Eau potable : c’est la fin du bar ouvert à La Malbaie

Par Karine Dufour-Cauchon 5:00 AM - 19 janvier 2022
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La Malbaie a beau offrir des vues impressionnantes sur le fleuve Saint-Laurent, il n’en demeure pas moins que son approvisionnement en eau potable présente plusieurs défis. La surconsommation, le développement et les conditions climatiques sont des facteurs qui poussent la Ville à adopter de nouvelles mesures.

L’eau potable, cette ressource qu’on a cru si accessible, devient de plus en plus difficile à emmagasiner. C’est un des constats de la Ville de La Malbaie, qui ne veut pas en manquer question de pouvoir continuer son développement.
Si les précipitations et la recharge des nappes phréatiques sont laissées au bon vouloir de dame Nature, la demande, elle, ne fléchit pas. La pression est importante en période estivale alors qu’en plus des particuliers, les établissements commerciaux fonctionnent à plein régime.

La Malbaie veut s’attaquer aux surconsommateurs. Elle compte faire les choses dans l’ordre. Première étape : mesurer quelles sont les quantités utilisées pour répondre aux besoins quotidiens des Malbéens et de leurs visiteurs. Les gestionnaires des infrastructures publiques connaîtront la réponse à la minute près dans les prochains mois. La technologie leur permettra de tout voir en quelques clics.

Marie-Catherine Bégin-Drolet

Pour en arriver là, des antennes cellulaires seront installées sur les compteurs d’eau de bâtiments ciblés du territoire. Un dispositif sera branché au compteur d’eau et relaiera les données en temps réel.

La Ville précise que la surveillance exercée ne vise aucun particulier. Les commerces, les institutions et les industries sont «les grands consommateurs» qui verront leur consommation d’eau calculée plus précisément à l’hôtel de ville.

«Ce système permettra d’identifier les fuites et les pertes. Si on décèle qu’il y a une consommation constante par exemple durant la nuit, on va pouvoir le savoir», précise Marie-Catherine Bégin-Drolet, directrice des infrastructures urbaines et de l’environnement à la Ville de La Malbaie.

Depuis 2019, 235 compteurs ont été installés. 54 autres le seront. La pandémie a freiné leur déploiement : les employés de la Ville ont limité les visites chez les citoyens et commerces du territoire. Les propriétaires de six résidences peuvent encore demander un compteur d’eau à la Ville s’ils le désirent. Les données récoltées serviront seulement à des fins statistiques.

315 000$ pour trouver de nouvelles sources d’eau


La Malbaie veut trouver de nouvelles sources pour abreuver les citoyens d’aujourd’hui et de demain. De nouveaux réseaux de puits devront s’ajouter aux six qui alimentent présentement le territoire vaste et éclaté de la ville. Une enveloppe de 315 000$ du budget 2022 est allouée à l’embauche de professionnels pour chercher ces nouvelles «mines d’or bleu».

La première étape vise à engager des spécialistes qui, grâce à l’étude des cartes de dépôt rocheux du territoire, évaluent la composition du sous-sol et si une source s’y trouve.
La Malbaie souhaiterait idéalement creuser dans des secteurs dont elle est déjà propriétaire, mais n’exclut pas de sortir de ses limites territoriales s’il le faut.

Au mois d’août 2021, il était interdit d’arroser sa pelouse à La Malbaie

Michel Couturier, maire, estime que c’est un passage obligé pour développer davantage la Ville et créer de nouvelles zones habitables. «Si on prenait une photo actuellement, nos provisions en eau pourraient suffire. Mais il y a aussi un phénomène de développement. Pour ce faire, avant d’avoir un permis du ministère des Affaires municipales et de l’Environnement pour agrandir notre périmètre urbain, il faut aussi s’assurer que l’on est capable de fournir les services de base et entre autres, de l’eau», décrit-il.

Ce n’est probablement pas cette année ni dans la prochaine qu’un nouveau puits sera creusé. «C’est quelque chose qui peut durer plusieurs années avant d’être fonctionnel et disponible», nuance Mme Bégin-Drolet.

L’eau qui est entreposée dans les puits municipaux n’est pas de l’eau de surface. Des puits souterrains naturels, alimentés par la nappe phréatique, remplissent les réserves municipales. L’eau y est puisée puis traitée au chlore pour la rendre consommable. Au printemps, la fonte des neiges contribue à entreposer de l’eau.

Les gourmands facturés… pas avant 2024

La Malbaie s’inspire de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable pour apporter d’éventuels changements à la tarification du service.

Si les élus optent pour une hausse, celle-ci n’entrera pas en vigueur avant l’année prochaine. Des questions demeurent en suspens pour le conseil de ville.

Ce nouveau tarif sera à la discrétion de la municipalité, mais la réforme suivra les grands principes de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable. Par exemple, les 500 premiers mètres cubes pourraient être sans frais supplémentaires. Ensuite, des paliers pourraient être établis en fonction du dépassement.

À court terme, «on n’en est pas là», soutient le maire Michel Couturier.
La stratégie québécoise prévoit que pour les municipalités qui ont installé leurs compteurs, comme La Malbaie, il doit y avoir une mise à jour de la tarification volumétrique dans la réglementation.

«Le sujet spécifique de la tarification n’a pas été discuté encore à la table du conseil, mais ce sont des décisions qui devront se prendre», ajoute le maire.

Des politiques se développeront à long terme, mais c’est sûr et certain que les surutilisateurs d’eau doivent s’attendre à devoir payer un coût supplémentaire. […] On a eu des discussions au conseil, mais on s’est surtout conformé à la politique provinciale pour l’instant. On installe nos unités de mesure. Pour la suite, nous allons être assistés là-dedans, nous allons nous conformer aux orientations du gouvernement. [L’objectif], ce n’est pas de surcharger le citoyen ni de lui faire payer sa consommation d’eau. C’est plutôt de les rendre un peu plus consciencieux.

Michel Couturier, maire de La Malbaie

La Malbaie entend définir ce qu’est une utilisation normale de la ressource. Le calcul sera probablement ventilé par unité résidentielle ou commerciale.

À court terme, les citoyens et commerçants peuvent donc s’attendre à plus de sensibilisation et des restrictions en été si la situation venait à le justifier.

On ne peut pas penser que l’eau est une ressource illimitée et gratuite. La Ville va continuer la sensibilisation sur la consommation d’eau potable afin qu’elle devienne efficiente et responsable. […] L’eau potable alimente les gens, mais elle est aussi utilisée pour éteindre des feux. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation où l’on manquerait d’eau pour éteindre un incendie. Il y a aussi cet enjeu de sécurité publique auquel il faut réfléchir.

Marie-Catherine Bégin-Drolet, directrice des infrastructures urbaines et de l’environnement

Une fois qu’elle aura statué sur sa réforme, La Malbaie pourrait dès la première année envoyer une facture fictive aux contribuables concernées.

«Voici ce que vous avez consommé, voici ce que ça va vous coûter dès l’année prochaine si votre consommation ne change pas. C’est une suggestion du ministère. Nous en avons discuté au conseil, mais nous n’en sommes pas là», termine le maire.

Ce dispositif à technologies cellulaires collectera les données sur les compteurs d’eau. Plus besoin de déployer des ressources humaines sur le terrain pour relever manuellement les données avec ce gadget.

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