charlevoix.

Différentes sommes circulent. Celle qui revient le plus souvent est 400 000$ par année. C’est la moitié du coût de conversion d’un horaire de faction en horaire à l’heure.


Le CIUSSS a déjà approuvé la conversion de certains horaires. Le hic, c’est que le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas dit oui. Pas encore.


La refondation du système de santé qui devait être présentée le 29 mars contenait-elle une bonne nouvelle ?

Quoi qu’il en soit, les horaires de travail de faction sont aux paramédics ce que le fax est aux hôpitaux !
La situation qui se vit ici n’est pas mieux ailleurs. Les problèmes du réseau de la santé ont ceci de particulier : ils sont les mêmes partout.


Les infirmières ont multiplié les cris du cœur. Des gains ont été obtenus, mais tout n’est pas encore réglé. Le fameux temps supplémentaire obligatoire ne s’est pas effacé comme par magie. On me raconte des choses concernant les congés et vacances et je n’en reviens pas!


Bien sûr que je vais faire un raccourci vers L’Isle-aux-Coudres pour parler de la Société des traversiers du Québec qui a dû laisser un bateau à quai à deux reprises, faute de matelots disponibles. Ça aussi, ça n’a pas de sens. C’est le seul lien. C’est le prolongement de la route. La liste des membres du personnel est courte. OK. Mais la situation ne doit pas remonter à mars 2022. Je ne dis pas que la STQ ne fait rien. Cependant, on aurait sans doute pu agir avant.


Je reviens à l’ambulance. La bonne nouvelle pour les horaires va arriver en cette année électorale. Un communiqué de presse serait sans doute la meilleure façon de l’annoncer. Je n’enlève rien à la députée Émilie Foster qui s’est démenée et brasse encore pour obtenir des améliorations. Je ne la protège pas, mais dans ce dossier, je peux vous affirmer qu’elle a plaidé jusqu’au premier ministre.


C’est bien plate pour elle, mais le temps a fini par anéantir l’annonce. Il y a surement un média qui écrira que la conversion des horaires est une bonne nouvelle. Avec des paramédics épuisés depuis des mois et des camions gelés dans les garages , le changement d’horaire ne sera rien de plus qu’une main tendue pour empêcher une personne de se noyer.


Le Charlevoisien va titrer : Québec a fini par comprendre…

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