Les dernières pêches à la fascine québécoises pourront-elles pêcher le capelan à temps?

Par Emelie Bernier 7:00 AM - 18 mars 2022
Temps de lecture :

Julie Gauthier. Archives

La pêcheuse à la fascine Julie Gauthier et son homologue Robert Mailloux de L’Isle-aux-Coudres attendent toujours le changement de date qui les autorisera à capturer du capelan dès le mois d’avril, mais Pêches et Océans (MPO) Canada tarde à émettre le permis, ce qui pourrait compromettre la saison de pêche, voire même l’avenir de son entreprise dans le cas de Mme Gauthier des Pêcheries Charlevoix.

«Si le début de la pêche devait être retardée au premier juin, je perdrais environ 37, 5% de mon chiffres d’affaires annuel», résume Mme Gauthier. Elle attend de pied ferme une autorisation de la part du MPO… depuis bientôt  un an!

« En 2021, le 9 avril, nous avons fait une demande officielle à Pêches et Océans Canada pour pouvoir pêcher en avril. Avec les réchauffements climatiques, les printemps plus hâtifs, il faut être prêt quand ça passe! Ils n’ont pas pu nous l’accorder l’an dernier, mais on nous a dit que ce serait révisé pour 2022.»

Elle est donc littéralement « tombée en bas de sa chaise », quand elle a appris que la réunion de consultation annuelle entre le MPO et l’industrie de la pêche préalable à l’émission des permis aurait lieu en mai. « La date statuée qui est dans l’air pour qu’on puisse commencer à pêcher le capelan serait le premier juin. On pourra pêcher l’éperlan, le corégone avant, ça n’a aucun sens », lance Mme Gauthier qui, d’ailleurs, n’a jamais été convié à ces réunions pour y faire valoir son point de vue.

Les prises de capelan des deux pêches à la fascine de Charlevoix sont minimes, soit environ 0,027% du total autorisé dans la zone 4 ST qui inclut l’estuaire du Saint-Laurent. Le capelan n’est pas une espèce en péril.

« Il serait très étonnant que deux fascines dans l’estuaire viennent affecter les stocks au point de faire diminuer la population de capelan de façon importante » , a d’ailleurs commenté, en entrevue à Radio-Canada, le biologiste et directeur de la Chaire de recherche sur les espèces aquatiques exploitées de l’Université du Québec à Chicoutimi, Pascal Sirois.

Les deux pêcheurs de Charlevoix comptent sur le soutien de la députée Caroline Desbiens, porte-parole des Pêches et Océans dans le cabinet fantôme du Bloc québécois.

« La ministre a tout ce qu’il faut pour prendre une décision de façon ponctuelle et temporaire en attendant une consultation avec nos pêcheurs à la fascine.  Les scientifiques sont en accord, la ressource n’est pas en danger!  Nous sommes en contact constant avec le cabinet de la ministre et nous espérons toujours qu’elle autorise la pêche au 1er avril.  Il ne manque qu’une signature.  On sent l’appui de la population et on invite les citoyens à le manifester à la ministre pour démontrer leur appui.  Je n’accepterai pas qu’une partie de notre patrimoine meure et que Charlevoix perde deux entreprises locales en raison d’une simple formalité administrative qui ne colle pas à la réalité du territoire!», commente d’ailleurs la  députée Beauport-Côte-de-Beaupré-Île d’Orléans-Charlevoix. 

Campagne de soutien Moi, je roule en avril

La mobilisation citoyenne qui s’organise, Moi je roule en avril, réjouit Julie Gauthier. « On est vraiment content de ce qui se passe. Un soulèvement populaire, c’est la plus belle chose qui pouvait arriver.  C’est important, ici, le capelan, pas juste pour Robert Mailloux et moi qui avons les deux dernières pêches à la fascine du Québec, mais pour la communauté! S’il n’y a plus de pêche au capelan, c’est un gros morceau de la tradition qui part… », dit-elle.

Depuis les débuts de l’entreprise, les investissements de Pêcheries Charlevoix sont de l’ordre de 320 000$. La viabilité financière dépend de l’ouverture de la pêche à temps, soit durant la période de fraie du capelan.

« On souhaite avoir une saison qui ne tient pas en une semaine pour éventuellement pouvoir être rentable, avoir un salaire, et maintenir ce patrimoine qui s’inscrit totalement dans les principes de la pêche durable », conclut Mme Gauthier.

Lettre ouverte du Comité Sauvons la pêche à la fascine

Le Comité de citoyens de Charlevoix Sauvons la pêche à la fascine a appris récemment l’intention de Pêches et Océans Canada de réduire la période annuelle de pêche à la fascine pour la faire débuter seulement au 1er juin.

Cette décision rendrait pratiquement impossible le maintien en vie des rares entreprises familiales encore en opération au Québec dont deux se retrouvent dans Charlevoix : Pêcheries Charlevoix de Saint-Irénée et Les pêches Robert Mailloux de L’Isle-aux-Coudres.

Nous sollicitons l’appui de la population de la région pour le succès de la campagne de revendication Moi je roule en avril lancée lundi. Nous mettons en vente plus de 20 000 petits capelans en carton plastifié au prix de 2 $, un geste d’appui pour les producteurs.

Une pétition sera envoyée aux parlements canadien et québécois leur demandant deux choses soit le maintien au 1er avril de la date de début de la pêche à la fascine au Québec et leur appui pour que cette pêche soit inscrite au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO.

Chaque petit capelan plastifié portera un code QR qui dirigera son utilisateur sur la page Facebook Moi je roule en avril pour la cause. Vous trouverez également sur cette page Facebook les endroits où acheter votre petit capelan plastifié. Nous tiendrons informée la population de l’évolution de la campagne.

Daniel Laforest au nom du Comité de citoyens de Charlevoix Sauvons la pêche à la fascine
Les Éboulements

Partager cet article