M’enfouir dans la nature

Par Émélie Bernier 4:00 PM - 23 juin 2020
Temps de lecture :

Il y a un peu plus d’un mois, en plein confinement suffocant, se pointait dans ma boîte courriel un petit message anodin, se résumant à peu près à ceci : «Voici venue l’heure de nous donner vos préférences pour les vacances ». Hum… Si j’avais pu alors, je les aurais prises le lendemain. Et pour quelques lunes.

En fait, et au risque de me faire tirer des tomates et traiter d’ingrate, j’ai jalousé un peu ceux dont la vie professionnelle a été mise sur pause par la COVID-19. Parce que durant des semaines, on a vu les projets des uns et des autres s’étaler sur les réseaux sociaux, tel un grand buzz Pinterest national, il m’arrive de divaguer sur tout ce que j’aurais pu faire moi aussi, si ces quelques semaines de répit m’avait été échues.
Quelque bricolage un peu tout croche en palettes, des suspensions en macramé, des chaudrons géants de sauce à spag? Hum… Non. Plutôt le ménage grandement dû du sous-sol, de la chambre froide, des congélos, des armoires… Peut-être la peinture des murs de la cuisine et du plancher du 2e… Ou même un nouveau plancher? Ou de nouvelles armoires?
Une nouvelle maison, tant qu’à faire?

Le confinement, et le télétravail, m’ont imposé un tête à tête interminable avec mes quatre murs. Si je les aime bien, ces 4 murs, l’envie de déménager m’a titillée autant que lorsqu’ado, je rêvais de voyages outre-mer sac au dos.

Mon royaume est ma maison, mais celle que j’ai côtoyée de très très près durant mes mois de télétravailleuse confinée jusqu’à la claustrophobie a perdu de son charme avec l’usage…
Déménager, c’est voyager un peu, rêvassais-je alors que les matins, les midis et les soirs me voyaient coincée dans le même décor.

Ma nature est nomade. J’ai sans cesse des fourmis dans les jambes et une irrésistible envie d’ailleurs. Plus le temps passe, plus je regarde la valse hésitation d’Arruda, Legault, Guilbault et les autres, plus je réalise que je n’irai pas loin, cet été, tout déconfiné progressivement soit-il.
Mais est-il besoin d’aller loin pour s’éloigner de la routine? Un simple petit pas de côté suffit parfois pour se dépayser. Ou se « payser », peut-être.

Sans aller loin, j’irai là où le décor ne m’est pas familier. De nouveaux lacs, de nouvelles forêts, de nouvelles rives. Elles seront charlevoisiennes ou saguenéennes, elles seront nord-côtières, portneuvoises, bellechassoises… Ce ne sera pas la Corse ou Bali, ni Ouagadougou, Managua ou Paris. Ce ne sera surtout pas les États-Unis de « trumpeters » insouciants qui se réunissent en hurlant « j’ai le doua », une mitraillette dans une main et leur stupidité exsudant par tous les pores de leur peau.

Je prendrai le canot, les rames, la canne et le panier percé pour y loger la pêche miraculeuse. Je mettrai le saucisson, le fromage, la bière et le vin, d’ici bien sûr, dans la glacière.
Je compléterai le festin avec les bleuets, les framboises et l’infusion de petit thé trouvés ici et là au gré de mes pérégrinations.

Mon été sera québécois, ou il ne sera pas.

J’irai me baigner aux Yeux avec les alevins et les mouches noires; à Saint-Irénée avec la dame qui a un thermomètre cousu à son maillot de bain parce qu’on lui a tant de fois demandé « l’eau est à quelle température? » qu’elle a fini par trouver cette solution; à Saint-Jo avec les Éperlans de ma piscine coopérative chérie.

Je répondrai à l’appel du large en prenant le traversier pour L’Isle-aux-Coudres, ou le bateau mouche sur la rivière Malbaie, ou la traverse Baie-Sainte-Catherine-Tadoussac, ou mon kayak jaune accroché depuis si longtemps ventre au vent que j’espère qu’il flotte encore…
J’irai dans ces restos que je croise toute l’année sans jamais m’y arrêter. J’imaginerai que le personnel sourit derrière son masque.

Je ferai du kayak, de l’équitation, du canyoning, toutes ces choses palpitantes que je vante si souvent aux lecteurs et aux amis, mais qui sont aussi là pour moi…
Je prendrai des photos, je dessinerai, je me bercerai, tout simplement.Je prendrai le temps à bras le corps.
Ce sera un été différent, mais ce sera un été.
Mon jardin sera impeccablement sarclé…. (Bon, je pousse un peu le bouchon là! Ce sera la jungle en folie, comme d’hab… La vie fleurit dans le chaos!)

Cette chronique est la dernière avant l’automne. Je prends une petite pause de confidences, de rencontres, de coup de gueules et de délires.
A ceux qui ont pris plaisir à les lire, je dis merci. Aux autres aussi.
Et bon été.

« J’emporte ma curiosité

Pour découvrir ce qu’on a perdu

Ces millions de nouveautés

Remplir mes yeux de jamais vu. »

Paul Daraîche

Partager cet article