Chronique : L’école, oui ou non ?

Par Brigitte Lavoie 12:00 PM - 6 mai 2020
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Pas le choix, il fallait se décider pour le 4 mai, 8 h. Répondre au questionnaire et prendre une décision. Oui ou non, tu envoies ton enfant à l’école lundi prochain, le 11 mai ? Et ce, après presque deux mois de confinement dans une région qui tousse davantage à cause du rhume du printemps que de la COVID ? Donc, oui ou non? En autobus scolaire ou en voiture ? Avec un lunch froid. Hein ? Ah, ils vont dîner à l’école avec leur enseignant… Bon ben, envoye, tu fais quoi, ma belle ? Pis toi, mon beau ?

Il n’y a pas de précédent pour ce genre de décision. Tu ne peux pas demander à tes parents ou à tes grands-parents : ben toi, tu as fait quoi quand c’est arrivé en dix-neuf-cent-quelque-chose ? C’est comme les lavabos à l’épicerie pour le lavage des mains : c’est historique, c’est étrange et un brin agaçant. Mais il y a ce virus qui rôde. Il faut en tenir compte, faire avec et pour le mieux. Pour un parent québécois, de décider si oui ou non tu envoies ton enfant à l’école en pleine pandémie de coronavirus, c’est du jamais vu. Parce qu’en plus, ce n’est pas obligé. Nenni. L’école obligatoire est devenue optionnelle!

Ce qu’il y a de beau avec ce genre d’école aléatoire pour le primaire, c’est qu’il n’y a pas de mauvaise réponse. Oui ou non. D’ici le 24 juin, ce sera cinq semaines d’école pour les volontaires à l’aise avec le risque, ce qui est un autre genre de confinement avec liberté surveillée, nouvelles règles de vie en classe adaptée et taxi parental en prime…

Probable que tu considères que ça n’en vaut pas la peine. « Woh M. Legault!» Probable aussi que tu penses que ça fera du bien à ton enfant de prendre l’air de la maison avant la longue pause estivale. « C’est ok, M. Arruda, on s’essaye!» Et si tu es un parent tout mêlé, comme il y en a des tonnes, qui ne sait pas quoi faire, qui a confiance, mais qui a peur du virus et ses effets collatéraux, pas la peine de te chicaner avec le conjoint et de t’obstiner avec le voisin, garde ton chérubin à la maison et attend de voir ce qui va se passer. M. Legault l’a dit, on a le droit de les envoyer ou pas ! Nous sommes des parents-rois. On peut faire ce qu’on veut! Yé!

Et que va-t-il se passer au juste, au-delà du virus qui pourrait se trimballer avec les enfants de l’école à la maison, avec ce retour en classe à deux vitesses ? Est-ce que les enfants présents vont devenir de petits Einstein et des pros des fractions ? Est-ce que les enfants à la maison vont disparaître pour toujours et pour de bon du radar des services sociaux ? Ce qu’on découvre avec ce retour en classe optionnel, c’est le filet social que représente l’école. Certains enfants qui auraient bien besoin d’une pause familiale ou encore de rester accrochés au cadre scolaire pour déjouer les difficultés d’apprentissage ne seront pas en classe. Et certains enfants qui sont très heureux à la maison et capables de faire six mois de pause scolaire sans perdre le goût d’apprendre vont être assis en classe.

En fait, ce retour en classe donne l’impression d’être un test de déconfinement et de prendre la température sur le terrain. Et j’imagine que l’expérience des uns va servir celle des autres, que vos enfants aillent à l’école ou restent à la maison.

J’ai aussi l’impression tenace que peu importe ce qu’on décide ces jours-ci avec l’école primaire, nous participons avec nos enfants à une expérience sociale inédite.

À défaut de rouler sur les chapeaux de roues et sur le pilote automatique comme avant la COVID, on défriche plutôt un nouveau sentier tous ensemble, guidés par un système scolaire qui doit se donner de nouveaux outils, habitudes et repères. Réfléchir, peser le pour et le contre selon sa propre situation personnelle et celle de son enfant, s’adapter, s’adapter encore, se respecter les uns les autres, peut-être que ça nous permettra de cheminer dans Aujourd’hui. Et on verra pour Demain.

Quant aux élèves du secondaire, c’est une autre histoire d’école à distance, semble-t-il… « Avez-vous une tablette électronique ou un ordinateur à la maison?», qu’on nous a demandé. Et aussi un accès internet. Et si ces outils technologiques sont accessibles de deux à trois heures par jour pour permettre les travaux scolaires de l’adolescent. Hein? J’ai une question: est-ce qu’il faut multiplier le nombre d’outils technologiques disponibles par le nombre d’ados au pied carré ou si les heures d’apprentissage peuvent se faire à des moments différents ?

Et euh… Est-ce que je dois faire la police des travaux scolaires en dépit des airs bêtes et du téléphone cellulaire omniprésent ? Parce que… SOS!

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