Lettre ouverte: Safia, Maripier, Bernard et tous les autres…

Par Emelie Bernier 10:16 AM - 15 juillet 2020
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Le CALACS de Charlevoix estime que c’est deux femmes sur cinq qui subiront une agression sexuelle dans leur vie. (Pixabay- libre de droit)

Les accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles fusent de toute part depuis quelques jours. Des NOMS sont écrits, dits, taggués. Ils représentent chacun un NON qui n’a pas été entendu, écouté, perçu…
Les commentaires fusent en plus grand nombre encore : « elle s’invente un rêve », « elle a besoin d’attention », « qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre », « c’est n’importe quoi cette histoire ». Et je puise mes citations parmi les commentaires les plus respectueux que j’ai lus…

Pourquoi partir du principe que la personne qui dénonce ment (alors que 3% des accusations s’avèrent infondées)? Pourquoi insulter et critiquer celles qui trouvent le courage de dénoncer? Pourquoi remettre systématiquement en doute la parole qui dénonce l’inacceptable?

Un sacré paquet de raisons historiques, sociales et juridiques répond à cette question. La défense de mœurs, le mythe stipulant que l’absence d’un non clair et implacable justifie de repousser la limite, la socialisation genrée ainsi que la crainte que cela puisse nous arriver à nous ou à nos proches expliquent cette réaction sociale. Aujourd’hui, j’ai envie de nous mettre au défi de réagir autrement. Et si on écoutait ceux et celles qui dénoncent ? Si on les appuyait dans leurs démarches afin de les soutenir ? Si l’on cessait de banaliser ces gestes pour les dénoncer ? Et si nous cessions le double message dans lequel nous disons que les agressions sont inacceptables, mais que nous insultons celles qui dénoncent et que nous banalisons les gestes posés? Et si chacun commençait à se sentir concerné par cette situation qui touche (52% des filles et 34% des garçons)? Et si nous déployions les moyens nécessaires pour sensibiliser et éduquer l’ensemble de la population ?

Qu’est-ce que nous aurions à gagner?

Je crois que nous aurions à gagner une société plus respectueuse, plus sécuritaire et plus adaptée aux victimes d’agressions sexuelles. Une société où elles ne vivraient plus dans la honte. Où elles ne garderaient plus le silence pendant des années, voir des décennies, avant de parler de leur vécu et de s’en libérer. Où un message clair et cohérent serait transmis.

Nous pouvons tous contribuer à ce changement, de différentes façons. En se renseignant. En étant ouvert et respectueux lorsqu’une personne se livre. En dénonçant les situations dont nous sommes témoins. En sensibilisant nos enfants, nos adolescents et notre entourage.
Donnons tort à Benoîte Groult lorsqu’elle disait que « la société a fait de l’agression sexuelle le seul crime pour lequel la victime se sent coupable ».

Véronique Couillard
CALACS de Charlevoix

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