COVID-19: Le retour en force du livre

Par Emelie Bernier 6:44 AM - 9 avril 2020
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Nous avons testé le service de livraison de Marie-Claude Gagnon. Efficace, courtois et sécuritaire!

Propriétaire depuis 2018 de la Librairie Baie-Saint-Paul, Marie-Claude Gagnon a fermé les portes de son commerce le 20 mars dernier. En pleine pandémie de coronavirus, l’entrepreneure a choisi de faire preuve de débrouillardise et mis sur pied son propre service de livraison à domicile.

Alors que le temps libre connaît une courbe ascendante dans les foyers québécois, confinement oblige, Marie-Claude Gagnon a dû se résoudre à fermer les portes « physiques » de la librarie. « Il y a des clients qui ne comprenaient pas les recommandations gouvernementales… Les personnes âgées continuaient de venir tous les jours flâner au centre commercial. Pour protéger ma clientèle et ma famille, parce que j’ai des enfants à la maison, j’ai décidé de fermer », explique-t-elle. Le travail de libraire implique beaucoup de manipulation, ce qui devenait de plus en plus difficile à gérer avec toutes les mesures imposées par le gouvernement.

Les portes du centre commercial ont fermé à leur tour, mais ça ne signifie pas que Marie-Claude Gagnon a cessé de travailler, bien au contraire. «La crise du coronavirus m’a poussée à accélérer la mise sur pied de mon site transactionnel, en collaboration avec l’association Les Libraires dont je fais partie. Les envois par la poste ou par service de courrier coûtaient très chers alors j’ai développé mon propre service de livraison », dit-elle. La semaine dernière, elle a effectué une trentaine de livraisons à domicile et roulé 300 kilomètres pour ce faire. « Je cumule mes livraisons pendant quelques jours. Je fais Baie-Saint-Paul-La Malbaie par la 138 une fois puis la suivante, je passe par la 362. Je peux donc livrer à Saint-Urbain, Saint-Hilarion, Saint-Irénée, les Éboulements… À Baie-Saint-Paul, je livre pas mal tous les jours », résume Mme Gagnon.

Le coût de l’essence très bas rend l’entreprise à peu près rentable. « Ça me permet de garder la tête hors de l’eau. Ce n’est pas la même chose qu’avec la clientèle en librairie et j’ai perdu un tiers de mon chiffre d’affaires parce que je n’ai plus de commandes de bibliothèques ni de la commission scolaire, mais en livrant moi-même, je limite les frais au maximum et je continue de servir ma clientèle », précise-t-elle. Grâce à ce service, elle conquiert de plus en plus d’adeptes dans Charlevoix-Est.
La Librairie Baie-Saint-Paul dispose aussi d’un inventaire en papeterie, mais il n’est pas accessible via le site transactionnel. « Les gens peuvent m’appeler et je leur envoie des photos… C’est le système D qui prime! », rigole l’entrepreneure.

Via le site Les Libraires, Marie-Claude Gagnon a reçu des commandes des Iles-de-la-Madeleine et du Nouveau-Brunswick, qu’elle envoie évidemment par courrier. «Les gens trouvent les livres où ils sont disponibles… Notre association, Les libraires, fait vraiment un super travail. On ne veut pas perdre notre place pour le web, parce qu’on est concurrencé par les Amazon de ce monde… J’espère que les gens prendront l’habitude de l’achat local », conclut-elle.

Le livre a la cote
1, 5 millions de personnes se retrouvent momentanément sur l’assurance-emploi et disposent soudain de temps libre imprévu. Le livre est un allié pour passer celui-ci d’agréable façon. Jean-Benoît Dumais, directeur général de la coopérative des Librairies indépendantes du Québec, ne peut confirmer « dans l’absolu » que les Québécois lisent davantage en temps de pandémie, mais tout semble l’indiquer. « Je ne peux l’appuyer par des chiffres, mais ils ont envie de maintenir leur lien avec leur librairie indépendante, ça c’est clair. La libraire de quartier participe au tissu social de sa communauté. C’est un foyer de diffusion de la culture. Et les lecteurs y tiennent!»

La hausse des prêts numériques est un indice assez éloquent. «Le service de prêt de livres numériques en bibliothèque bat des records. On parle de jusqu’à 13 000 prêts par jour vs 6000 avant la COVID-19. On célèbre ce mois-ci 10 millions de prêts depuis le lancement du service en 2012 d’ailleurs », ajoute-t-il.

L’association Les libraires, qui regroupe les librairies indépendantes du Québec, mise sur le commerce en ligne via le site transactionnel leslibraires.ca pour maintenir le lien avec les lecteurs. Près de 70% des librairies membres utilisent ce moyen. La vente de livres au détail a cependant connu un recul moyen de 14,1 % au cours des deux dernières semaines par rapport à l’an dernier pour la même période. Les ventes auprès des instutitions comme les bibliothèques publiques et scolaires ont diminué de 42%. Toutefois, les acquisitions de livres numériques par les bibliothèques publiques ont connu un essor formidable, en lien avec l’achalandage record sur la plateforme pretnumerique.ca.

«Globalement, les ventes sur le site transactionnel Les libraires sont en formidable hausse, mais elles ne viennent pas encore compenser toutes les ventes habituelles, dont l’arrêt fragilise les librairies », indique Jean-Benoît Dumais de l’association.

Ce dernier remarque que les livres du département parascolaire sont ceux qui ont le plus la cote, avec une hausse des ventes de 313%. Les bandes dessinées et les romans ont aussi leurs adeptes.

 

 

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