Les vaccinés. Et les autres.

Par Emelie Bernier 4:10 PM - 28 septembre 2021
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« Salut, ça va? Es-tu vacciné?» Il y a un an, il ne nous serait jamais venu à l’idée de s’enquérir d’entrée de jeu du statut vaccinal de nos vis-à-vis. Voilà une autre chose que cette damnée pandémie a changé…

Aujourd’hui, il y a les vaccinés et les autres. Ceux qui attendent. Qui n’y croient pas trop. Qui n’ont pas envie de se faire injecter n’importe quoi dans le système.

Ceux qui, au nom de leur liberté de choix, de leurs convictions ou de leurs craintes, disent non à ce qui apparaît comme une évidence à une grande proportion de leurs semblables.
Et non, ce ne sont pas tous des Maxime Bernier ni des conspirateurs illuminés.

J’ai quelques amis très sensés qui ne sont pas vaccinés. Pour être bien honnête, j’ai moi-même eu mes réserves avant de me ranger du côté de Christian Dubé, de Horacio et de leurs ouailles. J’ai douté, oui, mais qui ne doute pas? Au final, je suis bel et bien détentrice du passeport vaccinal qui me permet de voyager (décelez ici une pointe d’ironie).

Le choix des antivaccins a des impacts sur l’immunité collective, mais pourquoi le font-ils?

« Chez les personnes qui refusent la vaccination, il y a de grands thèmes récurrents. La peur des effets secondaires est le plus fréquent. Il y a aussi l’incertitude quant à la sécurité des vaccins, le manque de confiance envers les autorités de santé ou le système, la non-perception des risques liés à la maladie ̶ il y a encore des gens qui pensent que la COVID-19 n’existe pas! ̶ Le manque de connaissances et d’information sur le fonctionnement des vaccins, et aussi la désinformation. Sans oublier ce qu’on appelle «l’infodémie », soit l’abondance d’information, qui est souvent contradictoire, ce qui génère de l’anxiété », avance le professeur du Département de pédiatrie de l’Université Arnaud Gagneur, chercheur au Centre de recherche du CHUS.

Les études tendent à confirmer que « la grande majorité des personnes qui hésitent à se faire vacciner n’ont pas de programme politique et ne sont pas engagées dans une cause antiscientifique : elles sont simplement indécises quant à leur choix de recevoir l’injection. » (source : BBC)

Une somme toute assez banale peur des aiguilles constitue un obstacle majeur pour environ 10 % de la population, selon une étude de l’Université d’Oxford.

Alors que nous vivons depuis mars 2020 avec la frousse d’un ennemi invisible et tenace, peut-on vraiment en vouloir aux antivax d’avoir peur?

Les acharnés

Il y a cependant des antivax plus bruyants que les autres. Tonitruants, même.
Ceux-là ne se contentent pas de vivre avec leur choix. Ils le hurlent sur tous les toits.

Devant les écoles, les hôpitaux, dans les journaux, à la radio, sur les réseaux sociaux. Comme si faire du bruit pouvait légitimer une décision qui leur appartient, mais qui, clairement, ne fait pas consensus.
Quand je les vois pousser les hauts cris devant des cours remplies d’enfants ou haranguer du personnel soignant qui en a déjà plein les bottes, je les trouve… Comment dire? Déplacés? Et je reste polie.

Qu’ils refusent le vaccin, soit. Mais rien ne justifie qu’ils intimident ceux qui ne font pas le même choix qu’eux.
Rien n’excusent le fait qu’ils sèment le doute chez les enfants et les adolescents qui en ont bien assez bavé depuis un an et demi, ni qu’ils perturbent le vaillant personnel soignant.

Le gouvernement Legault a finalement adopté une loi spéciale pour interdire les manifestations des militants antivaccins à proximité des écoles et des hôpitaux. Il aura fallu en venir là.
50 mètres plus loin, les entendra-t-on crier encore plus fort?

Dans le même bateau

Première, deuxième, quatrième ou huitième vague (désolée pour le pessimisme), on est tous dans le même bateau.
Et si on pousse un peu l’allégorie, disons que le vacciné porte un gilet de sauvetage et que le non-vacciné n’en porte pas.

Est-il besoin de rappeler que les personnes non vaccinées ont presque 26 fois plus de risques d’être hospitalisées pour cause de COVID? Et s’ils sont hospitalisés, ils occupent des lits. Et du personnel. Qui aurait autre chose à faire après un an et demi de délestage à hue et à dia.

« Présentement, au Québec, il y a à peu près 80 lits aux soins intensifs qui sont occupés par des patients COVID. Ces patients-là vont y rester en moyenne 14 jours au minimum. Donc, ça, ça fait en moyenne 1200 jours de patients de soins intensifs si on parle juste de soins intensifs », illustrait en entrevue à LCN (15 septembre) le Dr Mathieu Simon, chef de l’unité des soins intensifs à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).
80 personnes, pour la plupart non vaccinées, accaparent « 1200 jours soins » qui ne sont ainsi pas dévolus à la clientèle hors COVID.

Ça, ça veut dire encore du délestage. Ça veut dire des milliers d’opérations urgentes mises sur la touche. Des milliers de cellules cancéreuses qui se multiplient et s’éparpillent. Des milliers de petits bobos qui en profitent pour devenir plus gros.

« 1200 jours de patients soins intensifs, c’est ce que ça me prend pour opérer 1200 chirurgies cardiaques ou 1200 chirurgies majeures pour de l’oncologie », illustre Dr Simon.

Des milliers de vies hypothéquées, quoi. La pandémie silencieuse.

Se faire vacciner est un choix collectif alors que ne pas se faire vacciner est un choix individuel. Voire individualiste.
On a le droit d’avoir peur de l’eau, mais si nous ramions tous dans le même sens, peut-être qu’on se sortirait enfin de la tempête?

Ceci n’est pas un appel à critiquer les non vaccinés ni à lancer des tomates sur la chroniqueuse. Nous nous réservons le droit de retirer les commentaires haineux, diffamatoires ou simplement méchants. L’opinion exprimée ici n’engage que son auteure.

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