DOSSIER Formation métier semi-spécialisé: Le chemin de croix d’Aïsha

Par Emelie Bernier 4:02 PM - 29 juin 2021
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Aïsha ne l’a pas eu facile à l’école. Aujourd’hui, elle récolte enfin les fruits de ses efforts et de sa résilience.

Ils s’appellent Samuel, Aïsha, Pierre-Luc, Alexandre, Patrick… Ils ont en commun d’avoir éprouvé des difficultés dans le système scolaire dit régulier, jusqu’à ce qu’on leur offre l’option de la formation métier semi-spécialisé (FMSS). De l’échec à la réussite, il n’y a souvent qu’un pas de côté! Découvrez l’histoire de la résiliente Aïsha.

Les premières années d’Aïsha Gagné en milieu scolaire relèvent carrément du calvaire. Intimidation et difficultés d’apprentissage s’ajoutaient à situation familiale délicate. On peut dire que la jeune fille en a bavé… Pourtant, le bonheur se lit sur son beau visage et après de nombreux orages, l’avenir s’annonce beau!

À 12 ans, après des années à endurer la méchanceté des élèves de son école primaire, Aïsha s’est carrément poussée de Charlevoix pour aller vivre chez un membre de sa famille à Rivière-du-Loup.


Son passage sur l’autre rive du fleuve, et de l’aide psychologique, lui ont toutefois donné des outils pour affronter les mesquineries de ses pairs.


À son retour, quelques années plus tard, elle n’était plus la jeune fille timide qu’on pouvait aisément harceler.

«Je me suis fait une carapace et j’ai appris à prendre ma place. J’ai travaillé sur ma confiance en moi et je ne l’ai pas toute encore, mais je m’amuse à dire que je suis une rose qui a poussé dans un champ de bouette…», rigole la jeune femme aux yeux turquoise.

Son retour dans Charlevoix n’a toutefois pas été de tout repos. «Je n’avais pas vu la même matière que les autres… Je «rushais» et j’avais juste envie de décrocher. Disons que suis partie de loin pour arriver où je suis aujourd’hui», résume celle qui a atterri en FMSS.


«C’est arrivé comme ça et je n’étais pas contente. À Rivière-du-Loup, le programme existe aussi et les jeunes font des stages au Dollarama, au Walmart… Je trouvais que les jeunes là-dedans n’évoluaient pas tant et se destinaient à des emplois pas tant palpitants, disons», résume Aïsha.Quand François Kearney lui a proposé un stage dans une écurie, ses yeux se sont toutefois allumés! «J’ai comme pris conscience que ça pouvait être cool finalement!»


Aïsha a un peu déchanté devant la rigueur du travail, mais elle a persévéré. «Au début j’étais découragée! C’est une job extérieure assez intense, il a fait souvent froid… Monter des chevaux en bas de «soute», c’est pas si facile, mais heureusement, j’ai vite été intégrée dans l’équipe! La gang est super ouverte d’esprit et on peut parler de tout et de rien. Au final, ça m’a aidée à me présenter motivée!»

Le bonheur est dehors


Aïsha aime particulièrement les moments où elle doit monter à cheval, mais elle adore aussi assister aux naissances des moutons. Il faut dire que la jeune femme n’est jamais aussi heureuse que dehors. D’ailleurs, elle est fière de dire qu’on lui a proposé un emploi à temps plein à l’écurie cet été. «Je suis vraiment contente! Je n’en ferais peut-être pas une job à vie, mais pour un premier gros travail je trouve ça parfait! C’est la place parfaite parce que je n’aime pas être renfermée, surtout l’été!»

Faire fi des étiquettes

Aïsha, qui a vécu son lot d’intimidation, en connaît un brin sur le sujet. Les élèves qui étudient en FMSS ne sont pas à l’abri des quolibets.


«Bien sûr, on est jugé sur notre parcours, on a une étiquette dans le front. Pour plusieurs jeunes au régulier, on est la classe de débiles, mais pourtant! Je te dirais qu’en FMSS, il y en a des pas mal plus intelligents qu’au régulier…», glisse-t-elle, taquine.


Elle s’y est d’ailleurs fait de bons amis. «J’ai un très fort caractère, mais ils font l’effort de m’accepter. On a vraiment une belle chimie! Je n’ai jamais eu une classe comme ça. Je parle à tout le monde! Et le prof? Je pense qu’on l’enverrait promener et il ne dirait rien… Il ne crie jamais, il est super patient, à l’écoute! C’est un bon prof… et je suis difficile!», s’esclaffe-t-elle.

Que dirait-elle à ceux qui hésitent à prendre la main tendue par l’équipe de FMSS? «Je leur dirais que suis vraiment contente d’avoir fait FMSS que le régulier où je me serais plantée! J’aurais rushé dans une classe de 30 élèves, avec ma dyslexie, ma dyscalculie, et mon TDA! Là, j’ai vécu de belles choses, des succès. C’est bon pour le moral!»

En septembre, elle réintégrera peut-être FMSS pour une seconde année ou elle s’inscrira au Projet Tech, un autre parcours alternatif.

«Je ne sais pas encore. Je vise l’obtention de mon secondaire V, mais l’école n’est pas faite pour moi. Je ne «fitte» pas dans le moule, disons. À l’école, j’ai toujours la tête ailleurs, je suis stressée…», dit celle qui compare son parcours scolaire à d’interminables montagnes russes.


À l’écurie, elle ne ressent pas cette anxiété latente.

«Quand je suis avec les animaux, je ne pense plus à rien! Avec les filles, on rit, on s’occupe, le temps passe vite! J’oublie mes problèmes et ça fait franchement du bien!»

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