Des anges gardiens de Charlevoix se confient

Par Karine Dufour-Cauchon 8:00 AM - 24 Décembre 2020
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Photo : CIUSSS de la Capitale-Nationale.

À la fin d’une année éprouvante, une poignée d’anges gardiens de Charlevoix ont accepté de partager leur expérience au «front».

Depuis mars, ces travailleurs de la santé sont aux premières loges du désastre sanitaire qui frappe la province. En temps normal, ils sont orthophonistes, infirmières, cadres, travailleurs sociaux. En 2020, ils ont maintenu leurs fonctions dans le réseau de santé de Charlevoix tout en se portant volontaires pour combattre le virus.

Charlevoix n’a pas été épargnée. Les éclosions de COVID-19 se sont multipliées à l’automne et ont frappé fort, particulièrement à la Résidence des Bâtisseurs de BaieSaint-Paul. C’est le moment qui a marqué le plus l’équipe de dépistage mobile.

Sous son «déguisement anti-covid», Sylvie Le May n’était plus une coordonnatrice du CIUSSS . Elle raconte qu’elle et ses collègues en opération de dépistage étaient d’abord des humains derrière leur habit de protection.

«En frappant aux portes, on ne nous recevait pas toujours avec des sourires», résume-t-elle. Et pour cause! «La première fois, c’est tel que tel, mais quand cela fait six fois que tu passes un test, ce n’est pas bien plaisant. Par contre, nous étions leur seule visite. On avait un donc double rôle : dépister et échanger. On n’avait pas beaucoup de temps, mais on le prenait. Parfois, on sentait la peur chez les personnes âgées. Plusieurs nous remerciaient, nous appelaient leurs anges. On était tout pour eux autres», évoque-t-elle avec empathie.

L’équipe de dépistage mobile (en partie) et quelques membres de l’unité de prévention et contrôle des infections. Photo prise à l’hôpital de Baie-Saint-Paul.

Prise de conscience

En date du 15 décembre, aucun membre de l’unité n’avait contracté le virus. Leur secret ? Suivre à la lettre les mesures de protection et les protocoles. Aucun écart ne peut être toléré, car chaque lavage de main est celui qui peut les épargner du virus.

Bien que l’éclosion des Bâtisseurs soit chose du passé, les travailleurs du réseau pressentent une «bombe à retardement». L’histoire a de grandes chances de se répéter si la population en fait à sa tête pour la période des Fêtes.

L’éducatrice en réadaptation Marie-Noëlle Jacob-Tardif est bien placée pour le savoir : elle intervient dans les éclosions comme coach en prévention et contrôle des infections.

«Vivre une éclosion de l’intérieur, ça t’amène une prise de conscience. On se rend compte que le virus rentre partout, de la façon dont on s’y attend le moins. Les gens ne se rendent pas compte à quel point ça peut être insidieux. On est là pour enrayer le mal. Plus c’est gros, plus c’est un gros bateau à tourner», indique-t-elle.

Elle et ses collègues ont la tâche d’accompagner les milieux touchés par le virus pour en freiner la propagation. Au nom du personnel de soins, ils vous lancent un cri d’alerte.

«Charlevoix s’infecte toute seule! Il y a des rassemblements. On en a vu, des gens souffrir, voire décéder. C’est vrai, le virus. C’est le personnel de soin qui payera pour les comportements des gens en bout de ligne. Ils font des 7jours semaine, des 15 heures de travail. La population ne le voit pas, ça, qu’ils sont à bout», témoigne Mme Jacob-Tardif.

Les employés de soutien rencontrés espèrent tous une prise de conscience. Ils sont unanimes à clamer que les sacrifices qu’ils font depuis mars ne doivent pas être vains. À son tour, l’orthophoniste de profession Nadège Tremblay confie qu’elle a réalisé assez vite que la tragédie était sortie de l’écran de sa télé.

«Ça m’a jetée à terre de voir la vitesse à laquelle ça a dégénéré. Ça passait du double au triple de cas positifs en quelques jours. Je me suis dit alors «mon dieu, on est vraiment dedans». On le voyait à la télé au printemps, mais là, on le vivait . Quand on dit «le front», c’était vraiment ça», témoigne-t-elle.

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