La dérive des quais

Par Dave Kidd 4:58 AM - 10 mars 2022
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Les maires de Baie-Saint-Paul, des Éboulements et de L’Isle-aux-Coudres sont tombés dans le piège du gouvernement en répondant rapidement au projet de reconstruction des quais. On joue encore dans le film « chicanez-vous, pendant ce temps-là vous ne demanderez rien », une version adaptée de diviser pour mieux régner.

Il n’y avait aucune urgence à se prononcer même si les sociétés gouvernementales qui pilotent le dossier avaient fixé une échéance pour prendre le pouls. Je comprends le maire Christyan Dufour qui s’est empressé de prendre le crayon et de coucher sur sept pages des arguments en faveur de nouveaux sites pour les deux quais. Son rêve de pouvoir dire à sa population «on va sauver du temps» avec une traverse plus rapide est légitime.


Mais, de là à dire que la survie de l’endroit se joue, je demeure sceptique. Je ne vois pas le spectre d’une grande menace planer au-dessus de l’île. Elle a ses forces et ses points à améliorer comme La Malbaie, Baie-Saint-Paul et tous les autres endroits. Les pommes ne seront pas plus juteuses dans les Vergers Pedneault avec une traverse plus rapide et une aire d’attente sur une surface plane.


J’habite sur le continent. On me l’a dit souvent « tu ne peux pas comprendre, tu ne viens pas de l’île ». Mettons que vous avez raison et que mes connaissances de la réalité insulaire sont nulles. Vous conviendrez avec moi que dans ce projet, les avantages sont chez vous et les inconvénients de notre bord. Vous admettrez aussi que de s’établir sur une île comporte des avantages et des inconvénients. Au final, c’est un choix de vie.


Je ne suis pas contre le déplacement des quais. Bien au contraire. À la limite, on ferait un tunnel que je serais en faveur aussi. En fait, je serais plus favorable à un tunnel qu’à refaire deux quais. Je le sais que ça n’arrivera pas. Reste que ça ferait tout un projet. « Think big », comme disait le coloré personnage dans un populaire film de Falardeau.


Je ne suis pas le plus « vert », mais je comprends ceux qui ne veulent rien savoir de la construction d’une route au bas de la montagne. On ne pourra quand même pas se déplacer en tapis volant si le quai est déplacé. Il va falloir faire passer la route quelque part. À quel endroit? Bonne question, même si les options sont minces.


Donc les maires ont rédigé des listes d’épicerie : je veux ci, je suggère ça, ajoutez ça svp. On ne veut pas ça. Protégez l’environnement, consultez-nous, etc. Bravo, c’est exactement ce que voulait le gouvernement. Une belle petite chicane qui divise. Pendant ce temps-là, on ne demande pas si tel dossier progresse. On ne demande rien.


Rappelez-vous « l’excellent comité des 5 » qui se réunissait les mardis soir pour suggérer au gouvernement de construire un hôpital ou deux hôpitaux alors qu’il fallait démolir celui de Baie-Saint-Paul. Aucun consensus n’est sorti de là. On connaît la suite de l’histoire et les légendes urbaines qui entourent les annonces gouvernementales du temps. La plus célèbre veut que le ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque, Yves Bolduc, soit parti de Québec avec une annonce pour un seul hôpital et qu’en chemin un appel lui commandait d’en confirmer deux. C’est d’ailleurs ce qu’il a annoncé.


Avec le projet de reconstruction des quais, les maires concernés et à la limite les deux MRC avaient une belle occasion de dire : un instant. Vous voulez notre avis, parfait on va le donner quand vous nous aurez présenté autre chose qu’une somme de 4 M$ pour une étude d’opportunité. On vous répondra quand on aura du concret.


Je considère qu’on s’est dévêtus un peu rapidement dans le contexte. L’attrait des 150 M$ fait saliver, mais il va falloir quand même vivre ensemble après que les quais soient déplacés ou pas.


La route d’accès du site Cap au Diable est le point faible du projet. Tout le monde le sait. C’est ça qui est présentement l’enjeu principal. Ce n’est pas l’option qu’un seul bateau soit suffisant avec deux quais déplacés vers l’ouest. Non. C’est «touche pas au Cap aux Corbeaux» qui a pris le plancher. On est pas mal loin de la cible du départ.


Mais non. Vite il faut sortir dans les médias. Tout ce que cela a donné est de mieux identifier ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le projet. Quand bien même l’idée avancée par deux personnes pour améliorer la traverse aurait été la plus brillante du monde, il y en aura toujours qui seront défavorables. Du pas dans ma cour, il y en aura. Est-ce qu’un consensus sera suffisant pour donner le go à ce projet ? Je l’ignore.


Il faut définitivement qu’il y ait un débat. Des questions et des enjeux doivent être adressés d’une manière rationnelle. On veut tous que L’Isle-aux-Coudres soit dans le coup, mais à quel prix. C’est ce qu’il faut déterminer.


En cette année électorale, ce projet deviendra un enjeu. J’ai déjà hâte à la première conférence de presse de chaque candidat pour leur demander : les quais de la traverse ont fait quoi avec ça? « Je préfère attendre l’étude avant de commen-ter », dira-t-on. Merci pour votre réponse.


J’ai une autre question. Êtes-vous favorable à l’aménagement d’une route qui longe le fleuve entre Cap au Diable et Baie-Saint-Paul?


Tant pour les insulaires que pour le reste de la population de la région, il sera important de savoir où loge la personne qui nous représentera à l’Assemblée nationale.

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