Un travailleur de la santé se confie sur son année de pandémie

Par Karine Dufour-Cauchon 3:30 PM - 24 mars 2021
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Marc Sévigny est l’un des cadres de l’Hôpital de Baie-Saint-Paul. Nous lui avons posé cinq questions pour résumer au grand public l’année intense qui vent de s’écouler. La pandémie a demandé beaucoup aux travailleurs de la santé.

Marc Sévigny a passé «toute une année». Le kinésiologue est habituellement gestionnaire clinique à la réadaptation. Depuis un an, dans son bureau à l’Hôpital de Baie-Saint-Paul, il a multiplié les rôles en raison de la pandémie qui a chamboulé le système de santé. À l’arrivée du premier anniversaire de la crise sanitaire, Le Charlevoisien a posé cinq questions à ce travailleur de la santé.

Comment résumeriez-vous la dernière année?

«Ça a été une année d’ajustements et pas évidente en termes de gestion. On était toujours dans le changement. On avait une consigne et, pas longtemps après, les consignes changeaient. C’était du travail car, à chaque fois, il fallait faire descendre la directive dans nos équipes, s’assurer de leur compréhension. À travers tout cela, les intervenants ont vécu de l’insécurité. Alors qu’ils devaient rassurer la population, eux-mêmes devaient être rassurés. Malgré tout, ils se sont mobilisés incroyablement. On n’a pas hésité à lever la main quand on nous a dit qu’on avait besoin d’aide. Si on ne s’impliquait pas, personne d’autre ne l’aurait fait et on aurait été mal pris.»

Comment trouver la motivation pour continuer ?

« Au niveau des équipes COVID, je pense que c’est donnant-donnant. En voyant que le gestionnaire se donne, ça motive tout le monde. De l’autre côté, pour le gestionnaire, de voir que les équipes participent volontairement et embarquent dans ces folies-là, ça donne de l’énergie pour poursuivre. J’ai des intervenants qui ont fait du clinique, qui, à travers ça, étaient sur le terrain des éclosions pour dépister et rester tard le soir, en plus d’être de garde la fin de semaine. Nous n’avons pas délesté le travail qu’on faisait déjà avant la pandémie. On a continué nos services à travers tout ça. Le travail de la COVID venait s’ajouter à cela. Nous n’avions pas le choix, car nous n’avions pas assez de ressources pour être capables de déléguer.Au niveau clinique, il faut se dire que même si on est en pandémie, il y en a qui ont des besoins de services, comme en réadaptation. Ça peut être pour leur développement, la reprise de leur autonomie. Il fallait motiver notre clientèle à venir chercher leurs services et à ne pas mettre de côté leur réadaptation et les suivis, autant chez les adultes que pour leurs enfants. L’inconnu, c’était difficile. Mais on était en gang et mobilisés. Il ne fallait pas se décourager. »

Marc Sévigny est, COVID-19 ou non, gestionnaire clinique à la réadaptation pour la clientèle DI/TSA/DP.

Quel moment a été plus difficile ?

«Nous avons été dans une éclosion majeure. À travers tout cela, on a eu des usagers qui sont décédés. On allait dépister des gens et quelques jours après, ou le lendemain, on apprenait que ces mêmes personnes étaient décédées. Ça, ça a été marquant. Oui, ça a été difficile, mais à travers tout cela, ce qui m’a marqué le plus, c’est la mobilisation de nos équipes. L’équipe de dépistage mobile, quand il y a eu des dépistages de masse dans les milieux d’éclosion à faire, était toujours prête à partir. Même chose pour ceux en prévention et contrôle des infections. Même quand ça s’est calmé, mes équipes m’ont dit qu’ils voulaient aller aider Québec, qui manquait à son tour de ressources.

Un beau moment à partager?

«La reconnaissance des gens est vraiment là. On pouvait la sentir, du moins, en amont de nos interventions. Quand on savait qu’un milieu était peut-être en train de débuter une éclosion, où qu’il y avait des cas positifs, j’appelais ces milieux-là. Au bout du fil, on sentait que d’aller les aider à s’organiser faisait une différence. Ils en étaient reconnaissants.»

Sommes-nous enfin à la ligne d’arrivée ?

«Depuis le retour des Fêtes, on a l’impression d’être au ralenti. Ce n’est pas qu’il y a moins de charge de travail, mais c’était tellement intense avant que là, on se sent ralenti. On a encore des dépistages, des suivis de clientèles… Les dépistages continuent pour les gens qui doivent subir une opération ou pour les usagers qui passent de leur domicile à un CHSLD. Par contre, tester des gens avec des symptômes est beaucoup plus rare, on n’en a presque plus comparativement à ce qu’on avait dans les derniers mois.On commence à sentir qu’on va enfin pouvoir relancer certains projets qui avaient été mis sur la glace avec l’arrivée de la pandémie, car notre temps était consacré à tous les à-côtés que la pandémie nous a amenés. La vaccination avance, mais elle ne fera pas tout. Ce sera important de maintenir les mesures et de respecter les consignes sanitaires pour s’en sortir.»

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