Pandémie: les musiciens sur la touche (partie 1)

Par Emelie Bernier 4:01 PM - 24 février 2021
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Quand reverra-t-on des spectacles en salle?

Depuis mars, outre quelques petites éclaircies ici et là, les arts de la scène sont dans le brouillard. Alors qu’on annonce la réouverture des cinémas, les portes des salles de spectacles, elles, demeurent bien closes. Comment les artistes composent-ils avec cette pause forcée?

 

«Ça va bien»

Musicienne et propriétaire de l’École de musique La Portée qu’elle a fondée en 2016, Annie Morin a dû cesser de recevoir ses élèves à la maison en mars, confinement oblige. Elle dispense désormais ses cours en ligne. « Je n’avais jamais fait ça! C’est une toute autre approche. J’ai dû adapter mon local, le matériel… », explique-t-elle. Ses élèves, toutes générations confondues, ont aussi dû s’adapter. « Le virtuel est plus difficile pour certain et quelques-uns ont aimé mieux attendre que tout réouvre, mais la très grande majorité a continué. On a appris ensemble », confie l’enseignante.
L’enseignement à distance a des avantages qu’elle n’avait pas imaginés. « Quand il y a des tempêtes, je donne mes cours quand même. Les élèves qui habitent loin sauvent en temps de transport. J’ai eu des demandes de Québec, de la Rive-Sud… mais je priorise Charlevoix car j’ai une liste d’attente », confie-t-elle.

La bête de scène, elle, a vu tous ses contrats s’envoler. « C’est dommage, parce qu’après quelques années, je commençais à avoir un nom dans Charlevoix. J’avais des spectacles presque toutes les fins de semaine. Je jouais à La Maison Otis, au Sacrilège à Québec, je faisais des mariages, un duo avec Tommy Boivin, des contrats ponctuels avec le band Replay. Tout a été annulé. Et là, on a aucune idée quand est-ce que les salles, les bars vont rouvrir… C’est un gros morceau de mes revenus. »

Heureusement, la créativité ne souffre pas trop du confinement. «J’ai eu des belles associations avec des musiciens d’ici, à distance, mais c’est motivant. La création reste là, en-dedans, mais jouer devant du monde nous manque. Une partie de nous-mêmes n’existe plus! On dirait que ça ne reviendra jamais… Quand ça va rouvrir, est-ce que les restos vont avoir le budget d’embaucher des musiciens? Il faut garder espoir! »

En attendant de remonter sur les planches, enseigner la nourrit. « J’ai des beaux élèves! La demande de cours n’a pas diminué, au contraire. Les gens ont envie d’apprendre un instrument pendant la pandémie, que ce soit les retraités qui en ont toujours rêvé ou des jeunes à qui ça fait du bien! La musique, c’est thérapeutique!»

 

«Sauvez mon âme»

Marcelo Lopez n’y va pas par quatre chemins. La musique lui a littéralement sauvé la vie dans la dernière année. Et ce n’est pas la première fois. «La musique est mon ancrage », confie-t-il.
Il faut dire que peu de temps avant la débandade sanitaire mondiale, Marcelo est devenu préposé aux bénéficiaires, un emploi exigeant. Il a aussi vécu des épreuves sur le plan personnel. Pour ventiler et pour combler sa carence de ne plus jouer avec ses bands Soulbag et Forever rock, , Marcelo s’est mis à faire des directs sur Facebook. «Le bout plate dans tout ça, c’est de ne plus pouvoir partager ta passion. Je fais des lives pour évacuer et maintenir ce lien avec le monde », explique-t-il.
La pandémie lui a aussi permis de se découvrir comme artiste solo. « J’ai 30 ans d’expérience, mais je suis un gars de « band » et je n’avais pratiquement jamais joué seul avec ma guitare! La pandémie m’a donné ça. Je me suis trouvé une aisance qui m’a surpris !»

Jouer devant son écran lui fait du bien. Deux à trois fois par semaine, Marcelo Lopez donne rendez-vous à qui le veut sur sa page. « C’est un moyen d’évacuer le stress et la fatigue, comme le sport! Je le fais pour moi, mais dans ce temps de pandémie, il y a du monde qui déprime! J’ai des beaux messages. Ça aide le monde à passer les soirées! Quand quelqu’un m’écrit que telle chanson lui a fait du bien quand il ne filait pas, ça me touche beaucoup », confie celui qui compte plusieurs fidèles par écran interposés.

Il chante ce qui lui tente, en anglais, en français et en espagnol. Pour le plaisir. Pour la santé mentale. Pour la musique.

«Je n’ai jamais vécu que de la musique, mais j’ai perdu 12 000$ en «gig» de toutes sortes cette année. J’ai pitié pour le monde qui vit de ça! Je connais des bands qui jouent et gagnent leurs vies depuis 20 ans. Ils ont du se trouver une job…On ne pratique plus du tout en band, c’est sûr que ça nous démoralise. Je sens que quand ça va reprendre, les gens vont avoir tellement envie de musique, ça va être fou! »

«L’amitié»

L’ennui, l’anxiété. Ces maux affectent plusieurs des choristes de la Chorale Sainte-Agnès, n’hésite pas à dire la cheffe de chœur, Rachelle Néron. «. La chorale, c’est d’abord et avant tout beaucoup d’amitié. C’est une famille! De ne pas retrouver cette famille, c’est difficile pour tout le monde!»
Le traditionnel concert de Noël est tombé à l’eau en 2020. On espère que le spectacle écrit pour l’occasion pourra être présenté en décembre 2021. «Dans le meilleur des mondes, les lieux de cultes vont rouvrir, on va pouvoir recommencer à se réunir. Ça va nous faire du bien de se retrouver! »

En attendant, un disque Au nom de l’amitié
La petite chorale du dimanche, sous-groupe fondateur de la Chorale de Sainte-Agnès, a profité du confinement pour enregistrer un album de 11 chansons réconfortantes, Au nom de l’amitié.
«Nous sommes 8 chanteurs et une pianiste. Depuis un an, la grande chorale est en pause. On s’ennuyait durant le confinement et nous avions besoin de faire un projet, de nous réunir pour enregistrer des chansons que tout le monde connaît, que tout le monde aime. Ça fait du bien de chanter, mais aussi d’écouter de la musique», indique Rachelle Néron.

 

Jocelyn Maltais a réalisé l’album et l’enregistrement a eu lieu en novembre dans l’église de Sainte-Agnès, dans le respect de la distanciation. « On était bien organisé, l’espace est grand », indique Mme Néron.
Tous les profits de l’album, où on déniche des chansons populaires (J’ai souvenir encore. Du bleu, du bleu, Le petit roi, L’amitié de Françoise Hardy) et quelques chants liturgiques, iront à l’église. « bien sûr, c’est une fraction de ce qu’on remet normalement avec les concerts de la chorale, mais c’est mieux que rien !» 500 disques ont été imprimés à coût nul grâce à un seul commanditaire, Laurent Harvey. Le Domaine Forget a aussi généreusement contribué en prêtant du matériel pour l’enregistrement.
Le disque est disponible au Cinéma La Malbaie ou via le compte Facebook de la Chorale de Sainte Agnès.

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