Chronique ornithologique : L’Urubu à tête rouge, dans le ciel de Charlevoix

Par Michel Paul Côté 3:00 PM - 19 septembre 2021
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L’urubu à tête rouge. Son apparence laisse perplexe, et je suis poli. Tête recouverte d’une peau rouge et plissée, sans plume, l’œil menaçant, plumage foncé, bec de rapace … Mais ses parents le trouvent probablement très beau et c’est une espèce très utile pour l’homme.

Par Michel Paul Côté

Depuis quelques années, pendant la belle saison, on peut apercevoir dans le ciel de Charlevoix de très grands oiseaux noirs qui planent assez haut dans le ciel.


Plus gros que les corneilles ou corbeaux, avec une amplitude d’ailes de près de 180 cm (6 pieds), ils flottent en altitude, les grandes ailes formant un léger V, se servant des courants d’air chaud pour parcourir des distances considérables sans donner un seul coup d’ailes.


Ils apparaissent vers 10 heures du matin, lorsque le soleil réchauffe le sol pour ainsi créer les courants ascendants. Aux jumelles, on remarque sous les ailes une nette démarcation plus pâle, caractéristique de l’espèce.


Lorsqu’ils tournent, on peut apercevoir facilement la tête rouge. Il s’agit de l’Urubu à tête rouge, un nécrophage se nourrissant de charognes.


Il y a 45 ans, je me rendais au pied de falaises situées au nord de Hull pour y observer la première mention de l’urubu au Québec. En 2021, l’espèce se retrouve presque partout le long de la vallée du St-Laurent. Un succès en termes d’occupation du territoire. L’oiseau suit la route des dépotoirs à ciel ouvert et des autoroutes achalandées. Il aime les grands espaces qui offrent des falaises à proximité, afin de profiter des courants d’air chaud qui se forment le long des escarpements et qui lui permettent de parcourir de grandes distances sans se fatiguer.

Dans Charlevoix, l’été, impossible de ne pas le remarquer pendant la journée, planant assez haut dans le ciel, souvent en groupe de 3 ou 4. Le soir, c’est une autre histoire. L’oiseau se retire dans un arbre, ou dans une cavité le long d’une falaise, loin des regards. Il n’est pas rare d’en observer une dizaine, à la tombée du jour, à la halte routière située le long de la rivière Malbaie, sur le chemin de la Vallée. On ne le retrouve pas chez nous en hiver. Difficile de trouver des carcasses fraîches, non gelées, sous un couvert de neige ou le long des routes…


Si on s’intéresse un peu à l’urubu, ce que l’on apprend surprend beaucoup. Monogame, fidèle à son site de reproduction, on ne lui connaît que peu de prédateurs. C’est une espèce extrêmement utile pour l’homme. Ce charognard jouit d’un odorat exceptionnel, pouvant détecter l’odeur du sang à plusieurs kilomètres. Il se nourrit des carcasses d’animaux morts, que l’on retrouve fréquemment le long de nos routes, dans les champs, le long des cours d’eau. Il permet ainsi d’éviter la prolifération de bactéries qui pourraient affecter l’environnement. Son apparence n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un long processus d’évolution et d’adaptation remarquable. La tête totalement libre de plumes est conçue pour plonger profondément à l’intérieur des carcasses d’animaux, sans développer de bactéries que des plumes développent immanquablement. Il n’est pas rare d’apercevoir un urubu perché sur une branche, ailes déployées comme le cormoran, occupé à faire ‘stériliser’ son plumage par les rayons du soleil.

Son bec incurvé, de couleur ivoire, n’est pas suffisamment fort pour lui permettre de percer le cuir plus épais de mammifères plus gros que lui. Il se contente de petites carcasses, marmottes, écureuils, porcs-épics, ratons laveurs, lièvres, etc.

Pour l’urubu, une carcasse âgée de 3 à 4 jours constitue un mets de prédilection, juste assez tendre…. Il faut dire que son système digestif est très robuste et efficace. Chez nos voisins du Sud, il cohabite assez bien avec le vautour noir, qui jouit d’un bec plus costaud, lui permettant de percer facilement les carcasses de gros mammifères. L’urubu trouve la carcasse, le vautour l’ouvre de son bec puissant et acéré, tout le monde y trouve son compte. Une fois son repas terminé, l’urubu peut se priver de nourriture pendant 2 semaines.


La prochaine fois que vous apercevrez, haut dans le ciel, quelques oiseaux noirs qui planent, prenez le temps de sortir vos jumelles. À défaut d’être charmés, vous serez surpris.

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