L’histoire de Jordan

Par Émélie Bernier 3:45 PM - 31 mars 2020
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Jordan, en des jours plus heureux.

 

Jordan Gaudreault, 9 ans, vivait avec une minuscule, mais potentiellement dévastatrice bombe à retardement nichée bien à l’abri dans sa tête. La bombe a choisi le pire moment pour exploser, alors que la COVID-19 mobilise, et contamine même parfois, les bons petits soldats du système de santé… 

Jusqu’au 23 mars, la malformation veineuse au niveau du cervelet de Jordan était inconnue de ses parents et de son médecin. Ce lundi-là,  Jordan Gaudreault s’est mis à souffrir d’un insistant mal de tête. La douleur amplifiait, l’enfant souffrait de plus en plus. Tylénol, repos, câlin de maman : rien n’y faisait. Sa mère,  Sabrina, surveillait de près ses symptômes, jusqu’à ce que la situation se complique. «Le mal de tête ne passait pas, il avait de plus en plus de douleurs, il allait vraiment mal! Avec la COVID, on était très inquiet, on a appelé le 811, mais les lignes étaient toujours occupées. C’est sûr qu’il y a beaucoup de demandes… Finalement, il s’est évanoui dans mes bras… », raconte Sabrina Gaudreault qui a aussitôt contacté le 911. Comme Jordan faisait des bruits de ronflements, « un mauvais signe », les répartiteurs ont rapidement enclenché le processus d’urgence. Jordan était mal en point. Le mot « arrêt cardiorespiratoire » est tombé comme un couperet.

Au 911, on a accompagné le conjoint de Sabrina pour que ce dernier administre le massage cardiaque jusqu’à l’arrivée des secours. «Il lui a sauvé la vie », raconte la maman qui n’a pu prendre place à bord de l’ambulance qui a mené son fils de la maison à l’hôpital de La Malbaie, puis peu de temps après, de La Malbaie à Québec où Jordan a été hospitalisé et opéré d’urgence.

«Il neigeait, on est arrivé à 2h30 du matin à l’hôpital… Ils nous ont pris à part, le papa et moi. Avec la COVID, c’est vraiment très strict. Même mon conjoint n’a pas pu m’accompagner.  On nous a dit que Jordan était entre la vie et la mort… », résume Sabrina Gaudreault qui a alors encore davantage regretté de n’avoir pu prendre place avec son fils lors des transports en ambulance. «J’ai perdu de précieuses minutes avec lui… »

De 3h à 7h, Jordan Gaudreault a subi une longue et délicate intervention au cerveau, une opération réussie mais qui pourrait laisser des séquelles au jeune homme qui, au moment d’écrire ces lignes lundi étaient impossible à évaluer.

 Le spectre de la COVID-19

Comble de malchance, un membre du personnel soignant qui a travaillé auprès du jeune garçon a été testé positif à la COVID-19 quelques jours après l’opération. «On était vraiment stressé, mais Jordan a été testé négatif. Disons que c’est un très mauvais moment pour être hospitalisé », glisse la maman.

Jordan est pris en charge au CHUL. Ses parents se relaient auprès de lui.

L’arrêt cardio-respiratoire a bel et bien été causé par l’éclatement de la malformation veineuse du jeune garçon. Depuis l’opération, après laquelle il a été maintenu quelques jours en coma induit, il s’est peu réveillé. Quand elle est auprès de lui, Sabrina lui fait jouer sa chanson préférée, L’Amérique pleure, des Cowboys fringants. Elle a des « propriétés magiques », comme l’écrit Sabrina dans les messages qu’elle adresse à Jordan sur Facebook.  Souvent, le petit s’anime un peu quand il l’entend, mais ce n’est pas suffisant au goût des médecins qui sont préoccupés. Heureusement, un IRM a démontré qu’outre l’inflammation subséquente à l’opération, le cerveau ne semble pas avoir subi de dommages majeurs. «Ils ont réussi à protéger le cerveau, il n’y a rien de grave. Dans ces cas-là, il n’y a pas un enfant pareil… »

Dimanche dernier, Jordan a connu sa première vraie période d’éveil de quelques minutes. « C’est rassurant, car ce n’était pas normal qu’il ne se réveille pas. J’étais à côté de lui quand il a ouvert les yeux.  Il était paniqué de ne pas savoir où il était, je pense.  J’ai pu le rassurer, lui dire qu’on ne le lâchait pas, qu’on veillait sur lui …  Il a reperdu conscience, mais c’est un petit pas. C’est minime, les pas, mais il commence à respirer de lui-même. On nourrit l’espoir », résumait Sabrina Gaudreault dimanche.

Parlant d’espoir, Sabrina et Jordan ont des billets pour le spectacle des Cowboys fringants au Domaine Forget en octobre. « On y sera », glisse Sabrina qui entend bien amener son fils unique voir son groupe favori.

L’actuelle pandémie de COVID-19 rajoute une couche de complexité à la situation pour la famille qui, en temps normal, aurait pu être logée au Manoir Ronald McDonald,  fermé pour cause de coronavirus. Sur un coup de tête, Sabrina a décidé de lancer une levée de fonds, sur Facebook, pour adoucir un peu l’épreuve. Initialement, la maman souhaitait récolter 3000$, un montant qui a vite été dépassé.  Au moment d’écrire ces lignes, mercredi, plus de 10 000$ avaient été amassés. Tous les dons recueillis aideront la famille à passer à travers ses moments difficiles. «S’il reste des sous,  le tout sera redonné pour les prochaines familles dans le besoin», indique Sabrina Gaudreault qui écrit quotidiennement à son fils pour lui rappeler que même dans cette période de noirceur, maman veillait sur lui…

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